En ville ou à la campagne, seul ou à plusieurs, en pluridisciplinarité : à chaque Idel sa façon d’exercer. C’est parfois le hasard qui les a conduits au libéral, souvent des rencontres. Et malgré les difficultés, nombreux sont ceux qui s’épanouissent dans leur carrière. Sept d’entre eux ont accepté de se raconter.
ODILE PECRIAUX 52 ans, installée depuis 2013 à Marly-Gomont (Aisne) en cabinet monoprofessionnel • Une trentaine de patients • Tournée : 7 h 30-12 h 30 et 16 h 30-18 h 45
À 52 ans, Odile a plus de 24 ans de libéral à son actif. Après ses études, elle travaille seulement un an à l’hôpital avant de se tourner vers le libéral qu’elle avait découvert en stage. C’est l’une de ses amies qui l’a mise en contact avec une Idel du Nouvion-en-Thiérache (Aisne), en recherche de renfort pour sa tournée. L’histoire a duré vingt ans ! « Lorsque j’ai divorcé, pour une question d’organisation j’ai arrêté le libéral pour exercer en Ehpad, raconte-t-elle. Mais comme je travaillais en 12 heures, j’avais du temps pour faire des remplacements en libéral. J’avais des bonnes semaines et j’étais fatiguée, mais comme j’adore cet exercice, cela me convenait. » Il y a huit ans, lorsque l’Idel qu’elle remplace à Marly-Gomont - un village de 300 habitants - part à la retraite, c’est sans hésiter qu’Odile rachète la patientèle. « Le milieu est très rural et les patients sont principalement des personnes âgées, explique-t-elle. Parfois, je suis leur seule visite de la journée, surtout depuis la crise sanitaire. » Lors de ses tournées, elle prend en charge une trentaine de personnes pour lesquelles elle parcourt environ 150 kilomètres par jour « toujours avec plaisir, soutient-elle. J’aime vraiment être sur les routes, aller au domicile des gens pour bien les connaître, rencontrer leur famille. À l’hôpital, les patients sont davantage des numéros. Et puis en libéral, je peux leur rendre service, par exemple aller à la pharmacie quand ils n’ont plus de médicaments. Cela me plaît, c’est mon truc ! » Une expérience qu’elle a partagée avec son fils pendant un an et demi. « J’ai adoré travailler avec lui, et les patients aussi l’ont beaucoup apprécié. C’est tout juste si nos mamies ne mettaient pas du rouge à lèvres quand il faisait la tournée ! Je suis nostalgique de cette période. Mais lui aime la technique, alors il a économisé pour financer sa formation d’infirmier anesthésiste. » En quittant le cabinet, son fils lui a trouvé une remplaçante, qui est son associée depuis juin. « On alterne une semaine sur deux, et ce fonctionnement me convient parfaitement car nous gérons chacune notre planning et nous effectuons les transmissions qu’une fois par semaine. » Les semaines où elle travaille, Odile n’a le temps pour rien d’autre. « Mais quand je suis de repos, je prends vraiment du temps pour moi, reconnaît-elle. C’est d’ailleurs un autre avantage par rapport au salariat, car dans les structures, j’étais tout le temps rappelée, même pendant mes congés. » Odile gagne aussi mieux sa vie, environ 3 500 euros par mois pour 15 jours de travail. Et elle apprécie le relationnel « différent » avec les médecins « qui comptent vraiment sur nous, et encore plus depuis la crise sanitaire, fait-elle savoir. Nous avons d’ailleurs mis en place des téléconsultations, une nouvelle approche du soin qui nous permet d’approfondir nos relations avec eux et qui est gratifiante pour nous. »
ANTOINE BOBLAHE 55 ans, exerce à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) depuis 2009 en cabinet monoprofessionnel • Nombre de patients et horaires de tournée non communiqués
