Une vingtaine de benzodiazépines sont commercialisées en France. Malgré des différences d’indications, elles ont toutes en commun des effets hypnotiques, anxiolytiques, myorelaxants, anticonvulsivants et amnésiants.
• La majorité des benzodiazépines sont indiquées dans l’anxiété : alprazolam (Xanax), bromazépam (Lexomil), clobazam (Urbanyl), clorazépate (Tranxène), clotiazépam (Vératran), diazépam (Valium), loflazépate d’éthyle (Victan), lorazépam (Temesta), nordazépam (Nordaz), oxazépam (Seresta), prazépam (Lysanxia). Elles peuvent être prescrites pour une durée maximale de douze semaines.
• Quatre ont une indication dans l’insomnie aiguë : estazolam (Nuctalon), loprazolam (Havlane), lormétazépam (ex-Noctamide), nitrazépam (Mogadon). Elles ne peuvent être prescrites que pour quatre semaines.
• Trois sont indiquées spécifiquement dans l’épilepsie de l’adulte ou de l’enfant : clobazam (Urbanyl), clonazépam (Rivotril) et midazolam par voie orale (Buccolam).
• Le diazépam (Valium) par voie intraveineuse est un traitement d’urgence des crises convulsives de l’adulte et de l’enfant. Il peut aussi être utilisé par voie intrarectale chez le nourrisson et l’enfant : l’administration est réalisée à l’aide d’une canule montée sur une seringue.
• La plupart des benzodiazépines anxiolytiques sont également indiquées dans la prévention du delirium tremens et des convulsions dans le sevrage alcoolique.
• Deux molécules apparentées aux benzodiazépines, la zopiclone (Imovane) et le zolpidem (Stilnox) (activité hypnotique), sont indiquées uniquement dans l’insomnie de l’adulte.
• Plus aucune benzodiazépine n’est indiquée dans les contractures musculaires. Le tétrazépam (Myolastan), longtemps utilisé dans le traitement des contractures douloureuses en rhumatologie, a été retiré du marché en 2013 car il était associé à un risque de syndrome de Lyell (allergie cutanée grave).
• Les benzodiazépines potentialisent l’action du GABA (acide gamma-aminobutyrique), principal neuromédiateur inhibiteur au niveau du système nerveux central. La sensibilisation du récepteur GABA-A réduit l’hyperactivité neuronale, ce qui explique l’activité anxiolytique, sédative et anticonvulsivante des benzodiazépines.
• La principale différence entre les benzodiazépines réside dans leur durée d’action. On distingue :
– les benzodiazépines à demi-vie courte ou intermédiaire (moins de 20 heures) : clotiazépam, oxazépam, alprazolam, lorazépam… ;
– les benzodiazépines à demi-vie longue (plus de 2 heures et jusqu’à plus de 5 jours) : clobazam, clorazépate, nordazépam, prazépam, diazépam, loflazépate d’éthyle…
• Il faut environ cinq demi-vies pour éliminer le médicament en totalité, soit 250 à 500 heures (10 à 20 jours !) pour éliminer le prazépam ou le diazépam en totalité.
• Un autre point important est l’existence, pour certaines benzodiazépines, de métabolites actifs qui prolongent l’effet initial.
• Chez le sujet âgé, si une benzodiazépine est nécessaire, on choisira une molécule de demi-vie courte ou intermédiaire, sans métabolite actif.
• Les effets indésirables des benzodiazépines sont surtout de type neuropsychiatrique : somnolence, amnésie antérograde (perte de la mémoire des faits récents, même aux doses thérapeutiques), altération des fonctions psychomotrices, troubles du comportement et de la mémoire, altération de l’état de la conscience.
• La tolérance (augmentation des doses pour obtenir le même effet) et la dépendance sont favorisées par les traitements prolongés mais peuvent apparaître dès 2 à 4 semaines de traitement chez le sujet âgé.
• La prise de benzodiazépines majore le risque d’accident de la route. Depuis 2017, toutes les benzodiazépines sont estampillées « niveau 3 » pour la Sécurité routière, c’est-à-dire : « Attention, danger : ne pas conduire. Pour la reprise de la conduite, demandez l’avis d’un médecin. »
• Les benzodiazépines ne doivent pas être utilisées en cas d’insuffisance respiratoire et sont contre-indiquées en cas de syndrome d’apnée du sommeil (en particulier chez les patients appareillés).
• La myasthénie, maladie auto-immune qui provoque un défaut de la transmission neuromusculaire, contre-indique aussi la prise de benzodiazépines en raison du risque de décompensation respiratoire.
• Les benzodiazépines ne doivent pas être utilisées en cas d’insuffisance hépatique sévère car elles sont majoritairement métabolisées par voie hépatique et exposeraient donc à un risque de toxicité par accumulation.
• Les posologies ne sont pas modifiées en cas d’insuffisance rénale mais on veillera à utiliser la posologie la plus faible possible et le moins longtemps possible.
• L’arrêt du traitement par benzodiazépines doit être anticipé dès la mise en route. En général, la durée globale du traitement anxiolytique, période de réduction de la posologie comprise, ne doit pas excéder huit à douze semaines, et celle d’un hypnotique, quatre semaines, période de réduction de la posologie comprise. Si le traitement doit être prolongé au-delà, des évaluations précises et répétées de l’état du patient devront être réalisées.
• Les benzodiazépines prises au long cours, au-delà des durées de prescription recommandées, peuvent conduire à une dépendance.
