LA PRISE EN CHARGE MÉDICAMENTEUSE À L’HÔPITAL - Ma revue n° 015 du 01/12/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 015 du 01/12/2021

 

JE ME FORME

PHARMACO

Ngoc Vo*   Guillaume Saint-Lorant**  


*interne en pharmacie
**MCU-PH, pharmacie centrale, CHU de Caen (Calvados)

La sécurisation de la prise en charge médicamenteuse est un enjeu majeur de santé publique compte tenu des risques associés aux médicaments. Dans ce processus complexe, l’infirmière occupe une place centrale à chaque étape.

La prise en charge médicamenteuse comprend plusieurs étapes(1) : la prescription, la préparation, la dispensation, l’approvisionnement, le transport, la détention et le stockage, l’administration et la surveillance, jusqu’à l’information du patient.

LA PRESCRIPTION

La prescription d’un médicament(2), après examen du malade, indique lisiblement : les nom, prénom et qualité du prescripteur, sa signature, la date de la prescription, la dénomination du médicament ou le principe actif désigné par sa dénomination commune internationale (DCI), la posologie, la voie d’administration, et, s’il s’agit d’une préparation, la formule détaillée. Les nom et prénom, le sexe, la date de naissance et le poids du patient doivent figurer sur la prescription.

La modification galénique des formes orales sèches, qui comprend l’écrasement d’un comprimé ou l’ouverture d’une gélule, relève d’une prescription médicale écrite et non d’une information orale. Le motif d’écrasement doit être précisé et renseigné sur la prescription(3).

LA DISPENSATION

La dispensation(4) est un acte pharmaceutique qui comprend l’analyse pharmaceutique de la prescription, la préparation des doses à administrer si nécessaire et la mise à disposition des informations et des conseils indispensables au bon usage du médicament. L’analyse pharmaceutique comprend une analyse réglementaire ainsi qu’une analyse pharmaceutique afin de repérer d’éventuels problèmes liés à la thérapeutique (indications, posologie, interactions médicamenteuses, contre-indications, risques d’effets indésirables).

Trois organisations de dispensation coexistent et leurs modalités sont définies par ordre de sécurité (décroissante) :

→ la dispensation nominative : préparés par la pharmacie à usage intérieur (PUI), les médicaments sont délivrés dans l’unité de soins sous la forme de doses unitaires, par patient, correspondant à une période définie (quotidienne, hebdomadaire…) ;

→ la dispensation nominative reglobalisée : les médicaments sont délivrés à une unité de soins de manière globale en fonction des besoins des patients et pour une période donnée, en cohérence avec les prescriptions. Les doses unitaires sont préparées par l’infirmière ;

→ la dispensation globale : une dotation de médicaments est présente en permanence dans l’unité de soins et elle fait l’objet d’une mise à jour régulière.

De fait, la part des événements iatrogènes médicamenteux dans l’iatrogénie varient entre 16 et 38 % pour la dispensation nominative et entre 42 et 58 % pour la dispensation globale(5).

LE TRANSPORT

Dans les structures sanitaires, le transport des produits de santé entre la pharmacie à usage intérieur et les services de soins relève de la responsabilité du pharmacien. Le transport doit s’effectuer « dans des conditions d’hygiène et de sécurité permettant notamment de respecter le maintien des températures pour les produits thermosensibles, de garantir la sécurité par tout système de fermeture approprié, et d’assurer un transport rapide pour les besoins urgents et les produits à faible stabilité(6). »

La réception des produits de santé doit se faire directement par les professionnelles de santé afin de garantir les consignes de sécurité, puis être directement rangés dans les locaux dédiés et sécurisés au sein de leur service.

LA DÉTENTION ET LE STOCKAGE

L’arrêté du 6 avril 2011(6) précise les modalités de détention et de stockage en unité de soins pour les établissements bénéficiant d’une PUI. Le pharmacien et le cadre de santé du service de soins décident conjointement des dispositifs de rangement des médicaments, définissent les procédures relatives aux commandes, à la réception et aux conditions de stockage des produits de santé permettant de sécuriser l’accès. Le médecin responsable de l’unité de soins et le pharmacien déterminent ensemble la dotation de médicaments pour faire face aux besoins urgents.

→ À savoir : il est possible de faire appel à une infirmière désignée par écrit par le responsable du service pour l’établissement des procédures. Elle est aussi consultée pour la dotation de l’unité.

Pour rappel, ce même arrêté indique que les conditions de stockage des médicaments doivent être conformes aux Bonnes pratiques de pharmacie hospitalière (BPPH). Le texte précise également que les médicaments doivent être stockés dans des locaux, armoires ou autres dispositifs de rangement sécurisés, à serrure ou à digicode.

