LA PHARMACOVIGILANCE, UN DEVOIR DÉONTOLOGIQUE - Ma revue n° 012 du 01/09/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 012 du 01/09/2021

 

SANTÉ PUBLIQUE

J’EXERCE EN LIBÉRAL

RÉGLEMENTATION

Laure Martin*   Céline Mounier**  


*directrice de la surveillance à l’ANSM

Dans le cadre de la pharmacovigilance, seules les professions médicales ont l’obligation de déclarer les effets indésirables en lien avec des médicaments. Néanmoins, les Idels ont un rôle déterminant à jouer… C’est même un devoir.

En France, la pharmacovigilance relève de la responsabilité de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en lien étroit avec le réseau des 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV).

DE QUOI PARLE-T-ON ?

La pharmacovigilance, telle que définie par le Code de la santé publique (CSP), « a pour objet la surveillance du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain », ainsi que l’évaluation, la prévention et la gestion de ce risque. Un effet indésirable est une réaction nocive et non voulue, suspectée d’être due à un médicament survenant dans les conditions d’utilisation conformes ou non aux termes de l’enregistrement ou de l’autorisation du médicament, y compris en cas d’usage hors autorisation de mise sur le marché (AMM), de surdosage, de mésusage, d’abus, d’erreur médicamenteuse, d’interaction, lors d’une prise pendant la grossesse, l’allaitement et lors d’une exposition professionnelle. Au cours des essais cliniques, l’exhaustivité des effets indésirables est recherchée, mais elle a lieu sur une durée limitée et sur des publics particuliers. Une fois le médicament commercialisé, la surveillance se fait via la pharmacovigilance, qui cherche à détecter des signaux, des effets nouveaux, des effets d’une gravité/sévérité particulière ou en très grand nombre.

→ À noter : en pharmacovigilance, une seule déclaration peut constituer un signal.

QUI DÉCLARE ET COMMENT ?

Selon la loi, tout médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme doit déclarer les effets indésirables dont il a connaissance à son CRPV. Les autres professionnels de santé sont, eux, encouragés à les signaler. Le Code de déontologie des infirmiers en fait même un devoir pour les Idels (article R 4312-8 du CSP). Elles doivent apporter leur concours à l’action des autorités compétentes pour la protection de la santé, du fait notamment de leur rôle propre qui comprend la vérification de la prise des traitements et la surveillance de leurs effets (article R 4311-5 du CSP). En tant qu’actrices du domicile, elles sont les plus à même de détecter un changement de comportement chez les personnes qu’elles prennent en charge. Tout comme les patients peuvent leur faire part d’une difficulté après la prise d’un traitement.

Depuis 2012, la déclaration d’un effet indésirable est ouverte aux professionnels de santé et aux patients. Il est possible de le signaler via le portail des signalements, sur le site du ministère de la Santé, en remplissant le formulaire dédié, ou directement au CRPV par téléphone, courrier ou e-mail. Si une Idel souhaite effectuer une déclaration, il est important, en amont, qu’elle consulte la notice du médicament, et plus particulièrement la liste des caractéristiques afin de voir si l’effet constaté a déjà été observé dans le cadre des essais cliniques. Si c’est le cas, il n’est a priori pas nécessaire de le faire remonter, toutes proportions gardées, bien entendu. Avec un vaccin, par exemple, si l’effet indésirable constaté est une rougeur au point d’injection, il n’est peut-être pas indispensable de le déclarer car cet effet est connu, non grave et de résolution rapide. En revanche, s’il s’agit de l’apparition d’un syndrome de Guillain-Barré, même s’il a déjà été observé, il est impératif de le déclarer en raison de sa gravité. Le raisonnement doit être identique par rapport à l’intensité des effets. Mais dans tous les cas, mieux vaut signifier l’effet indésirable constaté.

QUEL TRAITEMENT DES DONNÉES ?

