LES AFFECTIONS BUCCO-DENTAIRES - Ma revue n° 012 du 01/09/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 012 du 01/09/2021

 

JE ME FORME

PRISE EN CHARGE

Claire Manicot*   Jean-Claude Lucet**   Anne Debrioulle***  


*chirurgien-dentiste à la retraite (Loir-et-Cher)
**cadre de santé à l’Ehpad Au fil de l’eau, à Volvic (Puy-de-Dôme)

LA PATHOLOGIE

Bien qu’elles soient largement évitables, les affections bucco-dentaires comptent parmi les maladies non transmissibles les plus fréquentes en France et dans le monde. Début 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a proposé une série de mesures pour améliorer la santé dentaire à l’horizon 2030. Les caries non traitées des dents définitives constituent l’affection la plus courante et les maladies parodontales sont la cause majeure de la perte totale des dents. Ces affections entraînent des douleurs, des conséquences sur la vie sociale (perte du sourire, problème esthétique) et des troubles fonctionnels (altération de la capacité masticatoire, difficultés d’élocution), en particulier chez les personnes âgées et celles en situation de handicap ou de précarité. Par ailleurs, les maladies dentaires peuvent avoir un retentissement sur l’état de santé général chez les patients immunodéprimés ou atteints de certaines pathologies (cardiovasculaires, diabète, cancer, etc.). De plus, l’absence de problèmes dentaires est devenue une condition pour certaines chirurgies, notamment osseuses. L’enjeu de santé publique est donc de préserver le capital dentaire : cela passe par de bonnes habitudes de vie et, en premier lieu, par une hygiène dentaire quotidienne.

PRÉSENTATION

ANATOMOPHYSIOLOGIE

La bouche abrite des milliards de bactéries. Si cette présence n’est pas désorganisée régulièrement par un nettoyage des dents, des foyers infectieux peuvent se constituer et se propager par voie endodontique (atteinte carieuse de l’émail) ou parodontale (sillon gingival). Les colonies de bactéries et les métabolites provenant de la salive et de la nourriture ingérée constituent un biofilm. D’abord invisible à l’œil nu, ce biofilm se transforme en quelques heures en plaque dentaire qui, elle-même, se minéralise pour devenir du tartre. Le tartre va favoriser l’adhésion bactérienne et le contact étroit des agents pathogènes avec les tissus et la zone sous-gingivale, pouvant entraîner la formation de poches parodontales. Le processus infectieux est favorisé par une alimentation riche en sucres, la fréquence d’ingestion de glucides, le tabagisme et des facteurs individuels (faible production salivaire, prédispositions génétiques, statut socio-économique).

PATHOLOGIES DE L’ODONTE

La maladie carieuse : la carie évolue lentement à travers l’émail puis constitue une cavité à travers la dentine. La lésion s’étend ensuite vers la pulpe et entraîne la destruction de la dent et une infection de l’os sous-jacent. On trouve différentes formes cliniques selon la localisation et selon que la personne touchée est un adulte ou un enfant. Les caries précoces de l’enfant, ou « syndrome du biberon », apparaissent en cas d’alimentation profuse ou d’adjonction de sucre, et touchent toutes les dents au fur et à mesure de leur percée.

Les aggravations :

→ la pulpite : la pulpe dentaire est inflammée et entraîne une sensibilité au chaud et au froid, puis une forte douleur ;

→ la parodontite apicale : lorsque les tissus se nécrosent dans la cavité dentinaire, l’infection se diffuse et peut entraîner une parodontite apicale. Elle se manifeste par une douleur lancinante à prédominance nocturne ou bien n’entraîne pas de douleur mais une fistulisation avec suppuration ;

→ les granulomes et kystes apicaux : il peut y avoir ensuite une atteinte de l’os alvéolaire avec création d’un tissu de granulation contenant des germes appelé granulome (moins de 5 mm, diffus) ou kyste (plus de 5 mm, encapsulé) ;

→ la cellulite faciale : les germes, à partir de l’ostéite, vont pénétrer les tissus mous de la face, provoquer une tuméfaction douloureuse avec des signes généraux comme de la fièvre et une fatigue. Il s’agit de la complication la plus fréquente des foyers infectieux dentaires. C’est une urgence médicale ;

→ la sinusite maxillaire d’origine dentaire : cette réaction inflammatoire, d’origine infectieuse, présente les même symptômes qu’une sinusite nasale, mais est généralement unilatérale ;

→ l’endocardite infectieuse : il s’agit d’une maladie grave provoquée par l’inflammation du revêtement interne du cœur par la migration de micro-organismes dont la porte d’entrée bucco-dentaire est relativement fréquente. Elle peut se manifester par des symptômes bénins (fièvre modérée, fatigue, toux) ou des signes d’insuffisance cardiaque grave, notamment chez les patients atteints ou ayant des antécédents de cardiopathie ainsi que chez les porteurs de valve cardiaque.

