QUELS CHANGEMENTS POUR LES DISPOSITIFS MÉDICAUX ? - Ma revue n° 012 du 01/09/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 012 du 01/09/2021

 

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RÉGLEMENTATION

Laure Martin  

Depuis le 26 mai, une nouvelle réglementation européenne s’applique aux dispositifs médicaux. Elle renforce les prérequis nécessaires pour l’obtention du marquage CE, les outils de traçabilité et la transparence.

Derrière ce nouveau règlement européen 2017/745, la sécurité du patient. En tant que produits de santé, les dispositifs médicaux (DM) sont strictement encadrés, évalués par un organisme notifié pour vérifier qu’ils répondent bien aux exigences de sécurité et de performances avant d’obtenir le marquage « CE médical », indispensable pour pouvoir être mis sur le marché. La réglementation européenne sur les DM date de 1998 et elle n’a eu de cesse d’évoluer, toujours avec pour finalité de garantir plus de sécurité aux utilisateurs. Car ces produits de santé, qu’ils soient remboursés ou non, doivent faire l’objet, en amont de leur commercialisation, d’une évaluation au regard d’un certain nombre d’exigences de sécurité et de performances dont, notamment, la démonstration d’un rapport bénéfice/risque favorable. Cette évaluation est vérifiée par un organisme notifié (ON) au cours d’un processus de certification de marquage CE spécifique (marquage « CE médical »), dont les modalités sont d’autant plus contraignantes que la classe de risque du dispositif médical est élevée (lire l’encadré sur les classes de risques des DM page ci-contre).

BÉNÉFICE/RISQUE : DES EXIGENCES ACCRUES

Cette nouvelle réglementation, dont l’entrée en vigueur a été décalée d’un an en raison de la crise sanitaire, reste dans la même veine puisqu’elle renforce les prérequis nécessaires à l’obtention du marquage « CE médical », les outils de traçabilité et de transparence. Les nouvelles règles augmentent les exigences en ce qui concerne le niveau de démonstration du rapport bénéfice/risque, en particulier sur les attendus en matière d’évaluation clinique pré- et post-mise sur le marché, soit tout au long de la vie du dispositif médical. Son application est un enjeu d’adaptation majeur aussi bien pour les entreprises que pour les systèmes de santé français et européen. Une évolution qui bénéficie nécessairement aux patients. « Les grands principes du parcours du dispositif médical pour sa mise sur le marché restent les mêmes, explique Cécile Vaugelade, directrice des affaires technico-réglementaires au Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem). Néanmoins, l’un des éléments importants avec la nouvelle réglementation, c’est que toutes les étapes-clés de la vie d’un dispositif médical sont réglementées et renforcées et ce, pendant toute sa durée de vie. »

UNE CLASSIFICATION PLUS STRICTE

Les dispositifs médicaux sont classés en fonction du niveau de risque lié à leur utilisation, de la classe I à III en fonction d’un risque croissant. Le règlement européen 2017/745 a revu l’ensemble des règles de classification et en a spécifié de nouvelles, conduisant dès lors à des reclassifications dans une classe plus élevée pour un certain nombre de produits. C’est le cas, par exemple, des logiciels passant de la classe I (risque le plus faible) à la classe IIb (risque potentiel élevé/important). Les exigences générales en matière de sécurité et de performances à respecter sont identiques pour l’ensemble des dispositifs. Néanmoins, le mode de démonstration de la conformité à ces exigences est d’autant plus contraignant que la classe de risque est élevée. « Tous les dispositifs médicaux sont concernés, y compris ceux déjà présents sur le marché, donc cela s’applique aussi bien au flux qu’au stock », précise Cécile Vaugelade. Cela va également s’appliquer à de nouveaux produits qui n’étaient jusqu’à présent pas couverts par les directives mais dont les risques ont été considérés comme analogues, par exemple pour des lentilles non correctrices ou encore pour des appareils d’épilation à lumière pulsée intense.

