L'infirmière n° 015 du 01/12/2021

 

DÉLÉGATION DE TÂCHES

JE DÉCRYPTE

ÉVÉNEMENT

Laure Martin  

Initiés par la loi Santé de 2009 avant d’être rénovés et simplifiés en 2019, les protocoles de coopération entre les professionnels de santé concernent directement les infirmières. La DGOS a d’ailleurs fait un point d’étape le 9 novembre, à l’occasion du Salon infirmier, à Paris.

La coopération entre professionnels de santé contribue à élargir l’offre de soins dispensés et réduire les délais d’accès à une prise en charge, donc à améliorer les parcours de santé. Comment ? En déléguant à des paramédicales certaines activités jusqu’alors pratiquées uniquement par des médecins. L’objectif étant d’offrir aux premières des possibilités en termes d’attractivité et d’évolution de leur profession, des perspecti ves de carrière et de compétences accrues tout en permettant aux seconds de se concentrer sur leur plusvalue. Le dispositif réglementaire a été créé par la loi Santé de 2009, avant d’être rénové par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé « pour permettre son dévelop pement accru », a fait savoir Brigitte Feuillebois, conseillère experte sur l’exercice des professions paramédicales à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), lors du Salon infirmier.

DEUX PILIERS DE COOPÉRATION

Depuis 2019, le dispositif rénové, piloté par le Comité national des coopérations interprofessionnelles(1), permet aux professionnels de santé d’être impliqués dans des protocoles de coopération, valorisés financièrement, à deux niveaux. Tout d’abord dans le cadre de protocoles nationaux répondant à des objectifs de santé publique rédigés par des équipes projets et sélectionnés après un appel à manifestation d’intérêt (AMI). « Environ quatre à cinq protocoles par an sont autorisés par arrêté ministériel », a expliqué Brigitte Feuillebois.

Après un AMI, une équipe de volontaires se fait connaître. La version définitive du protocole est alors transmise à la Haute Autorité de santé (HAS), qui se prononce sur sa faisabilité. Après accord de celleci, la publication d’un arrêté permet au protocole d’être disponible pour l’ensemble des professionnels concernés, qui doivent individuellement se déclarer en ligne. Une dizaine d’AMI ont été lancés en 2020 et 2021(2), et un premier protocole national vient d’être publié, lequel prévoit dix délégations de tâches dans le cadre d’une consultation de santé sexuelle effectuée par une infirmière(3). En incluant ceux mis en place dans le cadre de la loi hôpital, patients, santé, territoire (HPST), 60 protocoles nationaux sont à ce jour en cours, dont 45 concernent les personnels infirmiers, 37 uniquement des établissements de santé et 18 l’exercice en ville.

En parallèle, des protocoles locaux peuvent émerger à l’initiative d’équipes professionnelles en établissement de santé, d’équipes médicosociales ou de professionnels en exercice coordonné en ville, à leur seul usage et sans validation préalable de la HAS. L’activité doit aussi être déclarée en ligne, permettant à l’Agence régionale de santé d’être informée des équipes qui vont la réaliser. À noter que les coopérations peuvent être suspendues si les exigences de sécurité ne sont pas respectées ou en cas d’événement indésirable grave.

ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES INFIRMIÈRES

Si le champ de la coopération reste dérogatoire, ces protocoles permettent toutefois de mettre en valeur des exercices infirmiers, d’autant qu’en aucun cas « les protocoles de coopération ne doivent être considérés comme des expérimentations, indique le Dr Michel VarroudVial, conseiller médical auprès de la DGOS pour la coopération interprofessionnelle. La délégation est actée. » Plusieurs champs s’appliquent aux infirmières. Tout d’abord avec des délégations de compétences à celles exerçant dans des structures spécifiques (prélèvements de tissus sur personnes décédées en établissements autorisés, bilan de santé en école maternelle). Les protocoles permettent, par ailleurs, une mise en visibilité et une consolidation d’actes ou de prises en charge déjà confiés aux IDE dans les établissements de santé hors décret de compétences, comme le suivi de personnes diabétiques traitées par insuline, l’enregistrement d’échographie cardiaque, la pose de voie veineuse centrale. En outre se déploient des délégations pour la prise en charge de patients en structures d’exercice coordonnée avec un nouveau rôle pour les Idels via des protocoles de soins non programmés (angine, cystite, varicelle). Enfin, ils permettent de contribuer à l’évolution des compétences infirmières réglementaires avec l’ablation des drains de Redon ou encore la lecture de test tuberculinique.

RÉFÉRENCES

1. Ce comité est composé de membres appartenant au ministère de la Santé, à la Caisse nationale de l’Assurance maladie, à la Haute Autorité de santé et aux agences régionales de santé, en association avec les Conseils nationaux professionnels et les différents Ordres.

2. Ministère des Solidarités et de la Santé, « Appels à manifestation d’intérêt », mis à jour le 29/10/2021. En ligne sur : bit.ly/2YUuXyc

3. Arrêté du 29 octobre 2021 relatif à l’autorisation du protocole de coopération « Consultation de santé sexuelle par l’infirmier ou l’infirmière en centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD), centre de planification et d’éducation familiale (CPEF) et centre de santé sexuelle, en lieu et place du médecin ». En ligne sur : bit.ly/3oCaMhf