Les lésions cervicales d’usure, carieuses ou non, se caractérisent par une perte de tissu dur en surface provoquée par divers mécanismes : bruxisme (grincement de dents involontaire), brossage de dents traumatique ou usage d’un dentifrice abrasif, érosion due à un environnement acide (aliments, anorexie/boulimie, reflux gastro-œsophagien).

PATHOLOGIES DU PARODONTE

La gingivite : cette affection très courante est liée à la présence de plaque bactérienne et de tartre. La gencive est rouge, œdématiée, elle saigne facilement au brossage, voire spontanément. Elle est favorisée par la consommation d’alcool et le tabagisme (voir la photo ci-contre).

L’hypertrophie gingivale : les causes, diverses, peuvent être congénitales ou hormonales, ou liées à certains médicaments : anticonvulsivant (phénytoïne), antihypertenseur (nifédipine), immunosuppresseur (ciclosporine). La chirurgie peut être envisagée pour enlever l’excès de tissus.

La parodontite : elle fait suite à une gingivite non traitée et résulte d’une hygiène dentaire médiocre. L’atteinte du parodonte profond provoque une perte osseuse avec apparition de poches parodontales entre la gencive et la dent, un déchaussement des dents atteintes, une mobilité des dents et une halitose.

L’abcès parodontal : il résulte le plus souvent d’une aggravation de l’inflammation d’une poche parodontale.

Les pathologies parodontales pouvant évoluer à bas bruit, sans douleurs, sont parfois traitées tardivement, au stade de la perte des dents. Par ailleurs, elles représentent un facteur de risque de maladies cardiovasculaires et respiratoires, de diabète et de complications durant la grossesse.

FACTEURS FAVORISANTS

Manque d’entretien : un brossage irrégulier et mal effectué des dents favorise la survenue d’affections bucco-dentaires. De même, l’absence de suivi régulier par un chirurgien-dentiste constitue également un facteur de risque.

Alimentation : les aliments sucrés ou trop acides provoquent le développement de caries. La consommation de portions et boissons sucrées réparties entre les repas est dommageable car elle maintient un niveau d’acidité permanent dans la bouche. Se coucher sans se brosser les dents augmente aussi le risque de caries.

Habitudes de vie : le tabagisme modifie l’écosystème buccal. Chez les fumeurs, la salive voit sa production et son pouvoir de neutralisation diminuer, entraînant un risque carieux plus élevé. De plus, le risque de développer une parondontite est plus marqué.

De même, l’alcool est une substance corrosive pour les gencives. Il stimule en outre la prolifération des bactéries de par le sucre qu’il contient. Sa consommation régulière favorise donc les parodontites et est responsable de nombreux échecs en implantologie.

Sécheresse buccale : causée par différents facteurs (syndrome de Sjögren, traitement par radiothérapie de la tête et du cou, certains médicaments), elle favorise la survenue de caries.

Difficultés motrices : certaines pathologies ou handicaps engendrent des troubles moteurs et/ou neuromusculaires (difficultés de préhension, mouvements incontrôlables) qui rendent difficile, voire impossible, l’usage d’une brosse à dents et/ou de brossettes dentaires.

Troubles cognitifs et mentaux : les personnes souffrant de pathologies neurodégénératives, d’atteintes cérébrales (traumatisme crânien), de troubles, de retards mentaux, etc., présentent des difficultés à percevoir l’importance d’une hygiène dentaire quotidienne. De plus, leurs troubles du comportement rendent difficile leur prise en charge dans les cabinets dentaires de ville, entraînant au fil des années une détérioration de leur santé bucco-dentaire. Une problématique que l’on recontre également chez les personnes âgées qui souffrent de démence sénile.

