L'infirmière n° 010 du 01/07/2021

 

JE DÉCRYPTE

COLLOQUE

Laure Martin  

Le Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (Sidiief) a organisé, du 7 au 11 juin, un forum virtuel sur l’avenir des soins infirmiers. L’occasion d’aborder le rôle infirmier dans les soins aux aînés et leurs proches. Une expertise qui se doit d’être valorisée.

En dehors des services de pédiatrie et de néonatalogie, les soins aux personnes âgées sont assurés partout par les infirmières, c’est pourquoi il est important, selon moi, de reconnaître leur expertise », a soutenu Huguette Bleau, infirmière québécoise à la retraite présidente de l’Association québécoise des infirmières et infirmiers en gérontologie. Cette reconnaissance peut prendre différentes formes avec, tout d’abord, la formation. « Au Québec, lors des États généraux de la profession infirmière, qui se sont déroulés fin mai, nous avons insisté sur la nécessité pour les infirmières d’être apprenantes à vie, de toujours recourir à la formation continue afin de tenir compte des nouvelles avancées technologiques et scientifiques, a-t-elle fait savoir. Nous avons d’ailleurs demandé que la norme de formation continue devienne la règle. » Les conditions de travail sont également un élément-clé de cette reconnaissance, ce qui implique « des ratios infirmiers sensés et sécuritaires », a-t-elle ajouté, précisant que la gouvernance en soins infirmiers dans les services doit elle aussi être forte, « car si les conditions optimales ne sont pas réunies, il est alors difficile de retenir le personnel déjà en place et d’en attirer du nouveau ».

UNE ÉVOLUTION SOCIÉTALE NÉCESSAIRE

La non-reconnaissance du rôle infirmier auprès des personnes âgées et la dévalorisation de leur expertise seraient en partie liées à la place accordée aux seniors dans nos sociétés. « Aujourd’hui, on considère qu’il est moins valorisant de dire qu’on travaille dans une unité de soins de longue durée plutôt qu’aux urgences, a souligné Delphine Roulet Schwab, professeure ordinaire à l’Institut et Haute École de la santé La Source(1). Il faut mener une vraie lutte pour revaloriser les soins infirmiers aux aînés dans les différents milieux de soins, car ce travail demande une expertise scientifique. » En Belgique, cette « non-place » se ressent également par le niveau de qualification des infirmières. « Il existe deux niveaux pour la formation en soins infirmiers, et ce sont les infirmières avec le niveau d’études le moins élevé qui prennent en charge les personnes âgées, regrette Olivier Gendebien, infirmier et président de l’Association belge des praticiens de l’art infirmier (ACN)(2). Nous trouvons cela aberrant car les personnes âgées sont pluripathologiques, ce sont donc les infirmières les plus qualifiées qui devraient les prendre en charge prioritairement. » Il est, selon lui, nécessaire de revoir les normes de qualification des soignants qui s’occupent des personnes âgées, un moyen également de tendre vers leur prise en charge globale.

UNE PRISE EN CHARGE HOLISTIQUE

Cette prise en charge a justement été défendue par Chrystèle Leman, infirmière cadre de santé, cofondatrice de Soignons humains, qui porte l’initiative Équilibres, dans le cadre de l’article 51, en France. Cette expérimentation revoit les modalités de tarification des Idels qui y participent. « Elles ne cotent plus d’actes mais facturent au temps passé auprès des patients, ce qui permet justement une prise en charge globale, là où la NGAP fractionne le patient en actes », a-t-elle expliqué, précisant que l’objectif est de maintenir les personnes à domicile le plus longtemps possible.

Notes

1. Et présidente de Gérontologie CH (Société suisse de gérontologie) et d’Alter ego, une association pour la prévention de la maltraitance envers les personnes âgées.

2. Et directeur du département infirmier et paramédical, Centre public d’action sociale de Woluwe-Saint-Lambert (Maison de repos et de soins).

Prendre en compte les nouvelles technologies

Les infirmières peuvent avoir accès à des innovations technologiques pour aider à la prise en charge des personnes âgées. Dans l’idéal, il faut qu’elles aient été conçues pour rendre service et en collaboration avec toutes les personnes impliquées dans le suivi des aînés (patients, aidants et personnel). « C’est le cas dans notre maison de repos où nous utilisons des gobelets qui nous permettent de connaître la quantité d’eau bue par le résident, a indiqué Olivier Gendebien. Nous testons cette innovation pour déterminer si cela permet de limiter les infections urinaires et la déshydratation. Elle ne coûte pas trop chère et elle est accessible aux résidents. Chaque établissement doit prendre en compte ce qui peut répondre à ses besoins. »