NOUVELLE APPROCHE DU SYSTÈME D’ÉVALUATION

L’évaluation avant la mise sur le marché étant entièrement révisée pour tous les produits, « les fabricants de dispositifs médicaux ont donc dû analyser tous leurs produits, l’état de leur documentation technique afin de définir les périmètres de hiérarchies, balayer les exigences attendues, notamment sur les évaluations cliniques, et définir les moyens à mettre en œuvre, financier entre autres, pour la mise en conformité avec des essais, des études, ce qui a conduit à une rationalisation des gammes », rapporte Cécile Vaugelade. Et de poursuivre : « Cette exigence attendue en termes de démonstration est importante, ce qui amène à une assurance et une sécurité pour les patients, notamment. »

La réglementation de la mise sur le marché s’effectue désormais selon une règle unique assurant le même niveau de sécurité pour l’ensemble des citoyens européens. Le système d’évaluation décentralisé repose sur une nouvelle approche qui implique trois acteurs : le fabricant, l’organisme notifié et l’autorité compétence, à savoir, en France, l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM). Une vingtaine d’organismes notifiés, contre une soixantaine auparavant, sont compétents dans toute l’Union européenne, « ce qui interroge sur la capacité à assurer les évaluations car elles vont prendre plus de temps au regard de la nouvelle réglementation, et davantage de produits sont concernés, pointe la spécialiste. Or, d’ici 2024, tout le stock doit avoir été évalué et tout en continuant l’évaluation du flux pour permettre l’arrivée de nouveaux dispositifs sur le marché. »

IDENTIFIANT ET BASE DE DONNÉES

Une fois évalué conforme, pour être mis sur le marché le produit doit comporter un identifiant unique du dispositif (IUD). Celui-ci permet d’agréger des informations sur le DM et de lui attribuer un code pour un partage continu des données spécifiques le concernant entre les différents acteurs, tout au long de son cycle de vie (fabricant, professionnel de santé ou patient, en passant par l’établissement de santé). Ce renforcement de la traçabilité permet une matériovigilance plus efficace, facilitant notamment le retrait rapide de dispositifs médicaux défectueux ainsi que la transmission d’informations relatives à des actions de sécurité à la suite d’incidents, par exemple. Quant à la base de données Eudamed, initialement créée en 1998, elle n’était jusqu’alors accessible qu’aux États membres et à la Commission européenne. Désormais, le nouveau règlement prévoit que la nouvelle version soit ouverte pour partie au public afin de renforcer la transparence ainsi que la traçabilité des dispositifs médicaux.

Dernière étape, la surveillance après commercialisation avec un nouvel outil : le rapport périodique actualisé de sécurité, dont la fréquence de mise à jour et les modalités de revue par l’organisme notifié dépendent de la classe de risque du dispositif médical.

PÉRIODE DE GRÂCE

Depuis le 26 mai 2021, les produits présents sur le marché doivent répondre aux nouvelles exigences et donc disposer d’un certificat, tel qu’exigé. Cependant, le règlement prévoit des dispositions transitoires pour répartir dans le temps la mise en conformité des dispositifs déjà marqués CE au titre des directives. La période d’application de ces dispositions transitoires est appelée « période de grâce ». Ces dispositions transitoires prévoient, pour les produits disposant d’un certificat valide au titre de l’une des directives (93/42/CEE ou 90/385/CEE), que ceux-ci puissent toujours être mis sur le marché sous certaines conditions et ce, pendant toute la durée de validité de leur certificat « directive ». Par conséquent, depuis le 26 mai 2021, si le DM est marqué CE selon l’une des directives, le fabricant peut le distribuer pendant la durée de validité de son certificat, au plus tard jusqu’au 26 mai 2024. Lorsque le certificat « directive » expire, au plus tard au 26 mai 2024, le fabricant doit disposer d’un certificat « règlement » pour la mise sur le marché de son DM.

Les classes de risques des DM

→ Classe I (classe de risque la plus faible) : compresses, lunettes, béquilles…

→ Classe IIa (risque potentiel modéré/mesuré) : lentilles de contact, appareils d’échographie, couronnes dentaires…

→ Classe IIb (risque potentiel élevé/important) : préservatifs, produits de désinfection des lentilles…

→ Classe III (classe de risque la plus élevée) : implants mammaires, stents, prothèses de hanche…