PRISE EN CHARGE

APPROCHE PSYCHOLOGIQUE

L’état bucco-dentaire a des retentissements psychologiques sur la personne. La bouche n’est pas seulement un organe qui permet de se nourrir, elle a aussi une fonction :

→ sociale, car elle permet de communiquer et d’exprimer ses émotions par la voix, les mouvements de la bouche, en particulier le rire et le sourire ;

→ intime, car c’est un lieu érogène (succion, baiser) qui participe aux relations sexuelles.

On ne peut donc réduire les affections bucco-dentaires à de simples problèmes d’ordre médical. Lorsqu’elles sont négligées, elles ont un retentissement sur l’état de santé physique et psychologique de la personne, sur la relation aux autres, l’esthétique, l’image corporelle et l’estime de soi.

Le soin perçu comme menaçant : les soins bucco-dentaires peuvent générer une réaction de fuite. Celle-ci résulte de la peur de la douleur, du manque de confiance, de la crainte de l’inconnu, de la perte de contrôle dans le déroulement du soin et de la peur de l’intrusion dans la bouche. Cette anxiété peut être liée à un passé médical ou être rencontrée chez des enfants ou des personnes en situation de fragilité (handicap, grand âge).

Posture du soignant : pour réaliser un soin de bouche à un patient opposant, par exemple, le soignant adoptera une attitude bienveillante et prendra tout le temps nécessaire pour ne pas le brusquer, en particulier au début. Car les premières expériences seront décisives pour favoriser l’acceptation des soins. Il s’agira de recueillir le consentement de la personne, d’informer, d’expliquer ce qui va être fait, de ne pas dire qu’elle ne sentira rien et donner une limite de temps, de parler en regardant dans les yeux et en utilisant un langage adapté. On pourra convenir avec le patient qu’il lève la main, lorsqu’il souhaite faire une pause. Par une parole douce et calme, distraire l’attention pendant le soin tout en valorisant le comportement de la personne. Dans ce cadre, la sophrologie peut être un support intéressant.

ALIMENTATION

• Avoir un bon équilibre alimentaire et un rythme régulier pour les repas (éviter les grignotages) pour prévenir les affections bucco-dentaires.

• Éviter la consommation d’aliments sucrés, qui collent aux dents ou très durs, et de donner des boissons sucrées aux enfants la journée et des biberons de lait avant de dormir.

• Limiter les aliments acides (citron, par exemple) et les boissons type soda qui, s’ils sont consommés à forte dose, provoquent une érosion irréversible. Recommander de les boire à la paille pour éviter au maximum le contact avec les dents.

HYGIÈNE DENTAIRE QUOTIDIENNE

Selon une enquête(1) menée début 2018 auprès de plus 32 000 personnes, 76 % d’entre elles ont déclaré avoir les gencives qui saignent, 29 % avoir mauvaise haleine, et la moitié n’avoir jamais entendu parler de maladies parodontales. Seulement 10 % des sondés nettoient régulièrement leurs espaces interdentaires. Quand on fait ce constat dans la population générale, peut-être comprend-on mieux le manque d’attention accordée à la bouche par le corps médical et paramédical, et par les patients eux-mêmes. En tant qu’infirmière, il semble donc plus que temps d’investir la mission de prévention bucco-dentaire.

Brossage des dents

Le nettoyage de dents n’est pas inné, il s’apprend. Si la plupart des chirurgiens-dentistes pratiquent des soins essentiellement curatifs, certains cabinets proposent systématiquement des séances de prophylaxie à leurs patients (lire l’encadré ci-contre). Il s’agit de proscrire le brossage anarchique en passant la brosse à droite puis à gauche, en sautant certaines dents et en oubliant la face intérieure des incisives ou la face extérieure d’une canine. Il faut apprendre le bon geste, suivre un chemin, se brosser les dents méthodiquement, passer de dent en dent, sur une face, puis l’autre. En tant que soignant, on peut aussi se demander si soi-même on a appris à bien se brosser les dents. Il sera peut-être utile d’améliorer sa technique.

Il est par ailleurs important de choisir une brosse à dents souple à petite tête. En cas de gingivite, une douleur peut être ressentie au départ mais avec une brosse à dents souple, il n’y a aucun risque. La gêne ou la sensibilité disparaîtra au bout de quelques jours de brossage régulier.

La brosse à dents électrique peut être une solution pour les personnes qui ont des difficultés praxiques. Elle permet aussi à des enfants ou à des personnes en situation de handicap d’adhérer plus facilement au soin. La brosse à dents hybride Inava est un progrès du brossage manuel, dépassant parfois l’efficacité du brossage électrique.