Originaire de Côte d’Ivoire où il était déjà infirmier, Antoine a exercé en centre de santé en milieu rural pendant quatre ans. Et sa pratique du métier était beaucoup plus diversifiée qu’en France ! « Je faisais des accouchements, j’allais à moto dans les villages pour vacciner », se rappelle celui qui est arrivé dans l’Hexagone en 1996 dans l’idée de poursuivre ses études pour devenir médecin. Mais il a vite compris que son objectif allait être difficile à atteindre car son diplôme d’infirmier n’était pas reconnu en France. « J’ai donc repris mes études à l’Ifsi de Levallois-Perret, puis j’ai travaillé trois ans au centre hospitalier de Courbevoie, qui a financé ma formation », explique-t-il. Il s’est ensuite orienté vers l’intérim et les vacations. « C’est une collègue dans une clinique qui m’a parlé d’un infirmier libéral exerçant dans le XVIe arrondissement de Paris, raconte-t-il. Il avait besoin de renfort et comme j’avais envie de quitter l’hôpital et ses lourdeurs administratives, je l’ai contacté. » En 2009, après un an d’exercice, Antoine souhaite créer son propre cabinet et rachète une patientèle à Saint-Ouen. Si entre les deux villes, les pathologies des patients sont similaires, l’environnement, en revanche, est loin d’être identique, Saint-Ouen connaissant les violences des quartiers difficiles. « Selon moi, l’essentiel pour exercer le métier, c’est d’avoir la vocation », soutient Antoine. Mais il confie avoir déjà été agressé dans le cadre de son travail, de s’être fait arracher son téléphone et casser son véhicule. Lors de sa tournée, qu’il effectue en voiture, il a d’ailleurs adopté certaines règles de sécurité pour éviter tout vol : il ne laisse rien apparaître sur les sièges, d’autant plus qu’avec le caducée, « on reconnaît vite la voiture d’un infirmier ». « L’exercice est parfois lourd et il m’arrive de travailler avec la peur au ventre, avoue-t-il. Lorsqu’il y a des jeunes attroupés, généralement, je les salue et je passe mon chemin pour éviter les affronts. » Aujourd’hui, il ressent moins de craintes car les jeunes le connaissent et savent qu’il vient dispenser des soins, « ce qu’ils respectent, indique-t-il. Mais quand ils ne connaissent pas la raison de ma présence, ils sont sur le qui-vive. » Récemment, il a dû appeler la police pendant sa tournée. « Je me suis garé sur une place qu’une personne gardait et elle est devenue extrêmement agressive, regrette-t-il. Je n’ai pas eu d’autre choix que de demander de l’aide. » Mais quoi qu’il arrive, Antoine pense aux patients « qui ne peuvent et ne doivent pas être pénalisés par cette situation ». Cette violence a toutefois des conséquences sur son exercice. « J’ai des difficultés à trouver des remplaçants, reconnaît-il. Certains se sont déjà fait malmener pendant leur tournée et ont préféré arrêter. »
GILLES LATOURNALD 38 ans, exerce à Anse-Bertrand (Guadeloupe) depuis 2013 en cabinet de groupe monoprofessionnel • Une quinzaine de patients • Tournée : 5 h 30-12 h et 15 h-18 h 30
Après sa formation en soins infirmiers à l’Ifsi du Groupe hospitalier Paul Guiraud (Île-de-France), Gilles travaille en intérim, en psychiatrie puis en Hospitalisation à domicile (HAD). « C’est dans le cadre de l’HAD que j’ai découvert le travail au domicile des patients, ce qui m’a vraiment plu, explique-t-il. Le fait de sortir, d’aller chez eux, dans leur intimité… Je trouve que le relationnel est totalement différent, car le patient est généralement plus apaisé et il n’y a pas cette barrière institutionnelle que génère souvent l’hôpital. » C’est un concours de circonstances qui l’a conduit à l’exercice libéral. « Ma maman était Idel en Guadeloupe et, en 2013, elle a décidé d’arrêter, raconte-t-il. Comme elle voulait revendre ses parts et qu’elle connaissait mon intérêt pour le domicile, elle m’a proposé de les racheter. J’ai saisi l’opportunité pour rentrer en Guadeloupe car à Paris, je n’avais pas une vie de rêve non plus. On vivait dans un deux-pièces pour 1 000 euros par mois. Avec la naissance de mon