QUAND L’IDEL CÉDE SA PATIENTÈLE
ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE
J’EXERCE EN LIBÉRAL
RÉGLEMENTATION
À tout moment dans sa carrière, une Idel peut décider de mettre un terme à son activité. Elle peut alors céder sa patientèle, à condition de respecter certaines règles. Revue de détail.
La cession de la patientèle du cabinet infirmier entre dans le cadre de la cession du « fonds libéral » de l’Idel. Ce fonds est composé de biens corporels et de bien incorporels. Il comprend la patientèle, le matériel et le local professionnel. En décidant de vendre ce fonds, l’Idel transfère la propriété de son cabinet à l’acquéreur. À l’origine, un professionnel libéral ne pouvait pas céder sa patientèle à un successeur. Mais un arrêt du 7 novembre 2000 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation a fait évoluer la pratique : « Si la cession de la clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite, c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient » (JurisData n° 2000-006729).
Pour céder sa patientèle, l’Idel a le choix entre deux possibilités :
La cession totale. Elle concerne la cession des éléments corporels, autrement dit tout ce qui permet l’exercice professionnel (mobilier, instruments, documents utiles à l’exploitation du cabinet, etc.) et la cession des éléments incorporels (intégralité de la patientèle, droit au bail, lignes téléphoniques…).
La cession partielle. Elle ne concerne que certains éléments attachés au fonds et qu’une partie de la patientèle. Le contrat conclu entre les deux parties doit donc spécifier le pourcentage de patientèle cédé. Dans le cas où le cédant exerce avec d’autres Idels, mieux vaut alors préciser le pourcentage que la patientèle cédée représente au regard de l’ensemble de la patientèle des soignantes exerçant en commun.
Pour que la cession et l’exercice de la future propriétaire se déroulent dans les meilleures conditions, certaines obligations doivent être respectées.
Si l’Idel cédant son cabinet travaille avec d’autres infirmières dans le cadre d’un exercice commun, l’acquéreur doit préalablement s’assurer que le contrat d’exercice ne prévoit pas, pour la reprise, une clause de préférence pour une ou plusieurs des consœurs. Si ce contrat préexiste à la cession du fonds, obtenir l’accord de toutes les Idels associées pour la cession permet de s’assurer d’une meilleure ambiance de travail pour la suite de l’exercice. Comme le précise l’Ordre national des infirmiers (Oni), ce contrat d’exercice en commun doit en principe prévoir qu’en cas de refus de la vente par les associées, celles-ci s’engagent à acquérir la patientèle selon les mêmes modalités, notamment financières, ou à trouver un cessionnaire qui achètera selon les mêmes modalités. En revanche, si le contrat ne prévoit pas la nécessité de solliciter l’agrément des associées, ces dernières ne peuvent pas s’opposer à la transaction. Attention toutefois car d’un point de vue déontologique, ne pas leur demander leur avis peut constituer un manquement au devoir de bonne confraternité.
En cas de cession partielle, si l’Idel cédant son fonds libéral exerce seule, et que les deux infirmières prévoient d’exercer ensemble sur une même patientèle, un contrat d’exercice en commun doit être conclu avec l’acquéreur en plus du contrat de cession partielle car ce dernier ne régit pas les relations de travail entre les professionnelles de santé. En revanche, le contrat d’exercice en commun établit les modalités de cession, le sort de la patientèle en cas de décès ou de séparation, ou encore les conditions d’exercice comme l’établissement du planning.
Le prix de cession de la patientèle est déterminé librement entre les deux parties. Selon l’usage, la valeur de la patientèle est estimée entre 20 et 40 % du chiffre d’affaires moyen des trois dernières années d’exercice du cédant, et non du cabinet. Mais d’autres critères peuvent influencer le prix : l’emplacement du cabinet, les possibilités de développement, l’ancienneté de la patientèle, la diversité des soins et des cas pris en charge, et la situation concurrentielle. S’ajoute à cette somme le coût du matériel. Avant de s’entendre sur un prix, l’acquéreur peut demander à vérifier certains documents permettant de définir le montant le plus juste. Il peut ainsi exiger l’accès à la déclaration 2035 des trois dernières années, au relevé du Système national inter-régimes (Snir) communiqué par la Cpam qui récapitule les honoraires perçus par l’Idel pour l’année écoulée, et au Relevé individuel des activités précisant la nature des actes effectués, les prescriptions, les patients et le coût total de l’activité.
