L'infirmière n° 015 du 01/12/2021

 

ÉDITO

Hélène Trappo  

Rédactrice en chef de L’INFIRMIÈR.E

Colère, désillusions, frustrations mais aussi détermination, enthousiasme, espoir… La profession infirmière est traversée par des sentiments multiples et des courants contraires en cette fin d’année. Côté sombre, on pourrait égrener la kyrielle de mécontentements alimentés par un système de santé qui craque de toutes parts. S’il ne fallait citer qu’un domaine en souffrance, ce serait la pédiatrie qui « était le dernier maillon » et qui « a sauté », exprime Fabienne Eymard, cadre de santé puéricultrice à l’hôpital de la Timone, à Marseille (lire l’article page 14), alors que le secteur parvenait encore, il y a peu, à retenir les soignantes.

Pour la détermination, la palme revient aux Iade – à l’heure où nous mettons sous presse –, largement mobilisées depuis début novembre pour défendre leur salaire et leur statut de « praticien avancé », pas prêtes à lâcher prise. L’enthousiasme, il était bien perceptible au détour des interventions des professionnelles au Salon infirmier qui s’est déroulé en novembre. Car si les désaffections sont réelles, les infirmières sont aussi pour une bonne part d’entre elles toujours passionnées par leur métier. « Je ne suis toujours pas lassée ni en burn-out », lançait la présidente de l’Association nationale française des infirmiers et infirmières diplômés et étudiants, Brigitte Lecointre, lors d’une conférence à propos de la santé des infirmières. Cela a fait du bien de l’entendre. Aurélie Pourrez, infirmière et maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication, a partagé son goût pour la recherche à travers laquelle on peut à la fois « se faire plaisir » et « valoriser la profession ». De son côté, Dominique Jakovenko, Idel, a, lui, témoigné de l’opportunité d’exercer autrement grâce à des expérimentations type « article 51 » du PLFSS 2018. Ainsi, le dispositif Équilibre permet un travail en équipe et, grâce à une rémunération au temps passé, d’organiser une prise en charge globale, au plus près des besoins du patient (voire de l’aidant). Et il semble que les professionnelles de santé qui ont goûté à cette forme d’exercice, plus souple, ne sont, pour rien au monde, prêtes à faire marche arrière. Preuve que le système actuel nécessite d’être repensé à l’aune de la réalité du terrain. Une réalité exacerbée par la pandémie durant laquelle les Idels, comme c’est le cas d’autres soignantes, sont bien souvent « hors champs ».

L’espoir, cela peut être la perspective d’une refonte du métier annoncée comme « l’une des grandes orientations » pour 2022, par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Gageons que le projet ne sera pas mis en sommeil par la reprise de l’épidémie et les échéances électorales à venir. Le bon moment pour investir la sphère politique ? « Reste à savoir quels changements nous voulons. Il faut penser global, intersectoriel et multidisciplinaire, sans quoi nous en serons toujours au même point dans dix ans », a lancé Brigitte Lecointre, au Salon infirmier, suggérant « l’organisation d’Assises, à l’exemple de la psychiatrie ». Un moyen « d’instaurer un dialogue susceptible d’influer sur le politique ». Et si cela ne marche pas ? « Pourquoi pas un référendum national comme en Suisse ? » Tout un programme !