Brossettes dentaires

Si seulement 10 % des Français utilisent des brossettes, l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD) et les chirurgiens-dentistes engagés dans la prévention les recommandent, car la brosse à dents seule ne permet de nettoyer que 50 % de la bouche. Il ne s’agit pas d’enlever un débris alimentaire comme le ferait un cure-dent, mais d’éliminer le biofilm qui se constitue dans les espaces interdentaires. Pour cela, il faut se munir de brossettes de différents calibres adaptées à sa denture (en général deux à trois modèles). L’UFSBD préconise de faire un passage dans chaque espace avant ou après le brossage.

Le fil dentaire est, quant à lui, utile pour débarrasser les surfaces d’appui interdentaires des aliments, mais son usage nécessite un apprentissage pour ne pas risquer de blesser les gencives. Enfin, l’hydropulseur, qui permet d’éliminer la flore anaérobie pathogène interdentaire, peut être une solution intéressante à utiliser pour les personnes âgées ou en situation de handicap, pour qui l’usage de brossettes est difficilement envisageable.

PROTHÈSE DENTAIRE AMOVIBLE

La prothèse amovible, encore très fréquente chez les personnes de plus de 80 ans, se nettoie quotidiennement avec une brosse à dents souple et du dentifrice. Elle nécessite en outre le passage dans un bac à ultrasons pour la débarrasser du tartre, lors des visites chez le dentiste.

SOIN DE BOUCHE

Le soin de bouche peut remplacer le brossage de dents quand celui-ci est impossible à réaliser. Il fait partie du rôle propre infirmier (lire les encadrés « Soin de bouche » p. 24 et « Rôle de l’infirmière dans les soins de bouche selon les indications » p. 25). Les soins de bouche avec des solutions antiseptiques (types Eludril et Hextril) seront pratiqués sur prescription médicale. Les infirmières pourront, au titre de leur rôle propre, utiliser des produits non médicamenteux type Gencix (solution à base de papayer). Dans certaines circonstances, notamment en cas de cavité buccale très altérée ou douloureuse, un soin d’hygiène peut être réalisé avec un doigt ganté autour duquel sera enroulée une compresse, à condition, bien entendu, que le soin soit préalablement accepté par le patient.

SUIVI BUCCO-DENTAIRE

UNE CONSULTATION ANNUELLE

L’amélioration et la préservation de la santé bucco-dentaire passe par une prise en charge régulière. Il est important d’adopter une démarche systématique en établissement hospitalier ou médico-social pour organiser ces prises en charge ou les déplacements en cabinet dentaire. À domicile, les infirmières pourront encourager leurs patients à consulter et sensibiliser leurs aidants pour les accompagner si besoin.

LES SOINS DENTAIRES AU CœUR DES PROJETS D’ÉTABLISSEMENT

Pourquoi ne pas impulser, au sein des équipes et des services, une dynamique pour améliorer la santé bucco-dentaire et en faire un objectif au sein des projets de services, d’équipe et d’établissement ? L’hygiène bucco-dentaire est encore trop négligée. Pour que les habitudes changent, une prise de conscience de la communauté médicale et paramédicale est nécessaire. Et cela passe par une application à soi-même des recommandations de bonnes pratiques, comme décrites précédemment. Cela permettra de se sentir plus légitime et crédible pour sensibiliser et accompagner les personnes dans leur santé bucco-dentaire.

L’ACCÈS AUX SOINS DENTAIRES EN CABINET

La consultation dentaire en cabinet est difficile pour les personnes à mobilité réduite. En effet, les soins se déroulent sur un fauteuil où l’installation est impossible pour les patients en fauteuil roulant. De plus, les frais de transport pour les consultations dentaires ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale. Des difficultés qui majorent la carence du suivi dentaire.

En outre, dans un contexte de désertification médicale, il n’est pas toujours simple de trouver des praticiens. Il peut donc être utile de se rapprocher des organismes représentant les chirurgiens-dentistes (Ordre, URPS). En outre, des associations mobilisées dans l’accès aux soins sont présentes un peu partout en France.

RÔLE INFIRMIER

Entre observation et soins, comment est délimité le rôle infirmier ? Dans ce cadre, le guide Agirc et Arrco(2) apporte des précisions.

PRÉVENTION

Le rappel des consignes d’hygiène bucco-dentaire et le brossage des dents font partie du rôle propre de l’infirmière. Une action qu’elle peut mener, quel que soit le public : en milieu scolaire, en Ehpad ou en service de gériatrie, en entreprise, en PMI, etc.

