LES ANTISEPTIQUES - Ma revue n° 014 du 01/11/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 014 du 01/11/2021

 

JE ME FORME

PHARMACO

Nathalie Belin  

Familiers de l’armoire à pharmacie, les antiseptiques se choisissent en fonction des sites d’application et des personnes chez lesquelles il vont être utilisés. Leur mode d’emploi comme leur conservation doivent donc être bien connus.

PRÉSENTATION

DE QUOI S’AGIT-IL ?

L’antisepsie est définie selon la norme Afnor comme « une opération au résultat momentané permettant, au niveau des tissus vivants, dans la limite de leur tolérance, d’éliminer ou de tuer les micro-organismes et/ou d’inactiver les virus en fonction des objectifs fixés. Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes et/ou aux virus présents au moment de l’opération ».

Les antiseptiques sont des produits destinés à détruire les micro-organismes présents sur les tissus vivants. Ils sont utilisés en contact avec une peau lésée ou saine avant de la léser (champ opératoire, avant ponction, avant injection…) et dans certaines indications thérapeutiques (acné). Ce sont des médicaments dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) précise notamment les indications et les contre-indications.

Différence avec les biocides. Certains « soins antiseptiques » sont des biocides (lire la définition ci-contre), comme certaines références de chlorhexidine en unidoses ou en spray. Selon les fabricants, les indications et les limites d’âge peuvent différer de celles des médicaments. Par exemple, la chlorhexidine à 0,5 % et les unidoses Urgo (biocide) sont recommandées à partir de 10 ans, alors qu’aucune limite d’âge n’est mentionnée pour les unidoses Septimyl (biocide) ou le Diaseptyl.

QUEL CLASSEMENT ?

Un antiseptique est classé selon sa famille chimique, mais aussi selon son spectre d’activité, c’est-à-dire selon la liste des micro-organismes contre lesquels il est actif. « En pratique, le spectre d’activité […] est lié à la nature des principes actifs et à leur concentration, à la formulation et au temps de contact après application.* »

Antiseptiques « majeurs »

Définition. Bien qu’il n’existe pas de définition consensuelle, les antiseptiques sont dits « majeurs » s’ils présentent une activité bactéricide (capables de tuer les bactéries), un large spectre (actifs sur les bactéries Gram positif et négatif, les champignons et plus ou moins les spores et les virus) et s’ils ont une action rapide (1 minute).

Seuls les dérivés chlorés et iodés ont un spectre d’action recouvrant tous les micro-organismes grâce à la pénétration des actifs et à leur mécanisme d’action chimique, l’oxydation. La chlorhexidine est notamment moins active sur les virus enveloppés, les spores et les champignons.

Dérivés chlorés. Il s’agit de l’hypochlorite de sodium à 0,5 % de chlore actif dans Dakin Cooper stabilisé et à 0,06 % dans Amukine. Incolores et bien tolérés, ils s’utilisent sur la peau ainsi que sur les muqueuses buccale, urinaire, vaginale… Leur odeur chlorée peut déplaire et ils décolorent les textiles. La coloration rosée de la solution de Dakin vient du permanganate de potassium qui ne colore pas la peau mais permet l’identification de l’antiseptique lorsqu’il est déconditionné.

→ Mécanisme d’action : ils détruisent les protéines structurales membranaires et chromosomiques des micro-organismes.

→ En pratique : en lavages, bains ou pansements humides avec une compresse ou un coton-tige pour une plaie buccale…

Dérivés iodés. La povidone iodée (Betadine) s’utilise sur la peau ou les muqueuses.

→ En pratique : pas en automédication en raison d’une coloration brun-orangé de la zone d’application qui masque l’évolution d’une plaie.

→ Effets indésirables : réactions d’hypersensibilité, mais pas de réaction croisée avec les produits de contraste iodés ou en cas d’antécédent d’anaphylaxie aux fruits de mer.

Chlorhexidine. En solution aqueuse ou alcoolique à une concentration d’au moins 0,5 %, ou de 0,2 % en association au chlorure de benzalkonium et à l’alcool benzylique (Biseptine), elle a une activité légèrement anesthésique et analgésique locale.

→ Mécanisme d’action : le mécanisme d’action est identique à celui des dérivés chlorés.

→ En pratique : la chlorhexidine en solution alcoolique est réservée à la peau saine. En solution aqueuse, elle convient sur les peaux lésées et les plaies, y compris la Biseptine pour les plaies peu profondes.

→ Effets indésirables : réactions allergiques (eczéma, urticaires de contact…)

Éthanol à 60° ou 70°. L’action bactéricide est supérieure à celle de l’alcool à 90° en raison d’une meilleure pénétration de la paroi bactérienne. L’alcool à 70° modifié associe de l’éthanol à 70°, du camphre et de la tartrazine (colorant). Ces deux derniers composants visent à éviter un détournement d’usage de l’alcool.