premier enfant, j’ai voulu lui offrir un meilleur cadre de vie, loin de l’hiver parisien. » La décision ne s’est pas prise sans appréhension car ayant passé dix ans en métropole, Gilles ne savait pas à quoi s’attendre pour son retour en Guadeloupe. En revanche, il n’a eu aucune crainte pour l’exercice libéral, notamment parce que sa mère le pratiquait depuis des années. « Je l’aurais su si ce n’était pas si bien que ça ! » À son arrivée, il commence par quelques remplacements en zone urbaine, le temps que la transition se fasse au cabinet. La liberté d’organiser son planning et de pouvoir prendre seul des décisions le confortent dans son choix. « Et puis les centres-villes en Guadeloupe, ce n’est pas comme à Paris, ce n’est pas la même circulation, ni les mêmes paysages… L’ambiance est vraiment différente. » Aujourd’hui, il collabore avec un associé et trois remplaçants en zone rurale, dans l’extrême nord de la Guadeloupe. Il prend principalement en charge des personnes âgées pour des soins de nursing, des perfusions, des pansements et des suivis de diabète. « Les patients sont vraiment très accueillants, j’ai l’impression d’être un membre de la famille qui vient dispenser des soins », rapporte-t-il. Et de poursuivre : « Comme ils ont connu ma mère, j’ai bénéficié de l’héritage de son bon relationnel et d’une forme de bienveillance de leur part même s’il est de ma responsabilité de l’entretenir. » Dans le cadre de son exercice, Gilles est peu impacté par la concurrence qui sévit entre les Idels en zone urbaine. « Nous entretenons de bons rapports avec nos collègues, ainsi qu’avec les médecins et les pharmaciens. L’écoute des praticiens est d’ailleurs un autre point fort du libéral. Ils nous demandent notre avis sur nos patients et le prennent en compte. Je ne ressentais pas cela à l’hôpital. »
LAURENT LOCHER 58 ans, libéral depuis 1993, installé depuis 2005 à Dinan (Côtes-d’Armor) en cabinet de groupe monoprofessionnel • Une trentaine de patients • Tournée : 7 h 30-13 h et 16 h-20 h
Je suis diplômé depuis 1988 et, à l’époque, on pouvait s’installer en libéral tout de suite après les études, indique Laurent. J’ai saisi cette opportunité pour effectuer des remplacements du côté du Mans et en région parisienne, auprès de ma tante qui était Idel. » Immédiatement, il se sent bien dans ce mode d’exercice et sait que sa pratique se fera en libéral. Après avoir tout de même exercé en salariat à Paris, en Suisse puis dans une clinique privée à Saint-Malo, il passe le cap en 1993 et rachète une patientèle dans le Trégor. La population y est très rurale, ce qui plaît à l’infirmier. « Mais c’est aussi dans ce contexte que j’ai découvert les difficultés qui peuvent naître entre collègues. L’un des infirmiers du cabinet voulait tout contrôler, tout diriger, alors que je m’étais installé en libéral par goût de la liberté, pour cette possibilité d’assumer seul mes responsabilités et de m’organiser comme je le souhaite. On a fini par se séparer. » Après douze ans dans le Trégor, leurs filles grandissant, Laurent et son épouse décident de se rapprocher d’une ville. Ils optent pour Dinan, d’où est originaire la femme de Laurent. « Entre les deux installations, j’ai fait des remplacements, jusqu’à m’associer dans un cabinet dans lequel nous sommes désormais quatre », rapporte-t-il. Et de poursuivre : « L’exercice dans cette ville a vraiment évolué. Auparavant, notre patientèle était mixte, à la fois rurale et semi-urbaine. Nous allions souvent à la campagne, chez des patients vivant seuls, chez qui nous chauffions l’eau sur le poêle. Cela n’existe plus, aujourd’hui. » Laurent se dit un peu nostalgique de cette période, l’exercice en ville étant pour lui quelque peu frustrant car « les gens sont pressés ». « J’ai le sentiment que je pouvais plus prendre le