L'infirmière n° 013 du 01/10/2021

 

JE ME FORME

PRISE EN CHARGE

Christian Dupont*   Benjamin Gafsou**  


*service de pneumologie du CHU Cochin
**Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
***clinique du Mousseau, CMCO d’Évry (Essonne)

Conserver le principe actif du médicament et ne pas détériorer davantage la santé du patient sont les deux piliers de l’administration efficace d’un traitement, qu’il soit entéral (per os, rectal, par sonde digestive) ou parentéral (intraveineux ou intra-artériel, aérosolisé, intratéchal, sous-cutané, transcutané…).

Le présent article traite de l’injection et de la perfusion intraveineuse périphérique à l’aide d’un cathéter court, un acte qui relève des compétences de l’infirmière. Ce soin, bien que très utile pour les patients, est aussi sous-estimé et trop banalisé par les soignants. Aussi, notre propos ici est de redire que la perfusion d’un patient ne se résume pas à l’insertion d’une canule dans une veine mais qu’il faut penser le soin de façon globale (indication, pose, utilisation, information, gestion des complications) pour qu’il soit réussi.

PRÉSENTATION

DÉFINITION

Le cathéter veineux est considéré comme périphérique quand son extrémité n’est pas placée dans la veine cave supérieure ou inférieure(1), deux sites où le débit sanguin est supérieur ou égal à 2 l/mn, ce qui permet l’injection de tous les médicaments intraveineux (IV). Ainsi, un PICC, dont l’extrémité se serait accidentellement déplacée dans la veine jugulaire, doit être considéré comme un cathéter veineux périphérique (CVPC).

L’extrémité d’un cathéter veineux périphérique court (CVPC) est généralement située dans une veine du bras alors que pour un Midline, elle est localisée à la base de la veine axillaire ou sous-clavière. La longueur des CVPC n’excède pas 5,4 cm, celle des cvp longs (ou Mini Midlines ou Midlines courts) se situe entre 6 et 15 cm, et celle des Midlines est comprise entre 15 et 25 cm. Les deux derniers types de cathéter sont insérés en ponctionnant sous écho-guidage. Hors protocole de coopération, cette pratique est légalement réalisable par le personnel médical et les Iade. Nous traiterons ici uniquement des cathéters périphériques courts (CVPC).

DES DISPOSITIFS MÉDICAUX EN ÉVOLUTION

Depuis les années 1980, le CVPC est un cathéter en matière plastique(2) monté sur une aiguille-guide qui comporte plusieurs constituants intrinsèques (voir la photo « Les différents constituants d’un CVPC » page ci-contre), lesquels ont évolué au fil du temps. Aujourd’hui, la protection des soignants face aux accidents d’exposition au sang (AES) est une obligation légale(3) et l’ensemble des fabricants de CVPC disponibles en France ont pris en compte cette directive. Elle est toutefois déclinée de différentes manières : mécanisme de protection actif - le système de protection est activé par l’utilisateur - ou passif, système permettant d’éviter l’écoulement de sang lors de la ponction tout en conservant un indicateur visuel de la bonne position du cathéter.

D’autres évolutions, sans lien avec les AES, sont moins standardisées : plateau de stabilisation plus large pour diminuer les mouvements de va-et-vient du cathéter dans la veine (pistoning effect), tubulure d’extension soudée au pavillon pour éviter les manipulations proximales à la pose et respecter le système clos, matériau plus ou moins thrombogène, compatibilité avec les injections à haut débit - notamment en radiologie - malgré un diamètre inférieur à 20 gauges (cathéter rose), surélévation du pavillon du cathéter en regard du plan cutané… (voir la photo « Les différents types de CVPC » page ci-contre).

DIAMÈTRES ET CRITÈRES DE CHOIX

Les CVPC ont différents diamètres (voir le tableau 1 ci-contre). Il est important d’adapter le diamètre du cathéter à la viscosité des médicaments à administrer, au débit nécessaire à l’application de la prescription, au type de prise en charge (éventualité de remplissage vasculaire ou non) et au diamètre de la veine et à son débit d’amont (capacité de la veine à absorber le débit de perfusion) (voir le tableau 3 p. 20). En cas d’insuffisance, le perfusat stagne ou reflue. Il faut donc bannir certains lieux communs du type : « Je pose un cathéter vert car ça tient plus longtemps ». Un cathéter dont le diamètre est trop important par rapport à celui de la veine-hôte augmente le risque de thrombose veineuse.