→ Point d’attention : l’ordre infirmier est parfois questionné sur la cession de patientèle à titre gratuit. Il déconseille ce type d’acquisition car fiscalement, cela s’apparente à une donation entre tiers. Dans ce cas, les droits de mutation sont de 60 % de la valeur de la patientèle, ce qui ne serait pas avantageux.
Chacune des parties dispose d’une liberté contractuelle dans la rédaction de l’acte de cession, également connu sous le terme de contrat de présentation. La cession de patientèle peut se faire sous la forme d’un acte sous seing privé, qui n’a pas à être établi par un professionnel du droit. Il existe, sur le site de l’Ordre national des infirmiers, des modèles de contrat de cession, ainsi qu’un contrat type commenté sur lequel les Idels peuvent s’appuyer pour établir le leur. Il est aussi possible de l’envoyer pour avis à l’Ordre départemental avant signature.
Un certain nombre d’éléments doivent apparaître dans le contrat et chacune des parties est soumise à plusieurs obligations.
Pour la vendeuse :
→ informer sa patientèle de la passation et présenter son successeur ;
→ remettre son fichier patientèle en totalité ;
→ présenter son successeur à son réseau professionnel : médecins, pharmaciens, réseaux de soins, prestataires de services, etc. ;
→ remettre le droit au bail ;
→ céder le matériel du cabinet ;
→ respecter la clause de non-concurrence : clause de non-réinstallation dans un secteur géographique donné sur une période comprise entre deux et cinq ans ;
→ faire paraître une ou deux annonces dans la presse locale pour prévenir de son départ et de la cessation.
→ Pour la cessionnaire : verser le montant prévu par le contrat ; procéder au règlement des droits d’enregistrement de l’acte de cession auprès des impôts ; régler les frais de rédaction d’actes.
Pour gérer les questions délicates liées à la cession du cabinet, par exemple pour estimer la valeur de la patientèle ou transmettre les contrats, il est toujours possible de faire appel à un spécialiste du droit. Ce dernier peut ainsi veiller à éviter les litiges futurs, notamment en faisant en sorte que le contrat signé corresponde bien aux attentes de chacune des parties.
Une fois la cession réalisée, plusieurs démarches doivent être entreprises. Tout d’abord, l’information à l’administration fiscale par le cédant. En effet, l’article 202 du Code général des impôts prévoit que les contribuables doivent, dans un délai de soixante jours, aviser l’administration de la cessation et lui faire connaître la date à laquelle elle a été ou sera effective, ainsi que, s’il y a lieu, les nom, prénom et adresse du successeur.
Il est également impératif d’enregistrer le contrat auprès du service des impôts du lieu du fonds libéral cédé. L’imprimé Cerfa n° 2672 est disponible à cet effet. L’enregistrement doit être effectué dans un délai de trente jours à compter de la date de la signature du contrat de cession. Les formalités et frais liés à l’enregistrement sont à la charge de la cessionnaire.
Conformément à l’article L 4113-9 du Code de la santé publique, le contrat de cession est transmis par les deux parties au Conseil départemental de l’ordre des infirmiers du tableau auquel elles sont inscrites et ce, dans un délai d’un mois à compter de la signature.
Une fois d’accord, cédant et cessionnaire ont la possibilité de conclure une promesse de cession. Cette dernière doit indiquer :
• l’identité des deux parties impliquées ;
• le prix de la patientèle incluant celui du matériel ;
• la date de la signature définitive de la cession ;
• les modalités de règlement ;
• le montant de l’indemnité en cas de désistement de l’une ou de l’autre des parties.