temps à la campagne, reconnaît-il. Je suis toujours très motivé par mon travail mais le rythme et l’arrivée de confrères plus jeunes, qui ont plus d’énergie et pas nécessairement les mêmes besoins, souhaitant travailler beaucoup, représentent parfois une difficulté pour notre organisation. » Aujourd’hui, Laurent a pris une remplaçante pour lever un peu le pied et travailler 15 jours par mois. Financièrement, il a toujours eu le même fonctionnement : il se verse 2 500 euros par mois, et le reste constitue une réserve. « Je me suis calé sur le fonctionnement de mon épouse qui est infirmière salariée de l’Éducation nationale, explique-t-il. Aujourd’hui, j’estime être bien payé, d’autant que de plus en plus d’actes sont inscrits à notre NGAP, ce qui participe aussi à diversifier notre pratique. » Le fait que son épouse soit salariée leur a d’ailleurs permis de s’organiser par rapport à leur vie de famille. « Si nous avions exercé tous les deux en libéral, le rythme aurait été plus difficile, admet-il. Mais l’avantage de ce mode d’exercice, c’est que je ne suis jamais très loin de la maison. D’ailleurs, lorsque mes filles, alors plus jeunes, étaient malades, il m’arrivait de faire ma tournée avec elles, installées sur la banquette arrière de la voiture. »
ÉVELYNE DOCHE 47 ans, exerce à Aime-la-Plagne (Savoie) depuis 2006 en Maison de santé pluriprofessionnelle • Une trentaine de patients maximum • Tournée : 6 h/6 h 30-12 h/13 h et 16 h 30-19 h 30/20 h
Dans ma famille, nous sommes nombreux à être infirmiers ou aides-soignants, explique Évelyne. Pourtant, à l’origine, je ne voulais pas du tout être dans ce milieu. » Un été, alors qu’elle travaille au centre hospitalier de Moûtiers, où son père est aide-soignant, elle découvre l’univers du soin. « À l’époque, j’étais lycéenne et je ne savais pas vraiment quelle orientation professionnelle choisir, se rappelle-t-elle. C’est ce travail qui m’a donné envie d’être infirmière. » Après l’obtention de son diplôme à l’Ifsi de Grenoble, en 1997, elle rentre à Aime-la-Plagne pour exercer à l’hôpital de Moûtiers, en soins intensifs. « Mais progressivement, des services ont commencé à fermer et j’ai alors été amenée à en changer régulièrement, ce qui me plaisait beaucoup moins », reconnaît-elle. Tout bascule lorsque son fils de 2 ans est grièvement brûlé. « À la fin de son hospitalisation, je n’ai plus eu envie de travailler à l’hôpital », se souvient l’Idel. Elle qui n’avait jamais pensé au libéral parce qu’elle en avait une mauvaise image, commence à revoir sa copie. « Je suis allée spontanément au cabinet libéral d’Aime-la-Plagne où une amie du collège travaillait. Je n’étais pas convaincue par ma démarche, alors je ne me suis pas vraiment vendue », s’en amuse-t-elle. L’Idel installée lui demande de revenir deux-trois mois plus tard, ce que fait Évelyne. « Elle m’a annoncé sa grossesse et donc son besoin de renfort », indique-t-elle. Six mois plus tard, Évelyne donne sa disponibilité à l’hôpital et encore six mois plus tard, elle rachète un quart de la patientèle pour devenir associée du cabinet. « Dès les premiers jours, l’exercice avec mes collègues, très bienveillantes, m’a beaucoup plu, explique-t-elle. Nous prenons en charge une population rurale, montagnarde et nous sommes toujours bien reçues, ce qui peut s’expliquer par le fait que je suis originaire de ce village et que de nombreux patients me connaissent depuis que je suis enfant. » L’hiver, en raison des problèmes de circulation liés à la neige et à la hausse de l’activité avec l’arrivée des touristes, elles mettent en place une tournée supplémentaire. « J’adore cet exercice et rouler sur la neige », raconte-t-elle le sourire aux lèvres, se souvenant d’une anecdote où, tôt un matin, elle s’est trompée de route et s’est retrouvée avec sa voiture