RECUEIL DES OBSERVATIONS

L’article R 4311-5 du Code de la santé publique autorise l’infirmière, dans le cadre de son rôle propre, à recueillir des observations « de toute nature » qui sont susceptibles de concourir à la connaissance de « l’état de santé de la personne ». Elle est également autorisée à recueillir toutes les « information utiles » au diagnostic des professionnels médicaux :

→ dans le cadre de l’entretien clinique, l’infirmière peut questionner le patient sur l’existence d’éventuelles douleurs dentaires, par exemple ;

→ dans le cadre de l’inspection, elle est habilitée à observer à l’œil nu l’état de la bouche et de la denture du patient. Elle peut utiliser des appareils non invasifs comme le miroir dentaire. Dans ce cadre, elle peut relever et noter d’éventuelles altérations ou anomalies et renvoyer le patient vers un chirurgien-dentiste. En revanche, elle n’est pas habilitée à poser un diagnostic d’une pathologie comme une carie.

SOINS DE BOUCHE

L’infirmière est autorisée à effectuer des soins de la bouche, c’est-à-dire de la muqueuse buccale, avec application de produits non médicamenteux ou médicamenteux, sur prescription médicale ou selon un protocole (voir le tableau ci-dessus et l’encadré « Soin de bouche » page précédente).

À noter que les soins d’hygiène bucco-dentaire comprennent également l’entretien des prothèses dentaires.

DÉLÉGATION À L’AIDE-SOIGNANTE

L’infirmière peut confier les actes relevant de son rôle propre à l’aide-soignante en ce qui concerne l’hygiène dentaire, l’observation et les soins de bouche. Le guide précise que cette délégation est étendue à l’aide médicopsychologique (AMP). Dans le cadre d’un établissement ou d’un service à domicile à caractère sanitaire social ou médico-social, l’AMP exerce son activité sous la responsabilité de l’infirmière, dans le cadre du rôle propre dévolu à celle-ci.

L’organe dentaire

L’organe dentaire est formé de la dent (l’odonte) et du parodonte.

La dent est composée de deux parties séparées par le collet :

→ la couronne, partie visible en bouche, dont la forme détermine la fonction (incisive pour couper, canine pour déchirer, prémolaire et molaire pour broyer) ;

→ la racine, insérée dans la gencive et enchâssée dans l’os.

La dent est constituée d’une partie centrale, la pulpe, un tissu conjonctif qui contient les vaisseaux sanguins et les nerfs, et d’une partie périphérique, la dentine, une substance dure. Au niveau de la couronne, la dentine est recouverte d’émail, un tissu très dur qui protège la dent des bactéries, de certains aliments (acides, durs) et des contraintes mécaniques (mastication, brossage).

Le parodonte est formé des tissus de soutien de la dent :

→ le cément, un tissu conjonctif dur jaune clair qui fait suite à l’émail au niveau du collet et recouvre la dentine de la racine ;

→ le desmodonte, appelé aussi ligament alvéodentaire, qui assure la fixation de la dent dans l’alvéole ;

→ l’os alvéolaire du maxillaire (mâchoire supérieure) ou la mandibule (mâchoire inférieure) ;

→ la gencive, une muqueuse de couleur rose pâle qui recouvre l’os alvéolaire.

Savoir +

ÉPIDÉMIOLOGIE

La dernière grande enquête épidémiologique en France date de 2006. Mandatée par le ministère de la Santé, l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD) avait recherché la prévalence de la carie dentaire chez 2 600 enfants à partir des fichiers de l’Éducation nationale. Il en ressortait un indice carieux de 1,23 chez les enfants âgés de 12 ans et un taux d’enfants sans carie de 56 %.

L’enquête nationale de santé en milieu scolaire de 2015 montre toutefois une évolution favorable avec un taux d’enfants de CM2 sans carie de 68 %. Mais on observe des différences de taux selon le milieu socioprofessionnel des parents : 73,7 % chez les cadres contre 59,8 % chez les ouvriers.

Selon une enquête réalisée en région Paca en 2017, auprès de 1 680 patients âgés de 35 à 65 ans, un patient sur cinq n’a pas consulté depuis deux ans et plus. Seul un quart des personnes présentent une bonne hygiène dentaire (absence de plaque). 75 % des patients présentent une pathologie parodontale : gingivite (27 %), parodontite modérée (28 %), parodontite sévère avec présence de poches de plus de 6 mm observées (19 %).