En s’appuyant sur l’expérience acquise avec les cathéters veineux centraux(4), le diamètre convenable est la plupart du temps de 22 gauges (G), qui permet l’administration par gravité de 1,7 l/h (voir le tableau 2 ci-contre). Le CVPC bleu de 22 G ne doit pas être réservé aux personnes avec un capital veineux difficile ou fragile. En revanche, en cas de risque hémorragique ou de réanimation, un CVPC de plus gros diamètre sera nécessaire.

INTÉRÊTS ET LIMITES DU CVPC

Quel capital veineux ?

En cas d’extrême urgence, toutes les veines sont bonnes à perfuser mais fort heureusement, la grande majorité des traitements IV ne sont pas prescrits dans ce contexte. Les veines des mains, des avant-bras et des bras sont habituellement facilement utilisables(5) et leur canulation ne demande pas d’infrastructure particulière, et nécessite peu de moyens humains, matériels et financiers. Cependant, hormis pour les patients inconscients (bloc opératoire, réanimation, fin de vie) ou alités (orthopédie), il est préférable d’utiliser les veines de l’avant-bras (voir « Les veines du membre supérieur utilisables pour insérer un CVPC » p. 20) car :

→ les va-et-vient du cathéter dus à l’instabilité de l’endroit où il repose (mobilité des mains et du cou, fléchissements du bras) favorisent la thrombose et l’infection (voir « L es zones inappropriées pour poser un CVCP » p. 21) ;

→ l’articulation du bras avec l’avant-bras occasionne la plicature du cathéter et peut altérer le débit de la perfusion (voir « Plicature du CVPC entraînant un reflux de perfusat » p. 21) ;

→ la perfusion des membres inférieurs et des pieds n’est pas pratique chez le patient actif. Cela astreint le patient et le soignant à prendre des précautions pour favoriser le débit d’amont et le retour veineux (surélévation du membre, veine de diamètre adapté).

Force est donc de constater que, même en veillant à ponctionner le lit vasculaire d’aval pour préserver les ressources d’amont, le nombre de veines périphériques utilisables n’est pas illimité.

Les possibilités se restreignent davantage en présence d’anomalies de la coagulation induites par la maladie et/ou les traitements, d’une qualité vasculaire altérée par les traitements (antimitotiques, corticothérapie…), d’un curage ganglionnaire, d’une paralysie (lire l’encadré page ci-contre), d’une atteinte cutanée, d’une obésité.

Quid des complications ?

Le CVPC est le cathéter le plus utilisé au monde. Il est donc logique qu’un grand nombre de complications lui soit rapporté, ce qui peut fausser l’évaluation de sa dangerosité. Il est important de souligner que l’utilisation des cathéters centraux, nettement plus faible, entraîne un taux de complications graves beaucoup plus important(6).

LE CHOIX DU CATHÉTER

LES CRITÈRES À EXPLORER

Pour que le CVPC reste le bon choix pour administrer le traitement initialement prescrit, il convient :

→ de connaître la toxicité, la durée et la fréquence des traitements prescrits et à venir ;

→ de savoir s’il faut injecter deux médicaments incompatibles simultanément ;

→ de se renseigner si de multiples prélèvements sanguins seront nécessaires ;

→ de comptabiliser les veines périphériques utilisables ;

→ de connaître les préférences et les habitudes de vie du patient ;

→ d’évaluer la durée de maintien du premier cathéter veineux périphérique court en connaissant la raison de son retrait (fin de traitement ou complication). Ici, la traçabilité est essentielle.

Les perfusions à domicile, qu’elles soient intermittentes ou continues, ne sont pas des contre-indications au recours au CVPC. À noter que le recueil de données auprès du patient et de l’équipe médicale est capital pour adapter les différents arbres décisionnels à chaque contexte de soins.

→ Important : éviter, autant que possible, de poser une indication de cathéter par défaut. Le manque de compétences ou de moyens matériels des professionnels de santé, quel que soit leur lieu d’exercice, ne devrait pas entrer en ligne de compte dans un choix médical.