sur une piste de ski. Depuis 2011, le cabinet fait partie d’une Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) et d’un pôle de santé. « Nous l’avons créé avec deux jeunes médecins, fait savoir l’Idel. Professionnellement, c’est enrichissant car la structure perçoit des financements pour le projet de santé orienté sur des actions de santé publique, une mission que les Idels ont rarement le temps d’accomplir. » Évelyne intervient par exemple sur des actions de prévention de l’obésité chez l’enfant ou lors d’actions sur l’alimentation auprès de la population « mais mes interventions n’ont pas nécessairement un lien direct avec mon métier, ce qui me permet de diversifier ma pratique ». Aujourd’hui, elle est pleinement satisfaite de son travail, même si le recrutement d’Idels dans le secteur fait défaut. « Et puis, on dit souvent qu’en libéral on gagne bien notre vie, mais il faut voir le nombre d’heures que l’on effectue et toute la gestion administrative qui va avec », pointe-t-elle du doigt.
PIERRE GUÉRIN 32 ans, libéral depuis 2013, installé depuis 2017 à Paris dans un cabinet médical • Deux tournées : - 7 h-19 h avec 1 heure de pause (35-40 patients) - 8 h 30-16 h avec une permanence à 12 h au cabinet (environ 15 patients sur la tournée et 10 pendant la permanence)
C’est le hasard qui a amené Pierre Guérin au libéral. Alors qu’il est infirmier au centre hospitalier de Chambéry, une de ses collègues quitte le service pour s’installer en libéral. « Elle m’a parlé des avantages de ce mode d’exercice, de la plus grande liberté pour organiser son planning, et cela m’a séduit », raconte-t-il. Pierre saisit donc sa chance et se retrouve en 2013 à exercer avec cinq Idels qui lui apprennent tout. « Il y avait un côté très famille dans ce cabinet et dans la prise en charge des patients, ainsi qu’une variété de soins qui m’a vraiment plu. » En 2015, il déménage à Paris pour rejoindre son conjoint et, en arrivant dans cette nouvelle ville, la question ne se pose pas : il poursuit le libéral. Mais après quelques remplacements, il est déçu des cabinets où il collabore. « Les Idels n’avaient pas mis en place de traçabilité et dans certains cas, des cotations étaient injustifiées, regrette-t-il. J’ai eu l’impression qu’ils avaient plus envie de faire du chiffre que de suivre leurs patients. » En janvier 2017, il prend son courage à deux mains et monte son cabinet. « J’ai fait des cartes de visite que j’ai données à des pharmaciens, j’ai rencontré des structures d’aide pour les personnes âgées, j’ai travaillé dans un laboratoire de biologie médicale pour me faire connaître, se souvient-il. Après deux mois pendant lesquels je me suis démené pour me créer un réseau, j’ai finalement constitué une tournée complète avec une quinzaine de patients par jour. » Mais rapidement, Pierre ressent le besoin de partager. À cette même période, il est contacté par Idomed, une start-up qui propose une solution de téléconsultation. « Les fondateurs sont hébergés par le cabinet médical Ipso, fait savoir Pierre. Ce sont eux qui m’ont dit qu’Ipso cherchait un infirmier. » Les locaux étant situés juste à côté de chez lui, dans le quartier où il a développé sa patientèle, il saute sur l’occasion. « J’ai été séduit par l’approche et par le fait que dans la structure sont aussi présents des informaticiens, des assistants médicaux, une variété de professionnels avec qui échanger. » En tant qu’associé d’Ipso, Pierre a des missions à accomplir pour le développement du cabinet : tisser des liens avec les acteurs du territoire, organiser des collaborations, « un travail qui se concrétise actuellement avec la mise en place de la Communauté professionnelle territoriale de santé Paris Centre », se félicite-t-il. Il développe également le travail des infirmiers sur l’ensemble des quatre cabinets Ipso afin de faciliter leur installation et est responsable des relations patients. « Grâce à Ipso, je suis totalement épanoui dans mon exercice, notamment parce que j’ai pu développer d’autres compétences en dehors des soins, reconnaît-il. J’y consacre beaucoup de mon temps mais je suis fier du travail que nous accomplissons au quotidien. »
