Un rapport de Santé publique France, rendu public le 10 septembre, préconise d’améliorer la détection de ce type de décès en s’appuyant sur les médecins légistes.
En France, les suicides sont très peu considérés comme des accidents du travail. Seuls dix à trente cas par an sont formellement reconnus, déplore Christine Chan-Chee, épidémiologiste à Santé publique France. Dans d’autres pays, dès qu’il y a un soupçon, des enquêtes très poussées sont menées. Nous souhaitons qu’il y ait un déclic sur ce sujet. » C’est pourquoi l’Agence nationale de santé publique vient de publier un rapport préconisant de développer un système de surveillance des suicides potentiellement liés au travail, ce qui permettrait, dans un second temps, de mieux cibler les actions de prévention. Une nouvelle étape dans un travail de longue haleine entamé il y a une dizaine d’années. Car le suicide est une question complexe. Certes, on en connaît bien les facteurs de risque : selon le rapport, les travailleurs les plus touchés sont les hommes, en particulier les employés. Plusieurs secteurs d’activité sont particulièrement exposés, comme l’administration publique, le commerce et la réparation d’automobiles et motocycles, la santé humaine et l’action sociale, ainsi que les arts et spectacles. Mais corrélation ne signifie pas causalité. « On sait que certaines catégories socioprofessionnelles sont très touchées : le taux de suicide est par exemple très élevé chez les agriculteurs, détaille Christine Chan-Chee. Mais cela ne veut pas dire que leur travail est la cause directe du suicide. »
Santé publique France s’est interrogée sur les données les plus pertinentes pour établir avec certitude ce lien de cause à effet, et il est apparu que celles recueillies par les médecins légistes étaient les plus complètes. Le rapport s’appuie donc sur les données de huit instituts de médecine légale (IML) et du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’Inserm pour lister cinq critères montrant qu’un suicide est bien lié au travail : la survenue du décès sur le lieu de travail ; une lettre laissée par la victime mettant en cause ses conditions de travail ; le décès en tenue de travail alors que la victime ne travaillait pas ; le témoignage de proches mettant en cause les conditions de travail de la victime ; des difficultés connues liées au travail recueillies auprès des proches ou auprès des enquêteurs. Prochaine étape : convaincre les autorités de santé d’intégrer dans les certificats de décès un questionnaire standardisé sur la question, puis analyser les données recueillies. « Cela prendra plusieurs années, reconnaît l’épidémiologiste. Mais cela en vaut la peine : un an de travail avec seulement huit IML sur les trente que compte le territoire nous a permis d’identifier une centaine de suicides liés au travail. C’est un progrès considérable ! »
Le rapport complet est disponible en ligne sur : bit.ly/3kuStd2