MÉDICAMENTS ET TOLÉRANCE VASCULAIRE

Généralement, la tolérance vasculaire est remise en cause par des facteurs mécaniques et/ou chimiques. Le pH et l’osmolarité des solutions administrées sont des critères capitaux dans la décision d’insérer un CVPC. Au-delà de 600 mOsm/l ou à des pH extrêmes (moins de 5 ou plus de 9), le recours à un cathéter veineux central (CVC) est généralement admis. L’osmolarité sanguine, définie par le nombre de particules osmotiquement actives par litre de solution, est comprise entre 285 et 310 mOsm/l. Lorsqu’une solution hypotonique est perfusée par voie périphérique, il y a un risque d’hémolyse et de douleur à l’injection. À l’inverse, une solution hypertonique entraînera une plasmolyse par fuite du liquide intra-érythrocytaire.

L’administration d’un perfusat trop acide altère le pH sanguin  -entre 7,35 et 7,45 - lequel ne peut être équilibré par le rein, les poumons et différents systèmes tampons. La toxicité agit alors sur les cellules de l’endothélium de la veine, et l’irritation aboutit à une inflammation et à une altération de la paroi, ou un thrombus, voire une nécrose.

Cependant, ces informations n’ont pas d’utilité pratique si les soignants ne peuvent consulter une liste des produits compatibles avec la perfusion périphérique accompagnée des conditions d’administration adéquates pour chaque produit (concentration, temps de passage…). Mais ce type de document est complexe à réaliser. Certains médicaments anciens, comme la vancomycine, ont un pH acide et les études actuelles ne s’entendent pas toujours sur la dilution à employer pour les perfuser via un cathéter veineux périphérique court, voire un Midline(7). Un autre travail montre la quantité importante de produits toxiques qui sont malgré tout injectés par voie veineuse périphérique(8). Il est souvent cliniquement difficile de faire le diagnostic différentiel entre infection et thrombose chimique ou mécanique (photo ci-contre). En cas de suspicion d’une infection sur cathéter central, l’envoi du dispositif en culture est systématique. Ce qui est loin d’être le cas avec les CVPC (rapport coût/risques encourus). Le retrait prématuré du CVPC suite à une thrombose chimique est sûrement un problème sous-estimé.

En l’absence de base de données locale établie par son établissement de soins, il est possible de consulter celle des Hôpitaux Universitaires Genevoix(9) et autres synthèses très utiles(10, 11).

EN PRATIQUE

En la matière, il n’existe pas de recette-type mais des étapes incontournables (voir page ci-contre).

Information du patient

• En cas d’inexpérience ou d’échec de la ponction, ne pas transmettre son stress au patient mais s’adapter à la situation.

• Ne pas informer quelqu’un qui ne veut rien savoir et ne rien voir.

• Informer que ce n’est pas une aiguille qui restera dans le bras à la fin du soin mais une canule de plastique souple de petit diamètre.

Douleur

Ne pas mettre un patch de lidocaïne pendant 1 heure (délai d’efficacité) pour, en cas d’échec de canulation, ne le laisser sur une autre veine que 10 minutes avec des explications plus que discutables. Plus le soin est répété, plus il est assimilé par le soignant et moins il est douloureux pour le patient.

Protection

• Porter des gants de protection propres (ou stériles si vous palpez à nouveau la zone de ponction après désinfection).

• Ne surtout pas oublier la boîte à OPCT. La plupart des AES surviennent quand le CVPC n’est pas jeté directement dans cette boîte ou quand celle-ci est trop remplie.

Repérage des veines

• S’installer confortablement et organiser son espace de travail pour faciliter le soin (l’organisation et l’attention portée au soin rassurent).

• Le patient ne doit pas avoir froid (vasoconstriction) ni être déshydraté (déplétion des veines). Réchauffer les membres supérieurs (couverture, immersion dans l’eau chaude) dilate les veines et facilite leur canulation.

• Le garrot doit être suffisamment serré et le bras doit pendre vers le sol. Au besoin, masser ce dernier de bas en haut. Outre ces moyens très efficaces et peu onéreux, de nouvelles technologies (casque ou lampe) sont à disposition mais demandent un apprentissage, un protocole de coopération (ponction écho-guidée). Le recours à ces dernières pour un traitement de moyenne ou longue durée, ou pour réaliser des prélèvements sanguins répétés doit questionner l’équipe sur la nécessité d’un Midline ou d’un abord central (PICC ou autre).