Toutes les déclarations sont réceptionnées par l’équipe du CRPV, composée de médecins, de pharmaciens, de paramédicaux et d’administratifs. Les médecins et les pharmaciens vont analyser la déclaration en menant une enquête clinique, chronologique, sémiologique et bibliographique afin d’établir l’imputabilité du médicament dans les effets observés chez le patient. L’équipe procédant à une analyse de la chronologie des événements, il faut donc que la déclaration soit la plus exhaustive possible. Dans ce cadre, le CRPV peut être amené à contacter le déclarant et/ou son médecin pour obtenir des éléments de chronologie plus précis ou de sémiologie afin de caractériser les signes cliniques constatés. En parallèle, ils effectuent une recherche dans les bases de données de la pharmacovigilance ainsi que dans la littérature.

À l’issue de ces investigations, si l’effet est jugé imputable au médicament, il va être enregistré dans la base nationale de pharmacovigilance. Si au regard de l’expertise l’équipe estime que la situation est particulièrement grave ou inhabituelle, elle peut remonter le signalement à l’ANSM en temps réel, sous la forme d’un signal potentiel, afin que des mesures appropriées puissent être prises.

Tous les signalements, quel que soit leur niveau de gravité, sont enregistrés dans la base de données nationale de l’ANSM pour permettre une surveillance des médicaments au long cours. En outre, l’Agence dispose d’un système qui automatise les détections d’anomalies statistiques et alerte en cas de disproportionnalité. Là aussi, comme pour les signaux potentiels remontés par les CRPV, l’ANSM fait une analyse croisée avec l’ensemble des éléments d’information à sa disposition afin de prendre les mesures pertinentes.

DES PLANS D’ACTIONS

En fonction de la gravité de la situation et d’une évaluation en interne, l’ANSM peut décider d’un plan d’actions à mettre en œuvre. Il peut s’agir de faire remonter l’information à l’échelle européenne, et plus particulièrement à l’Agence européenne des médicaments (EMA) via son comité d’évaluation des risques en pharmacovigilance. Après une analyse collégiale avec les différents États membres, des mesures peuvent, si nécessaire, être prises et mises en place pour prévenir ou réduire la survenue d’effets indésirables, leur gravité et/ou leur impact sur le patient : modification des conditions de prescription et de délivrance, communication auprès des professionnels de santé et/ou du grand public, etc.

Dans les cas graves, l’ANSM peut suspendre un médicament dans l’attente d’une évaluation par l’EMA. En revanche, le retrait de l’autorisation de mise sur le marché relève de la Commission européenne.

L’ANSM échange de façon continue avec les soignants et les patients sur les nouveaux signaux potentiels des médicaments via les associations de patients, les représentants des professionnels de santé et les ordres professionnels, notamment au travers de leur participation aux comités scientifiques permanents qu’elle anime. Elle publie également régulièrement des actualités sur son site Internet, via Twitter et par mail. Tous les canaux d’information à sa disposition sont utilisés pour effectuer des signalements en cas de besoin.

Info +

• En 2020, les infirmières ont réalisé 2,35 % des déclarations d’effets indésirables.

• Entre janvier et mai 2021, elles ont effectué 4,32 % des déclarations.

Les étapes de la pharmacovigilance

• Recueil basé sur la notification spontanée des effets indésirables par les professionnels de santé, les patients, les associations agréées et les industriels avec l’appui du réseau des 31 CRPV.

• Enregistrement et évaluation de ces informations.

• Mise en place d’enquêtes ou d’études pour analyser les risques, participation à la mise en œuvre et au suivi des plans de gestion des risques.

• Appréciation du profil de sécurité d’emploi du médicament en fonction des données recueillies.

• Prise de mesures correctives (précautions ou restrictions d’emploi, contre-indications, voire retrait du produit) et communication aux professionnels de santé et au grand public.

• Communication et diffusion de toute information relative à la sécurité d’emploi du médicament.

• Participation à la politique de santé publique de lutte contre la iatrogénie médicamenteuse.

Signaler des effets indésirables sur le site du ministère de la Santé : bit.ly/2TjZYca

Source : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.