BROSSAGE DES DENTS ET PASSAGE DES BROSSETTES

Un bon nettoyage nécessite un brossage des dents puis un passage de brossettes dans les espaces interdentaires*.

1 BROSSAGE DES DENTS

Matériel

• Utiliser une brosse à dents souple à petite tête.

• Renouveler la brosse à dents régulièrement (ne pas la conserver plus de deux mois).

Réalisation

• Se rincer la bouche, surtout après avoir consommé un aliment ou une boisson acide.

• Disposer une toute petite quantité de dentifrice sur la brosse à dents non mouillée pour éviter la production abondante de mousse.

• Déterminer un « chemin de brossage » par cadrant ou arcade de façon à brosser toutes les dents de manière systématique/méthodique sur leurs trois faces (intérieur, plat, extérieur). Brosser séparément les deux arcades, bouche ouverte. Positionner la brosse à dents à cheval sur la gencive et la dent.

• Brosser les gencives pour les masser et les renforcer.

• Brosser de façon circulaire et vigoureusement.

• Se déplacer lentement.

• Pour l’intérieur des incisives du bas, placer la brosse à dents à la verticale.

• Atteindre le collet (la base des dents), y compris au niveau des molaires.

• Passer la langue sur les dents après chaque brossage pour vérifier qu’elles sont bien lisses.

Fréquence/durée

• Prévoir 2 brossages efficaces par jour (un 3e en option).

• Brosser 2 minutes 30. Chronométrer de temps à autre.

• Répéter le « chemin de brossage » 2 à 6 fois.

2 BROSSAGE INTERDENTAIRE

• Se munir de brossettes adaptées (éventuellement calibrées par son chirurgien-dentiste).

• Passer dans tous les espaces avant ou après le brossage des dents, 1 fois par jour, plutôt le soir.

• Passer la taille adaptée.

• Se placer au plus haut de la gencive.

• Pour les incisives du bas, incliner la brossette vers le bas.

• Renouveler la brossette interdentaire dès que le métal ou les brins sont tordus (une brossette de bon calibre et passée dans le bon axe devrait durer 15 jours).

• On peut, en plus, passer un fil dentaire mais en veillant à ne pas blesser les gencives.

* Protocole inspiré de la fiche réalisée par l’équipe du cabinet Appoline des docteurs Christophe Binachon et Claire Trochu à Orvault (Loire-Atlantique), donnée aux patients dans le cadre de séances de prophylaxie.

La prévention mieux remboursée

La convention nationale signée en 2018 entre les syndicats de chirurgiens-dentistes et les partenaires sociaux a permis de renforcer ou de créer certains dispositifs de prévention.

Chez les enfants, les actes suivants sont remboursés :

→ application de vernis fluoré à une fréquence bi-annuelle chez les enfants de 6 à 9 ans présentant un risque carieux ;

→ scellement des sillons pris en charge chez les enfants de 6 à 13 ans, pour les molaires.

Le dispositif de prévention M’T dents concerne trois nouvelles tranches d’âge. Désormais, les jeunes de 3, 6, 9, 12, 15, 18, 21 et 24 ans peuvent bénéficier d’un examen de prévention pris en charge à 100 %. Cet examen, ainsi que les soins conservateurs et les actes de radiologie consécutifs, sont pris en charge par l’Assurance maladie sans avance de frais. Les traitements orthodontiques et prothétiques, quant à eux, ne sont pas pris en compte dans ce dispositif.

Chez la femme enceinte, à compter du 4e mois et jusqu’à 12 jours après l’accouchement, un examen de prévention est pris en charge à 100 % sans avance de frais. Cet examen est rémunéré comme le dispositif M’T dents et est similaire à celui-ci. La convention prévoit toutefois un point supplémentaire : donner une information sur l’étiologie et la prévention de la carie de la petite enfance avec les mesures d’hygiène nécessaires dès les premières dents de l’enfant.

Les personnes ayant un diabète et en affection longue durée (ALD) ont droit à la prise en charge d’un bilan annuel et des éventuels actes d’assainissement parodontal qui en découleraient.

La prise en charge de personnes dont le degré de handicap est modéré ou sévère donne lieu à des mesures tarifaires spécifiques : consultation dentaire complexe, supplément par séance en cas d’acte technique et pour la réalisation de l’examen bucco-dentaire.