Désinfection de la peau

La Société française d’hygiène hospitalière(12) (SF2H) recommande l’utilisation de chlorhexidine ou de polyvidone iodée alcoolique (la concentration alcoolique de la solution doit être proche de 70 %) à large spectre et rémanence. L’alcool à 70 % ne peut être utilisé seul pour les raisons précitées. Il est capital de suivre les recommandations d’utilisation du fabricant de l’antiseptique. La littérature actuelle disponible ne peut pas plus recommander une concentration de chlorhexidine à 0,5 % qu’à 2 %.

Insertion

L’angle de ponction du plan cutané est dicté par l’angulation du biseau de l’aiguille. De plus, la facilité de pénétration dépend du biseau, du montage de la canule sur l’aiguille-guide (espace entre la pointe de l’aiguille et l’extrémité distale du cathéter) et de la forme de l’extrémité de la canule (voir la photo ci-dessus). Ces données peuvent sembler alambiquées mais elles expliquent pourquoi l’infirmière habituée à une marque de CVPC a parfois des difficultés à perfuser avec un matériel différent. De fait, si le matériel utilisé présente de nouvelles caractéristiques et exigences, inconsciemment, la main conserve la même gestuelle. Il est donc important que le cathéter veineux périphérique court soit accompagné et expliqué par le fabricant ou un professionnel habitué à son maniement.

Indicateurs de bon fonctionnement

Un reflux veineux, une absence de douleur durant et en dehors des injections, de résistance et de gonflement local à l’injection, un débit correspondant au débit du cathéter, a maxima, puis au débit prescrit sont des indicateurs de bon fonctionnement incontournables. Le reflux, parfois absent, apparaît quelques heures après la perfusion. Il est très important que le patient soit informé de ces indicateurs de bon fonctionnement afin qu’il avertisse rapidement les soignants en cas de survenue de complication (extravasation, inflammation, thrombose…).

Fixation du cathéter

La fixation réduit le pistoning et le retrait accidentel du dispositif(12). Un pansement transparent adhésif standard ne suffit pas à fixer un CVPC. La fixation doit être réalisée avec une bandelette adhésive stérile qui doit être appliquée à distance du point d’insertion pour un meilleur maintien et une surveillance locale plus facile.

Le raccordement du pavillon du cathéter à la prise mâle du prolongateur purgé au NaCl isotonique doit se réaliser de manière aseptique. Chez un soignant droitier, la main droite tient le cathéter et la gauche stabilise le bras, le pouce tirant sur la peau pour faciliter l’introduction de l’aiguille-guide. Ensuite, le pouce et l’index gauches aident au raccordement du cathéter et du prolongateur. Or, ces doigts ayant touché une partie du bras non désinfectée, ils peuvent contaminer le dispositif alors qu’il est ouvert. Pour prévenir ce risque, il convient de désinfecter l’ensemble de la zone touchée ou de manipuler les éléments avec des compresses stériles imprégnées d’antiseptique alcoolique.

Rinçage du CVPC

Le rinçage se réalise à la seringue, avec 5 à 10 ml de NaCl isotonique et administrés par injection fractionnée (soit ml par ml), en évitant d’exercer une pression trop forte sur le piston. La pression exercée par le pouce sur le piston pour faire une injection intraveineuse directe suffit(13).

Pansement transparent stérile

Il permet la visualisation du point de ponction et participe du maintien du CVPC. Tous les pansements transparents n’étant pas semi-perméables, ils ne laissent pas suffisamment respirer la peau. Le pansement doit être appliqué sans tension pour ne pas abîmer la peau. Comme il laisse passer le prolongateur, le pansement n’est pas hermétique et ne doit donc pas être mouillé (l’eau du réseau est potable mais pas stérile). De plus, ce prolongateur agit comme un pied de biche sur le pansement et le soulève en cas de traction intempestive. Les pansements en deux parties comme le Tegaderm Advanced ou le SorbaView shield détournent les forces de traction et leur résistent davantage. Ils reprennent le principe de la bande d’adhésif posée en aval du CVPC pour sécuriser la ligne de perfusion en l’optimisant. La sécurisation de la ligne de perfusion est une seconde sécurité face aux tractions accidentelles. Les manchons textiles, tels le Tubifast, sont très efficaces pour remplir ce rôle.

Traçabilité

La traçabilité du soin est capitale pour évaluer la possibilité de continuer l’administration périphérique du traitement. Un CVPC changé tous les deux ou trois jours pour diffusion ou thrombose, alors que le traitement est prescrit pour deux semaines, doit orienter l’équipe vers un Midline (ou un PICC si des prélèvements sanguins répétés sont prévus et qu’ils sont difficiles à réaliser).