JULIE CERSOSIMO 32 ans, exerce depuis 2015 à Lyon (Rhône) en Maison de santé pluriprofessionnelle • Environ 35 patients • Tournée : 7 h-12 h/12 h 30 et 16 h-18 h 30
Lors de ma formation, j’ai fait des stages en libéral et en cancérologie, témoigne Julie. Les deux m’intéressaient, et ne pouvant m’installer directement en libéral, j’ai postulé au Centre de cancérologie Léon Bérard (CLB) de Lyon. » Elle y exerce pendant trois ans, dans le service de séno-gynécologie. « Si j’avais pu rester plus longtemps, je l’aurais certainement fait, mais j’ai été confrontée à un problème de management et en parallèle une opportunité en libéral s’est présentée à moi », poursuit-elle. Sa collègue du CLB avait un ami ostéopathe qui cherchait à s’installer en libéral avec d’autres soignants. Tous les trois visitent un local dans le VIIe arrondissement de Lyon. « Nous n’avons pas trop réfléchi, nous avons donné notre démission et nous nous sommes lancés », se remémore-t-elle. Des professionnels de santé se greffent au projet, notamment un autre ostéopathe, un masseur-réflexologue et une sage-femme. « Nous avons travaillé de cette manière pendant trois ans, jusqu’à ce qu’un médecin généraliste frappe à notre porte pour savoir si nous étions intéressés pour travailler avec lui », rapporte-t-elle. La MSP voit alors le jour et regroupe aujourd’hui une vingtaine de professionnels. « C’est important pour moi de travailler en équipe, d’autant plus qu’en sortant d’un service hospitalier, je ne me voyais pas exercer toute seule, admet-elle. L’exercice en MSP est vraiment moteur et porteur pour mutualiser nos compétences et les mettre au service du quartier. » La MSP mène des actions de santé publique notamment entre les Idels, les médecins généralistes et les diététiciennes sur le diabète et le ramadan. Les Idels prévoient également, en collaboration avec la sage-femme, des actions sur la santé de la femme ou encore, avec les médecins généralistes, des actions d’éducation thérapeutique pour les patients chroniques touchés par le diabète ou sous AVK. En s’installant, les deux infirmières ont dû créer leur réseau pour monter leur tournée. « Nous l’avons d’abord développé via les chirurgiens et l’HAD du CLB avec lesquels nous avions travaillé. Mais ce n’était pas toujours évident, car les patients n’habitaient pas nécessairement dans le VIIe arrondissement, ce qui nous obligeait parfois à traverser la ville. » Aujourd’hui, Julie est encore amenée à prendre en charge des patients en cancérologie, « ce qui me permet d’entretenir mes compétences techniques dans le domaine », indique-t-elle, précisant être satisfaite de la polyvalence des soins qu’elle peut dispenser en libéral. Elle apprécie également le lien qui se crée avec le patient et la continuité des soins. Néanmoins, l’exercice libéral n’est pas non plus tout rose. « Lorsqu’on s’est installés, je n’avais pas mesuré l’importance de l’aspect psychosocial de la prise en charge. Je ressens d’ailleurs une forte pression mentale, notamment parce que nous avons des patients psychiatriques dont le suivi est compliqué, d’autres qui vivent dans des conditions d’hygiène difficiles, certains nous parlent mal. En parallèle, nous ne recevons pas beaucoup de soutien de la part de leur médecin traitant. » Julie a décidé de se protéger en réduisant son activité à 10 jours par mois, « pour profiter de mon enfant tout en gagnant quand même mieux ma vie qu’à l’hôpital », conclut-elle.