L'infirmière n° 010 du 01/07/2021

 

ÉDITO

Hélène Trappo  

Rédactrice en chef de L’INFIRMIÈR.E

On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. » C’est en ces termes crus qu’un infirmier s’est exprimé sur Twitter en réponse à une campagne de recrutement lancée par un hôpital. Autrement dit, les établissements de santé vont devoir redoubler d’arguments s’ils veulent réussir à faire le plein cet été - alors que les remplacements s’avèrent déjà un véritable casse-tête - et à plus long terme. Effet post-Covid ? Les difficultés pour dénicher de nouvelles recrues n’ont jamais été aussi catastrophiques si l’on se réfère aux témoignages de directions, relayés dans la presse, et aux campagnes de recrutement qui se déploient en ce moment. Mais comment les « attraper », ces infirmières, et éviter que leur expérience ne tourne au vinaigre ? Job dating à destination des professionnelles, mise à contribution via des animations ludiques de personnels pour vanter les opportunités offertes par l’établissement recruteur, prime à l’embauche, réduction de la période de CDD… Services de communication et ressources humaines se démènent pour tenter d’appâter les candidates. Mais le mal est profond, la crise sanitaire n’a fait qu’exacerber la pénurie de soignantes, braquant un puissant projecteur sur les conditions de travail, une forme d’« industrialisation du soin » tant décriée, le manque de reconnaissance. Autant de maux auquel est venu s’ajouter l’épuisement après quinze mois d’épidémie. Et la pénurie ne fait qu’aggraver les conditions de travail dans un secteur déjà en tension, poussant nombre d’infirmières sur la voie de la reconversion (lire p. 70).

C’est en somme le serpent qui se mord la queue.

Dans ce contexte, les avancées apportées par le Ségur de la santé sur le terrain de la rémunération apparaissent d’ailleurs insuffisantes. Et la proposition du syndicat FO d’ouvrir une « nouvelle séquence » dudit Ségur portant sur les conditions de travail à l’hôpital mérite d’être entendue. C’est bien sur ce terrain qu’il faut continuer d’agir. Prendre soin des soignants au quotidien (lire p. 12 et 62) et leur offrir des perspectives d’évolution avant qu’il ne soit trop tard pour les retenir. Pour autant, la formation en Ifsi a toujours autant de succès sur Parcoursup, preuve que le métier d’infirmier garde son pouvoir d’attraction. C’est donc un atout et un levier sur lesquels s’appuyer.

Enfin, paradoxalement, au moment où les démissions sont plus nombreuses, la profession semble pouvoir enfin avancer sur un terrain qui lui tient à cœur, la révision du décret d’actes, vieux de vingt ans. À la clé, il s’agit de mieux coller aux besoins de santé et corrélativement de renforcer l’attractivité de la profession. Cela passe par la reconnaissance d’une plus grande autonomie. Plus d’autonomie, c’est justement ce que préconise un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur « La pédiatrie et l’organisation des soins de santé chez l’enfant en France » (lire p. 9) pour les puéricultrices, notamment en ville, avec l’idée de leur confier des consultations autonomes…

Alors avant de prendre le large, mieux vaut y réfléchir à deux fois (lire p. 70), faire le tour des opportunités, d’où qu’elles viennent. La période estivale est propice à une parenthèse de réflexion. Bel été !