Les médicaments doivent être identifiables jusqu’à leur administration : pour cela, il convient d’utiliser un étiquetage institutionnel et notamment pour les seringues contenant les médicaments injectables. En ce qui concerne les médicaments par voie orale, l’étiquetage du médicament, sur lequel figurent le nom, le dosage et la date de péremption, doit être présent. L’utilisation de médicaments déblistérisés n’est pas recommandée.

Le stockage en unité de soins est un élément important pour la sécurité des patients et notamment pour éviter les confusions entre produits de santé ou leur altération (excursion de température pour les produits thermosensibles, exposition à la lumière de médicaments photosensibles).

LA DISTRIBUTION ET L’ADMINISTRATION

L’administration médicamenteuse, étape à risque d’erreur, nécessite la vérification de l’identité du patient, des traitements à administrer au regard de la prescription médicale, mais également de l’étiquetage, de la date de péremption, de l’aspect et de la voie d’administration. Une étape qui comprend aussi la traçabilité de l’administration et la surveillance du patient. De même, la non-administration d’un produit de santé doit impérativement être renseignée et argumentée dans le dossier patient.

Au moindre doute concernant la prescription, l’infirmière doit la vérifier auprès du médecin prescripteur. Comme le spécifie l’article R 4312-42 du décret n° 2016-1605 du 25 novembre 2016 portant code de déontologie des infirmiers, « l’infirmier […] demande au prescripteur un complément d’information chaque fois qu’il le juge utile, notamment s’il estime être insuffisamment éclairé ». S’il est impossible de faire vérifier la prescription et qu’il existe un risque manifeste et imminent pour la santé du patient, il relève de la responsabilité de la professionnelle de santé d’adopter l’attitude appropriée pour préserver au mieux la santé de la personne prise en charge. L’infirmière ne doit prendre/faire prendre aucun risque injustifié.

Avant toute dispensation du traitement au patient, l’infirmière doit vérifier les éléments suivants :

→ le bon patient : vérification de l’identité avant chaque administration, en demandant au patient, si son état le permet, d’énoncer ses nom, prénom et date de naissance ;

→ le bon médicament : lire attentivement l’étiquette du produit, notamment au moment de la collecte dans le stock du service, lors de la préparation (reconstitution, pilulier), et juste avant son administration ;

→ la bonne dose : vérifier les calculs de dose, questionner le prescripteur ou le pharmacien lorsque la dose prescrite diffère de la posologie habituelle, la dose prescrite doit être adaptée au patient (enfant, personne âgée, femme enceinte, etc.), réaliser une double vérification en cas de doute sur les calculs et systématiquement pour certains médicaments considérés à risque et dans certains secteurs de soins ;

→ la bonne voie : s’assurer d’utiliser la voie prescrite, que celle-ci est appropriée et sécurisée, demander confirmation pour certaines voies très à risque (intrathécale, en particulier) ;

→ le bon moment : l’administration est faite au bon moment, c’est-à-dire selon les besoins du patient et selon les contraintes pharmacocinétiques propres à chaque médicament.

L’administration de médicaments étant un acte encadré légalement, il ne peut être effectué que par un professionnel de santé autorisé. Si, de façon majoritaire, c’est l’infirmière qui est en charge de cet acte, il est toutefois possible d’organiser une collaboration pour l’administration de médicaments. En effet, selon l’article R 4312-31 du Code de la santé publique, l’infirmière peut, sous sa responsabilité, assurer ses missions avec la collaboration d’aides-soignantes, d’auxiliaires de puériculture ou d’accompagnants éducatifs et sociaux qu’elle encadre et dans les limites respectives de la qualification reconnue à chacun du fait de sa formation. Ainsi, sous la responsabilité de l’infirmière et en sa présence, l’administration de médicaments est possible par ces professionnels en établissement ou en service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social. Les étudiants se préparant au diplôme d’État d’infirmier peuvent exercer la profession d’infirmière « dans les établissements et centres de santé ou les établissements et services médico-sociaux, les structures de soins ambulatoires et les cabinets libéraux agréés pour l’accomplissement des stages. Les étudiants et apprentis peuvent réaliser personnellement des actes dans chaque lieu de stage, sous la responsabilité d’un infirmier diplômé(7). »

L’aide à la prise des traitements peut être un mode d’accompagnement du patient dans les actes de la vie quotidienne, dans le cas où celui-ci n’a pas l’autonomie suffisante pour les prendre seul. L’aide à la prise est autorisée dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Elle peut « être assurée par toute personne chargée de l’aide aux actes de la vie courante dès lors que, compte tenu de la nature du médicament, le mode de prise ne présente ni difficulté d’administration ni d’apprentissage particulier(8). »

Dans le cadre d’une hospitalisation à domicile (HAD), l’administration peut être assurée par les infirmières, le patient ou l’entourage de celui-ci. L’administration par le personnel défini réglementairement s’effectue selon les mêmes conditions qu’en hôpital. Lorsque le patient ou son entourage doit assurer la prise, il est impératif que l’infirmière vérifie la prise effective et en assure la traçabilité dans le dossier de soins(9).

