L'infirmière n° 015 du 01/12/2021

 

PORTRAIT

VIE PRO

CARRIÈRE

Adrien Renaud  

Infirmière dans le Haut-Rhin, Élodie Morgen a monté une maison d’édition qui publie des ouvrages de littérature de l’imaginaire. L’objectif étant que les livres deviennent, à terme, son unique activité professionnelle.

Pas facile de tout mener de front quand on a deux passions dévorantes. Et Élodie Morgen est bien placée pour le savoir : depuis le début de ses études d’infirmière, cette Alsacienne se sent faite pour le soin et pour l’écriture. Si jusqu’ici la trentenaire avait réussi à conjuguer ces deux activités, il y a trois ans, elle a décidé de donner un coup de volant radical à sa carrière en créant sa maison d’édition. « Dans ma vie, l’écriture a toujours été plus moins liée à des événements traumatiques », explique la jeune femme. De fait, celle qui écrivait des poèmes depuis l’adolescence s’est vraiment lancée dans l’écriture de romans à 18 ans, quand sa mère, atteinte d’un cancer, a été hospitalisée. « Je lui faisais lire les chapitres au fur et à mesure », se souvient celle qui était alors en première année à l’Ifsi. La maladie a été fatale à sa mère, mais Élodie a poursuivi dans l’écriture, comme pour mieux se souvenir d’elle.

L’ALSACIENNE INDÉPENDANTE

Jusqu’en 2018, Élodie Morgen avait trouvé une forme d’équilibre, travaillant principalement en Ehpad et en auto-éditant ses écrits. Mais un nouveau drame allait tout bouleverser. « J’ai perdu mon premier fils à l’accouchement, raconte-t-elle. Depuis, le métier d’infirmière ne suffisait plus à ce que je me sente vraiment utile. » Il lui fallait un projet pour avancer. Ce sera l’édition. Finies les publications à compte d’auteur. Ses livres, et ceux d’autres romanciers partageant l’esthétique de la littérature de l’imaginaire qu’elle affectionne, seront publiés par la maison d’édition qu’elle a fondée, « L’Alsacienne Indépendante ».

« Nous avons quatre collections : la fantasy, le fantastique, l’anticipation et la romance paranormale, précise l’infirmière-éditrice. C’est donc de l’évasion, mais nous abordons aussi des thématiques de société : dans l’un de mes romans, par exemple, je parle de l’Ehpad, et en janvier, nous allons sortir un titre sur le deuil périnatal. » Le soin en général et son expérience personnelle en particulier restent donc très présents dans son travail d’éditrice-autrice, qui, en parallèle, continue d’exercer son premier métier. « Je fais des vacations dans un Ehpad en fonction de mes disponibilités », précise-t-elle.

LITTÉRATURE ET SOINS MÊLÉS

Il faut dire que les soins, et plus précisément la gériatrie, restent chevillés au corps d’Élodie. Dès l’âge de 18 ans, une rencontre avec une résidente de l’Ehpad où elle effectuait son premier stage avait décidé de sa vocation. « Je suis entrée dans sa chambre, elle écrivait quelque chose, se souvient-elle, c’était son testament. Elle m’a dit à quel point elle se sentait seule et inutile, et j’ai été touchée par cette dame qui, bien qu’encore autonome physiquement, était dans une véritable détresse psychologique. » De cette rencontre déterminante, la romancière a d’ailleurs tiré la trame de son livre Le Don d’Anoukis. Reste que même si le soin irrigue la littérature d’Élodie, son objectif est d’arrêter d’exercer, ou seulement « une vacation de temps en temps, pour garder le contact avec le métier ». L’Alsacienne sait qu’elle ne s’est pas lancée dans une voie facile, l’édition n’étant pas le secteur économique le plus florissant. Mais elle veut y croire. « Nous publions six ouvrages par an depuis février 2020, chacun d’entre eux étant tiré entre 100 et 300 exemplaires », précise l’éditrice. De « tout petits tirages », mais qui lui permettent de se projeter dans l’avenir.

« Notre planning est plein jusqu’à fin 2023 », annoncet- elle. D’ailleurs, en plus d’Élodie, deux autres infirmières figurent au catalogue. « Un hasard », jure l’éditrice… Précisons cependant, à toutes fins utiles, que l’Alsacienne Indépendante cherche de nouveaux auteurs de science-fiction. Un appel à textes a été lancé et court jusqu’au 15 décembre.

Élodie Morgen, infirmière et fondatrice de la maison d’édition L’Alsacienne Indépendante.