→ À noter : la traçabilité sert également à planifier le renouvellement du pansement (tous les huit jours pour un pansement transparent semi-perméable et tous les quatre jours pour un pansement opaque). La réfection du pansement comprend alors la désinfection de la peau et le renouvellement de la fixation et du pansement. Il est recommandé de ne pas changer la ligne de perfusion principale avant quatre jours.

Retrait du cathéter

Le retrait se réalise en portant des gants de protection non stériles. Une fois la canule ôtée, le point d’insertion est comprimé avec une compresse stérile sèche durant 2 minutes (plus en cas de traitement anticoagulant à dose efficace), puis désinfecté. Un pansement sec est laissé en place 1 heure maximum et ne doit pas être renouvelé.

Renouvellement du CVPC

De nombreuses recommandations (SF2H, 2019) soulignent qu’aucun argument scientifique ne peut appuyer le renouvellement systématique du cathéter tous les quatre jours.

En 2005, la Société française d’hygiène hospitalière énonçait un certain nombre de recommandations(14) : « (R49) Il est recommandé, chez l’adulte, de ne pas laisser en place un cathéter plus de 96 heures (B2). Chez le patient au capital veineux limité, sous réserve d’une surveillance attentive du site d’insertion et en l’absence de complications, il est possible de laisser en place le cathéter pour une durée plus longue ; (R50) Il est recommandé, chez l’enfant, de ne pas changer systématiquement un cathéter. Le changement est recommandé uniquement en cas de signes de complications (B2). » Pourquoi un tel changement ? La recommandation de 2005 s’appuie sur les travaux du Dr Maki qui inspirèrent les recommandations du Center of Disease Control américain. En compilant le plus grand nombre d’études sur le sujet, ce médecin montra que les complications liées aux CVPC survenaient statistiquement dans les 72 heures suivant la pose. Aussi recommanda-t-il le changement systématique à titre préventif. La recommandation de 2005 fut largement diffusée en France sous prétexte que la reperfusion préservait le capital veineux. De manière étonnante, peu de soignants se sont appuyés sur la recommandation R50 pour remettre en cause la logique de la recommandation R49. En fait, cette dernière paraît plus avoir été écrite pour prévenir les complications dues à un mésusage et/ou un manque de surveillance des CVPC. L’idée n’est pas ici de critiquer les recommandations mais de souligner la difficulté de leur rédaction. Doivent-elles ne s’appuyer que sur les données scientifiques actualisées ou prendre également en compte les sciences comportementales ? L’avenir tranchera pour dire si la traçabilité des dispositifs est efficacement réalisée par les professionnels de santé.

Il n’y a donc pas d’arguments scientifiques au renouvellement systématique du CVPC, à condition que sa fonctionnalité et que l’état de la veine ponctionnée soient journalièrement évalués. À défaut, le patient courra le risque d’une complication ou sera reperfusé tous les quatre jours, faute de surveillance infirmière.

Il est en revanche recommandé de remplacer le dispositif sans délai en cas de signes cliniques locaux évoquant une complication.

LA PRISE EN CHARGE DES COMPLICATIONS

Infection

Les situations sont variées et peuvent aller de l’infection locale à l’abcès ou la septicémie traité par antibiotiques IV (voir les photos ci-dessus).

Diffusion

L’infiltration des tissus environnants de la veine sera résolue après l’arrêt de la perfusion et par une surélévation et un massage du membre pour favoriser la résorption du diffusat. Un antalgique per os peut être prescrit par un médecin en cas de douleur locale. Seule l’application locale de froid permet de diminuer le phénomène inflammatoire ainsi que la douleur.

L’application d’un pansement alcoolisé n’est pas conseillé du fait de son inutilité et de sa toxicité cutanée - surtout s’il est maintenu de manière hermétique, empêchant l’alcool de s’évaporer(15) (voir la photo ci-contre).

Thrombose

Elle est facilement confondue avec une infection locale. En dehors du retrait du dispositif et l’application de froid pour diminuer la douleur, le traitement va rarement au-delà.