LA GESTION DU TRAITEMENT PERSONNEL

En structure de soins, la gestion du traitement personnel des patients doit être définie « afin d’assurer la continuité des soins et garantir la sécurité du patient(6). » Dans ce cadre, des recommandations régionales peuvent être émises par les Observatoires du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (Omedit), sinon, une procédure institutionnelle est établie pour encadrer cette gestion.

D’un point de vue réglementaire, le traitement personnel ne doit pas être mis ou laissé à disposition du patient en l’absence d’accord écrit des médecins prescripteurs. Une gestion autonome du patient, notamment pour des traitements chroniques, peut être accordée.

Les médicaments dont le patient dispose à son admission à l’hôpital sont récupérés par les soignants(10). Ils doivent être identifiés et étiquetés au nom du patient et conservés dans un local dédié et sécurisé jusqu’à la fin du séjour. Si ces traitements sont des médicaments stupéfiants, ils devront être stockés dans le coffre de l’armoire du service à part des stupéfiants du service, dans un contenant tracé nominativement.

L’ensemble du traitement du patient doit être réévalué par le médecin. Lorsqu’un traitement n’est pas disponible au livret thérapeutique, les alternatives pouvant être proposées par les pharmaciens doivent être réévaluées. En aucun cas il ne peut être demandé aux familles de se procurer un médicament en officine de ville : une personne hospitalisée est intégralement prise en charge par l’hôpital dans le cadre d’un groupe homogène de séjours (GHS) avec un tarif de prestation pris en charge par l’Assurance maladie.

À la sortie du patient, le traitement personnel toujours prescrit doit lui être remis ou confié à un tiers, tout en s’assurant que celui-ci concorde avec l’ordonnance de sortie.

RÉFÉRENCES

  • 1. Saint-Lorant G., « L’infirmière et l’administration des médicaments : quels enjeux ? », La revue de l’infirmière, février 2017;228(66):45-6. En ligne sur : bit.ly/3r23oib
  • 2. Article R 5132-3 du Code de la santé publique.
  • 3. Haute Autorité de santé, « Outils de sécurisation et d’auto-évaluation de l’administration des médicaments », mai 2013. En ligne sur : bit.ly/3FLuGgV
  • 4. Article R 4235-48 du Code de la santé publique.
  • 5. Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), « Sécuriser la prise en charge médicamenteuse du patient - La délivrance nominative des médicaments dans les établissements de santé », novembre 2012. En ligne sur : bit.ly/3r13O8k
  • 6. Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé.
  • 7. Article L 4311-12 du Code de la santé publique.
  • 8. Article L 313-26 du Code de l’action sociale et des familles.
  • 9. Haute Autorité de santé, « L’administration des médicaments en hospitalisation à domicile (HAD) », mai 2013. En ligne sur : bit.ly/32gJlC2
  • 10. Arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation et à l’administration des médicaments dans les établissements de santé.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt

En ambulatoire

Le processus de prise en charge médicamenteuse est similaire à l’hôpital et en ambulatoire. Toutefois, la prise en charge des patients en ambulatoire nécessite une coordination importante afin de sécuriser les différentes étapes du processus de prise en charge médicamenteuse. En effet, l’administration par une infirmière à domicile doit s’effectuer au regard de l’ordonnance, nécessitant dès lors d’obtenir les prescriptions ainsi que leurs mises à jour. De même, il est nécessaire de s’assurer de posséder l’ensemble des traitements à administrer. Pour rappel, les médicaments prescrits peuvent être dispensés en ville ou en pharmacie hospitalière pour les médicaments rétrocédables.

Vigilance

Pour éviter les erreurs lors de la préparation du médicament :

- réaliser une seule préparation à la fois pour un patient donné ;

- éviter toute interruption durant la préparation : des moyens visuels peuvent être utilisés pour alerter l’entourage, comme le port d’un gilet jaune pendant la préparation, avec la mention « Ne pas déranger, merci » ;

- autant que possible, l’infirmière qui prépare est celle qui administre.

En cas d’interruption de tâche, la préparation doit impérativement être recommencée.

Source : Haute Autorité de santé, « Outils de sécurisation et d’auto-évaluation de l’administration des médicaments », mai 2013.