→ Attention : l’arrêt brutal après un traitement au long cours expose à :
– un rebond : réapparition rapide des symptômes initiaux (insomnie, anxiété) avec une intensité majorée. Les symptômes sont transitoires et diminuent en trois-quatre jours ;
– une rechute : réapparition des symptômes initiaux, de manière plus progressive et plus tardive (deux à trois semaines) ;
– un syndrome de sevrage se manifestant dans les jours qui suivent l’arrêt du traitement (insomnie, céphalées, anxiété importante, tension musculaire, voire épisode confusionnel, paresthésies des extrémités…).
• L’arrêt doit donc être progressif et effectué sous surveillance. Dans certains cas, il peut prendre jusqu’à un an.
• Les interactions médicamenteuses les plus significatives sont celles qui provoquent une majoration de l’effet sédatif ou dépresseur respiratoire des benzodiazépines.
• L’association de deux benzodiazépines n’est pas recommandée afin d’éviter le cumul d’effets indésirables.
• L’association avec l’alcool est déconseillée car les benzodiazépines potentialisent les effets de celui-ci et inversement.
• L’association avec les morphiniques (morphine, fentanyl, codéïne, tramadol…) est à prendre en compte en raison d’une addition des effets dépresseur respiratoire et dépresseur central. Des adaptations posologiques peuvent être nécessaires.
→ Attention aux patients polymédiqués (antidépresseurs, neuroleptiques, antalgiques, morphiniques…), chez lesquels le risque d’interaction est majoré.
• Les personnes âgées ont un risque d’effets indésirables accru : le temps de demi-vie des benzodiazépines s’allonge, ce qui expose à une accumulation et à un risque de surdosage. De même, la sensibilité des récepteurs est modifiée.
• Chez cette population, les benzodiazépines peuvent avoir un effet désinhibiteur : augmentation de l’hostilité et de l’agressivité, passage à l’acte.
• Les benzodiazépines majorent le risque de chute, en particulier à l’instauration du traitement.
• Seules les benzodiazépines à demi-vie courte ou intermédiaire, sans métabolite actif (alprazolam, lorazépam, oxazépam, clotiazépam) ont un rapport bénéfice/risque favorable chez le sujet âgé. En revanche, les benzodiazépines à demi-vie longue sont des médicaments inappropriés.
• Prudence également chez les patients âgés de petit poids corporel ou dénutris.
• Une diminution des doses et de la fréquence d’administration peut être nécessaire, notamment en ce qui concerne les hypnotiques (par exemple, après 65 ans, posologie divisée par deux pour la zopiclone et le zolpidem).
• Les benzodiazépines sont des molécules lipophiles, qui passent la barrière placentaire. L’utilisation d’une benzodiazépine est par conséquent déconseillée tout au long de la grossesse.
• Environ 3 % des femmes sont toutefois exposées aux benzodiazépines durant leur grossesse.
• Le risque de fente labiopalatine a été évoqué et n’est pas complètement écarté, même si le Centre de référence des agents tératogènes mentionne qu’aucun effet malformatif n’est attribué à l’exposition aux benzodiazépines au premier trimestre de grossesse.
• Si la prise de benzodiazépines pendant la grossesse est jugée indispensable, elle se fera à la dose la plus faible possible, pendant la durée la plus courte possible. L’oxazépam est à privilégier, en raison de sa demi-vie courte et de son faible risque d’accumulation en cas de prises répétées (pas de métabolite).
• Si une patiente allaite et qu’un traitement par benzodiazépines est nécessaire, l’oxazépam sera alors privilégié.
• Haute Autorité de santé, « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’anxiété ? », Évaluation des technologies de santé, 17 juillet 2018. En ligne sur : bit.ly/3neeRJm
• Haute Autorité de santé, « Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés : démarche du médecin traitant en ambulatoire », Recommandation de bonnes pratiques, 29 juin 2015. En ligne sur : bit.ly/3E1qnxY
• Haute Autorité de santé, « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’insomnie ? », Bon usage du médicament, mis à jour en décembre 2017. En ligne sur : bit.ly/2WXBKX1x
• Site du Collège national de pharmacologie médicale, « Benzodiazépines », mis à jour le 30 mai 2018. En ligne sur : bit.ly/2Ytw0o2
• Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, « État des lieux de la consommation des benzodiazépines », 5 avril 2017. En ligne sur : bit.ly/38T4MJD
• Assurance maladie, « Choix d’une benzodiazépine dans les troubles anxieux ou les troubles du sommeil chez le sujet de plus de 65 ans polypathologique ou de plus de 75 ans », octobre 2014. En ligne sur : bit.ly/38QCeQY
L’autrice déclare ne pas avoir de liens d’intérêt
Dans l’insomnie, la molécule à utiliser dépend du type d’insomnie. Pour les insomnies d’endormissement, les molécules à demi-vie courte sont à privilégier (zopiclone, zolpidem). En cas de réveils nocturnes ou d’insomnie de fin de nuit, des benzodiazépines à demi-vie plus longue peuvent être indiquées, mais peuvent entraîner des somnolences diurnes.
Le délai d’action des benzodiazépines hypnotiques étant court, l’administration doit avoir lieu immédiatement avant le coucher.
Le clonazépam (Rivotril), le zolpidem (Stilnox), le clorazépate 20 mg (Tranxène 20 mg) et le midazolam (Buccolam) sont classés « assimilés stupéfiants ». Ils doivent être prescrits sur une ordonnance sécurisée (avec filigrane) et le chevauchement est interdit, sauf mention expresse du prescripteur.