→ Mécanisme d’action : l’alcool dénature les protéines cytoplasmiques et membranaires, et inhibe la synthèse des acides nucléiques et des protéines ; il entraîne une coagulation cytoplasmique.

→ En pratique : large spectre, action très rapide et s’évaporant vite, c’est l’antiseptique idéal pour préparer la peau avant une injection. Convient pour désinfecter le petit matériel : ciseaux, pince à épiler… Préférer l’alcool à 60° chez les nourrissons jusqu’à 30 mois (lire les contre-indications).

Antiseptiques « mineurs »

Le principe actif des antiseptiques mineurs n’a pas une concentration suffisante ou diffère des molécules précitées : la chlorhexidine à 0,2 % en solution aqueuse, qui a aussi un délai d’action de 5 minutes (vs 1 minute pour l’alcoolique à 0,5 %), les ammoniums quaternaires (chlorure de benzalkonium, cétrimide…), l’hexamidine et la chlorhexidine à 0,05 % ont un spectre d’activité moins large. Ils ne sont pas recommandés pour les plaies. L’hexamidine a une indication dans certaines affections dermatologiques susceptibles de se surinfecter. Associée à une forte concentration d’alcool dans Hexomedine Transcutanée, elle s’utilise en pansements humides ou en bains en cas de panaris débutant, de poil incarné, de kyste…

QUELLES CONTRE-INDICATIONS ?

Dérivés iodés : nouveau-nés (moins de 1 mois), utilisation prolongée aux deuxième et troisième trimestres de grossesse, allaitement.

Chlorhexidine : irritante pour les muqueuses et neurotoxique, elle ne doit pas être appliquée sur les muqueuses, hormis les solutions moussantes à rincer, ni dans le conduit auditif.

Alcool à 70° : nourrisson de moins de 30 mois, antécédents de convulsions, sur une peau lésée ou sur les muqueuses.

EN PRATIQUE

QUELLES PRÉCAUTIONS ?

• Nettoyer toute plaie à l’eau et au savon, puis bien rincer avant d’appliquer l’antiseptique car tous sont plus ou moins inactivés par les matières organiques (pus, sang, sueur, sébum…) et le savon.

• Ne jamais les associer entre eux (perte d’efficacité, voire formation de dérivés toxiques). Si nécessaire, rincer la plaie à l’eau ou au sérum physiologique.

• Les antiseptiques sont à proscrire dans les plaies chroniques (ulcères, escarres…), sauf exception, car ils sont à l’origine d’intolérance, de retard de cicatrisation et peuvent être incompatibles avec certains pansements.

• Utiliser les dérivés iodés avec prudence en cas de dysfonctionnement thyroïdien ainsi que chez les nourrissons de moins de 30 mois en raison d’un passage systémique potentiel de l’iode.

QUELLE CONSERVATION ?

• Les antiseptiques peuvent être sensibles à l’air, à la lumière et à la chaleur. Conserver les dérivés chlorés en dessous de 25°C. Après chaque utilisation, refermer soigneusement le flacon.

• En usage domestique courant, un antiseptique se conserve plusieurs mois après ouverture à l’abri de la lumière et de la chaleur. Utilisé quotidiennement à l’hôpital, un antiseptique majeur se garde un mois après ouverture.

• Utiliser les unidoses et compresses en pochette individuelle dès leur ouverture, puis les éliminer.

• Un flacon d’Hexomedine Transcutanée se conserve cinq jours s’il est utilisé en bains (la partie à traiter est plongée dans le flacon), quinze jours si le produit est appliqué à l’aide d’une compresse.

QUELS CONSEILS ?

Pulvériser directement l’antiseptique sur la plaie si elle n’est pas située près des yeux, ou l’appliquer avec une compresse sur la blessure une fois, avant de recommencer si besoin avec une zone propre de la compresse.

* Source : « Le bon usage des antiseptiques pour la prévention du risque infectieux chez l’adulte », CClin Sud-Ouest, 2013. En ligne sur : bit.ly/2YQlW99

Définition

Les biocides sont des substances ou des préparations encadrées par un règlement européen, destinées à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes jugés nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière, par une action chimique ou biologique.

Info +

La désinfection se distingue de l’antisepsie par le fait qu’elle s’effectue sur des milieux inertes : surfaces, matériel…

L’eau oxygénée, ou peroxyde d’hydrogène, a un spectre d’action trop limité pour être utilisée en tant qu’antiseptique. Elle produit des radicaux libres qui interagissent avec les lipides, les protéines et l’ADN. En revanche, ses propriétés hémostatiques et détergentes, par son effet moussant, favorisent l’élimination des débris en cas de plaie souillée. Elle se conserve quinze jours après ouverture, d’où l’intérêt d’utiliser des dosettes.