Problème mécanique

Il apparaît surtout lorsque le cathéter est soumis à des plicatures dues à la localisation de son insertion (voir la photo « Plicature du CVPC entraînant un reflux de perfusat par le point d’insertion » p. 21). Une altération du débit, voire une fuite du perfusat au point d’insertion est alors observée. Dans ce cas, la reperfusion s’impose.

Obstruction

Les causes d’une obstruction du dispositif sont multiples : précipités médicamenteux, reflux de sang dû à une poche de perfusion vide ou à une surélévation du bras trop importante…

Les prélèvements sanguins via le dispositif, s’ils sont possibles en per-insertion, peuvent toutefois participer de l’obstruction du CVPC par la suite.

Mobilisation accidentelle

L’effet de la fixation du CVPC et de la sécurisation de la ligne de perfusion peuvent ne pas être suffisants pour prévenir son arrachage accidentel. L’information du patient est donc capitale. Il convient de veiller à ce que ce dernier sache gérer son CVPC au quotidien (ne pas mouiller le pansement durant sa toilette, savoir s’habiller et se déshabiller, par exemple), dépister une éventuelle complication et savoir quoi faire.

Excepté pour une diffusion et une infection, et en regard du faible coût matériel du geste, la prise en charge se résume généralement au remplacement du dispositif.

CONCLUSION

Encore aujourd’hui, le cathéter veineux périphérique court rend de réels services tant aux patients qu’aux professionnels de santé.

L’indication et l’insertion de ce dispositif devraient être davantage travaillées et valorisées. En place, ce cathéter devrait être géré comme un cathéter central afin que le motif de son retrait soit le plus souvent la fin du traitement et non une complication liée à un mésusage du médicament injecté ou du dispositif lui-même.

RÉFÉRENCES

  • 1. Pittiruti M., Van Boxtel T., Scoppettuolo G. et al., “European recommendations on the properindication and use of peripheral venousaccess devices (the ERPIUP consensus):A WoCoVA project”, The Journal of Vacular Access, mai 2021, 1-18. En ligne sur : bit.ly/2X0qo40
  • 2. Rivera A. M., Strauss K. W., van Zundert A. et al., “The history of peripheral intravenous catheters: how little plastic tubes revolutionized medicine”, Acta anaesthesiologica Belgica, février 2005;56 (3):271-82. En ligne sur : bit.ly/3hdcaEk
  • 3. Directive 2010/32/UE du Conseil du 10 mai 2010 portant application de l’accord-cadre relatif à la prévention des blessures par objets tranchants dans le secteur hospitalier et sanitaire conclu par l’Hospeem et la FSESP.
  • 4. Timothy R. S., Mahoney K. J., “Reducing catheter-related thrombosis using a risk reduction tool centered on catheter to vessel ratio”, Journal of Thrombosis and Thrombolysis, nov. 2017;44 (4):427-434. En ligne sur : bit.ly/3BVLH68
  • 5. Hadaway L., “Peripheral Veins - Size Matters”, 7 mai 2018. En ligne sur : bit.ly/3BPzteY
  • 6. Maki D., Kluger D., Crnich C., “The risk of bloodstream infection in adults with different intravascular devices: a systematic review of 200 published prospective studies”, Mayo Clinic Proceedings, sept. 2006;81 (9):1159-1171. En ligne sur : bit.ly/3yY6J23
  • 7. Ryder M., Gunther R. A., Nishikawa R. A. et al., “Investigation of the role of infusate properties related to midline catheter failure in an ovine model”, American Journal of Health-System Pharmacy, août 2020;77 (16):1336-46. En ligne sur : bit.ly/3DTnL4W
  • 8. Guillois G., Mortier C.-P., Lurton Y., « PH, osmolarité : que perfuse-t-on réellement dans les veines des patients ? », Revue pharmaceutique des dispositifs médicaux, 2021, n°1. En ligne sur : bit.ly/38VTvbv
  • 9. Hôpitaux Universitaires Genève, « Guide d’administration des médicaments injectables chez l’adulte », révisé le 15 janvier 2021. En ligne sur : bit.ly/3yYfcST
  • 10. Longuet P., Lecapitaine A. L., Cassard B. et al., « Préparation et administration des antibiotiques par voie injetable : comment éviter de jouer à l’apprenti sorcier », Médecine et maladies infectieuses, mai 2016;46 (5) 242-68. En ligne sur : bit.ly/38UB076
  • 11. Manrique-Rodríguez S., Heras-Hidalgo I., Pernia-López M. S. et al., “Standardization and Chemical Characterization of Intravenous Therapy in Adult Patients: A Step Further in Medication Safety”, Drugs in R&D, déc. 2020;21 (1):39-64. En ligne sur : bit.ly/3tpHBzS
  • 12. Société française d’hygiène hospitalière, « Prévention des infections liées aux cathéters périphériques vasculaires et sous-cutanés », Hygiènes, mai 2019;27 (2). En ligne sur : bit.ly/3k2yXVf
  • 13. Goossens G. A., “Flushing and Locking of Venous Catheters: Available Evidence and Evidence Deficit”, Nursing Research and Practice, février 2015. En ligne sur : bit.ly/3zWHxKs
  • 14. Société française d’hygiène hospitalière, « Prévention des infections liées aux cathéters veineux périphériques. Recommandations pour la pratique clinique », nov. 2005. En ligne sur : bit.ly/3yZzgUR
  • 15. Dupont C., Lurton Y., « Cathétérisme veineux, risque infectieux, et antiseptiques », Santé log Soins à domicile, n° 60, janvier/février 2018. En ligne sur : bit.ly/38SrFNf