Info +

UNE CAMPAGNE DE PRÉVENTION

Créée en France en 1900, la FDI (Fédération dentaire internationale) regroupe près de 150 pays. Son but ? Améliorer la santé bucco-dentaire et lui donner une place dans la santé. Elle a lancé la campagne 2021-2023 pour réduire la charge de morbidité des maladies bucco-dentaires et promouvoir les bonnes habitudes avec, pour slogan, « Sois fier de ta bouche ».

Grille d’évaluation de l’état de la bouche*

Évaluer l’état de la bouche des personnes hospitalisées ou résidant en établissement permet d’établir une photographie de l’état bucco-dentaire initial et de suivre son évolution dans le temps. Cela permet d’apprécier l’efficacité des mesures correctives et de les réajuster si nécessaire. Outre cette grille, d’autres signaux doivent alerter tels que les odeurs émanant de la bouche, la déshydratation, la douleur, l’agitation, l’agressivité…

Comment utiliser cette grille ?

1 Informer la personne, lui expliquer l’utilité de l’évaluation de son état buccal, chercher à obtenir sa coopération, la rassurer et insister sur la notion de confort.

2 Rayer les indicateurs qui ne peuvent être évalués ou qui entraînent des réponses qui ne sont pas en lien avec un problème bucco-dentaire, inscrire NO (non observable) puis ne pas tenir compte de l’item et réduire le score d’autant. Le score doit être retranscrit dans les transmissions ciblées. Si le score est supérieur à 1 : renouveler l’évaluation++.

Comment interpréter le résultat ?

→ Score inférieur ou égal à 0 : bouche saine (poursuivre les soins d’hygiène 3 fois par jour).

→ Score entre 0 et 10 : bouche altérée (soins de bouche d’hygiène et/ou médicamenteux toutes les 4 heures).

→ Score entre 10 et 20 : bouche très altérée (soins de bouche d’hygiène et/ou médicamenteux toutes les 4 heures).

* D’après la grille d’évaluation de l’hôpital Émile-Roux, adaptation de l’Oral Assesment Guide (OAG) établie par le Centre médical de l’université du Nebraska, à Buffalo, et testée par J. Eilers, 1990.

Source : Bernard M.-F., Soins d’hygiène bucco-dentaire aux personnes âgées et dépendantes, Éditions Lamarre, 2016, p. 60.

SOIN DE BOUCHE

Chez une personne âgée ou en situation de handicap non autonome.

1 MATÉRIEL

• Un set de soin de bouche contenant 1 sac en papier, 1 gobelet, 6 bâtonnets prêts à l’usage, 2 comprimés de dentifrice effervescents, 1 serviette à usage unique, 1 abaisse-langue, 5 compresses.

• Des gants non stériles.

• Une lampe pour examiner la bouche.

• Du gel humectant buccal en cas de sécheresse buccale ou de dépôts.

2 RECOMMANDATIONS

• Recueillir le consentement et la coopération de la personne.

• Utiliser autant de bâtonnets que nécessaire.

• En cas de douleurs, de fausse-route et/ou de nausées, interrompre immédiatement le soin.

• Effectuer ce soin régulièrement pour une efficacité maximale.

3 DÉROULEMENT DU SOIN

• Effectuer un lavage simple des mains.

• Si possible, installer la personne en position demi-assise.

• Ôter et nettoyer les éventuelles prothèses dentaires.

• Ouvrir le set et sortir le matériel.

• Protéger le patient avec la serviette à usage unique.

• Préparer la solution : mélanger les pastilles de dentifrice avec de l’eau tiède dans le gobelet.

• Tenir la cuvette à proximité de la personne ou installer le patient près du lavabo.

• Demander à la personne d’ouvrir la bouche et l’encourager à coopérer. En cas de difficulté, insérer doucement un abaisse-langue protégé d’une compresse.

• Imbiber les bâtonnets de solution.

• Procéder successivement au nettoyage des lèvres, des gencives, de l’intérieur de la cavité buccale, en réalisant des mouvements des gencives vers les dents.

• En cas de dépôt important sur les muqueuses, ajouter du gel humectant buccal sur les bâtonnets.

• Si besoin, aider la personne à se rincer la bouche avec la préparation. En cas de sécheresse buccale, humidifier les lèvres et les muqueuses avec un gel humectant buccal.