Remerciements :

Anne Debonne, de l’équipe opérationnelle d’hygiène du centre hospitalier Victor Dupouy d’Argenteuil (Val-d’Oise) pour sa relecture, et Marc Catanas, directeur des soins du centre hospitalier du pays d’Aix et du centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis de Pertuis (Vaucluse), pour nous avoir renseignés sur l’évolution historique de la profession infirmière.

Curage ganglionnaire, paralysie du membre supérieur et membre inférieur, pourquoi éviter de perfuser ?

Le curage ganglionnaire (lymphadénectomie) est un acte chirurgical qui consiste à retirer des ganglions lymphatiques contenant des cellules cancéreuses ainsi que d’autres ganglions lymphatiques pour prévenir la propagation cancéreuse.

Une biopsie du ganglion sentinelle peut être réalisée avant le curage ganglionnaire lorsque le médecin ne sent pas au toucher de ganglions lymphatiques enflés. Cette chirurgie, principalement pratiquée pour le cancer du sein et le mélanome de la peau, permet de savoir si le cancer s’est propagé d’une tumeur au ganglion sentinelle. Si le médecin trouve des cellules cancéreuses dans ce ganglion après l’avoir enlevé, il pourrait retirer d’autres ganglions lymphatiques de la région au moyen d’un curage ganglionnaire. Suite à cette intervention, on observe de possibles changements sensoriels, comme une douleur ou un engourdissement (possibles si des nerfs sont endommagés), une baisse des défenses immunitaires locales et une diminution de la perfusion d’amont, d’où un moindre drainage des perfusats intraveineux et, en cas d’extravasation, une moindre résorption des infiltrats.

La paralysie d’un membre est souvent associée à une baisse de la sensibilité (frein à un dépistage précoce de complications) et à une diminution du débit veineux du fait de la disparition du travail musculaire.

La perfusion du membre inférieur n’est pas adéquate pour une personne autonome et mobile. Mais en facilitant le débit d’amont, il peut être utilisé.

Médicaments, matériel et compétences des opérateurs : rappel historique

Le commencement de la thérapie intraveineuse repose sur la volonté d’apporter du sang et d’administrer des traitements. La première documentation historique d’une transfusion directe d’homme à homme concerne le pape Innocent III, en 1492. L’expérience se solda par le décès du receveur et des trois jeunes donneurs (les groupes sanguins ABO ne furent découverts qu’en 1901). La nécessité de trouver une solution à la déshydratation occasionnée par le choléra, qui frappa l’Europe jusqu’au XIXe siècle, aboutit à la confection de la première injection efficace de solution saline par le Dr Thomas Latta, en 1832.

DE LA PREMIÈRE SERINGUE EN MÉTAL AU DISPOSITIF MÉDICAL À USAGE UNIQUE

Côté dispositif médical, Charles Pravaz développa la première seringue en métal en 1853. Baxter Travenol Company réalisa la première solution IV dans une bouteille sous vide, une avancée décisive pour prévenir la contamination des solutés administrés. En 1950, la tubulure en plastique remplaça celle en caoutchouc. En 1970, les poches de solutés en plastique éclipsèrent les bouteilles et prévinrent ainsi le risque d’embolie gazeuse due à l’utilisation des prises d’air. Le mitan du XXe siècle fut l’apogée du développement de l’usage unique grâce à la maîtrise du façonnage des matières plastique. La seringue plastique à usage unique fut introduite par Becton Dickinson dans les années 1960. Le premier cathéter en polyuréthane monté sur aiguille date de 1983.