• Éliminer le matériel souillé dans le sac en papier.

• Pour les personnes porteuses de prothèses dentaires, après les avoir nettoyées, il est préférable, si cela est bien toléré, de les replacer en bouche pour la nuit après le soin avec de la pâte adhésive. Sinon, prévoir une boîte propre dans laquelle les déposer.

• Réinstaller la personne.

• Se laver les mains.

4 TRAÇABILITÉ

• Le soin doit être traçé dans le dossier de soins et doit indiquer les éventuelles observations : douleur, apparition/évolution d’une lésion, saignement, bouche sèche, comportement du patient pendant le soin, etc.

RÉFÉRENCES

Notes

1. Pierre Fabre Oral Care, Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD), « Les Français et la santé de leurs gencives », enquête menée via Internet et les réseaux sociaux auprès de 32 421 Français entre le 8 décembre 2017 et le 20 janvier 2018. En ligne sur : bit.ly/3hK26SE

2. Agirc et Arrco, « Santé bucco-dentaire : guide à l’usage des établissements pour personnes âgées », 2014, édition actualisée en 2017. En ligne sur : bit.ly/36ijPez

Enquêtes, études

• Organisation mondiale de la santé (OMS), Conseil exécutif, 148e session, point 6 de l’ordre du jour provisoire, « Santé bucco-dentaire : améliorer la santé bucco-dentaire dans le cadre des travaux portant sur la couverture sanitaire universelle et les maladies non transmissibles à l’horizon 2030 », 23 décembre 2020. En ligne sur : bit.ly/3jRIcrm

• Observatoire régional de la santé Pays de la Loire, « Recours au cabinet dentaire des enfants et des adolescents. Situation en Pays de la Loire et en France à partir d’une analyse des données du SNDS », septembre 2018. En ligne sur : bit.ly/3AEshCE

• Agir pour la santé dentaire, « La santé bucco-dentaire, un enjeu de santé publique », 28 mars 2018. En ligne sur : bit.ly/3yuww1L

• UFSBD Paca Corse, « ParoPaca : enquête épidémiologique sur les maladies parodontales en région Paca », 2017. En ligne sur : bit.ly/3Az6IDD

• Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), « L’état de santé de la population en France, rapport 2017 ». En ligne sur : bit.ly/3wokhlS

• Thillard D., Germain J.-M., « Hygiène bucco-dentaire des résidents d’Ehpad : enquête régionale de prévalence en Haute-Normandie », Bulletin du CClin Paris-Nord, juin 2012, n° 40, p. 22-23. En ligne sur : bit.ly/36j6L8K

• UFSBD, « La santé bucco-dentaire des enfants de 6 et 12 ans en France, en 2006 », enquête réalisée à la demande de la DGS. En ligne sur : bit.ly/3yznGQi

Recommandations

• Haute Autorité de santé (HAS), « Stratégies de prévention de la carie dentaire », octobre 2010. En ligne sur : bit.ly/3hKDWaE

Article, ouvrage, thèses

• Lacoste-Ferré M.-H., Olivès É., Labat C. and al., « Soins d’hygiène bucco-dentaire et prothétique en psychiatrie : expérience du CHS du Gers 2. Démarche de soins et protocoles », L’information psychiatrique, 2018/1 (volume 94), p. 27-32. En ligne sur : bit.ly/36geODn

• Bernard M.-F., Soins d’hygiène bucco-dentaire aux personnes âgées et dépendantes, Éditions Lamarre, 2016.

• Bellan P.-A., « Actions de prévention et dépistage bucco-dentaire en PMI dans des réseaux d’éducation prioritaire », thèse pour le diplôme d’État de docteur en chirurgie dentaire soutenue le 10 octobre 2019, Université Toulouse III-Paul Sabatier. En ligne sur : bit.ly/3hnfZXT

• Benguigui C., « État bucco-dentaire et désordres métaboliques », thèse pour le doctorat d’épidémiologie soutenue le 10 décembre 2012, Université Toulouse III-Paul Sabatier. En ligne sur : bit.ly/2SVlMdS

Associations

• L’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD) organise et diffuse la prévention. 7 rue Marlotte, 75017 Paris. 01 44 90 72 80. www.ufsbd.fr

• L’association Santé orale et soins spécifiques (Soss) a pour objectif la promotion de la santé orale des personnes en situation de handicap et fédère l’ensemble des acteurs, des réseaux et des associations. www.soss.fr