En France, la loi n’autorisa qu’en 1947 les auxiliaires médicaux qualifiés à exécuter les injections et perfusions IV sous la responsabilité d’un médecin. La résolution des multiples problématiques posées par la thérapie IV a donc nécessité plusieurs siècles de recherche ; l’implication de la profession infirmière dans ce domaine ne date que de l’après-guerre.

Info +

PEUT-ON SE DOUCHER QUAND ON EST PERFUSÉ ?

Oui, à condition de ne pas mouiller le pansement (même lors du lavage des cheveux). Ne surtout pas superposer un pansement transparent sur le pansement initial car il ne pourra pas être retiré sans tout arracher. Emballer le bras perfusé avec du film alimentaire transparent peut protéger efficacement mais il doit être retiré dès que possible (risque de macération).

Info +

EN CAS DE PERFUSION INTERMITTENTE, QUELLE EST LA BONNE FRÉQUENCE DES RINÇAGES ?

Un CVPC peut être perfusé par intermittence pour réduire les apports IV, prévenir le risque de traction accidentelle de la ligne de perfusion et faciliter la mobilité des patients (absence de pied de perfusion). Dans ce cas, une valve bidirectionnelle est connectée sur le prolongateur du CVPC. Cette pratique est recommandée à condition que la valve soit désinfectée avant chaque connection par friction de la surface de connexion avec une compresse stérile imprégnée d’alcool à 70 % durant 15 secondes, et rincée efficacement par injection fractionnée de NaCl isotonique après chaque perfusion(1, 2, 3). L’utilisation des mandrins obturateurs à usage unique, du fait de la proximité de la manipulation avec le pavillon du cathéter, n’est pas recommandée (prévention de l’infection). Si perfusion toutes les 8 heures, un rinçage toutes les 8 heures suffit en injectant 10 ml de Nacl isotonique en fractionné. Il en va de même pour les injections toutes les 12 ou 24 heures, bien que l’évaluation et le cas par cas priment. Par ailleurs, il n’est pas recommandé d’utiliser une solution héparinée pour conserver la perméabilité d’un CVPC utilisé par intermittence en regard du risque d’allergie et de thrombopénie graves(4).

1. Voir la note 12 dans Références.

2. Bouza E., Muñoz P., López-Rodríguez J. et al., “A needleless closed system device (Clave) protects from intravascular catheter tip and hub colonization: a prospective randomized study”, Journal of Hospital Infection, août 2003;54 (4):279-87. En ligne sur : bit.ly/2VsIYkR

3. Guembe M., Pérez-Granda M. J., Alcalá L. et al., “A simple and easy in vitro model to test the efficacy of IV lines’ needleless connectors against contamination”, Intensive Care Medicine Experimental, décembre 2014;2 (1):27. En ligne sur : bit.ly/3tsqwFt

4. Hadaway L., « Heparin locking for central venous catheters », Journal of the Association for Vascular Access, 2006;11 (4):224-31. En ligne sur : bit.ly/38V1vJU

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EST-IL LÉGALEMENT INTERDIT DE PERFUSER UN ANTIMITOTIQUE VIA UNE VEINE PÉRIPHÉRIQUE ?

Non, il n’y a pas de restriction légale à cette pratique. Il est tout à fait possible de perfuser un antimitotique via une veine périphérique à condition que la veine vienne d’être perfusée et qu’elle soit fonctionnelle (reflux présent, pas de douleur à l’injection…), et que l’administration du traitement soit étroitement surveillée par l’infirmière.

La moindre anomalie doit faire arrêter la perfusion.

La prise en charge d’une éventuelle extravasation doit être envisagée avant le début du traitement pour pouvoir intervenir efficacement et dans les meilleurs délais.

La répétition de ce type de thérapie via le réseau périphérique fragilise la sécurité et le confort du patient donc, dès que cela est possible, il convient de prescrire le cathéter veineux central adapté à la situation.

La mécanique de l’insertion

Le biseau de l’aiguille-guide, les modifications de relief et les diamètres impactent la pénétration du CVPC au travers de la peau.

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