L'infirmière n° 015 du 01/12/2021

 

AMÉNAGEMENT DES LOCAUX

J’EXERCE EN LIBÉRAL

ORGANISATION

Laure Martin  

Pour exercer en libéral, les Idels ont l’obligation de disposer d’un cabinet où recevoir leurs patients. Ensuite, tout est question d’aménagement pour en faire un lieu agréable, en respectant les obligations légales en termes d’hygiène.

Dans le cadre de leur exercice professionnel, les Idels doivent disposer d’un espace dédié, d’une installation adaptée et de moyens techniques suffisants pour assurer l’accueil, la bonne exécution des soins et la sécurité des patients(1). Ce lieu doit permettre d’offrir un espace de parole neutre et bienveillant, mais aussi d’assurer une qualité des soins essentielle à un bon exercice.

PRIORITÉ À L’HYGIÈNE

D’après le guide de la Haute autorité de santé (HAS) « Hygiène et prévention du risque infectieux en cabinet médical ou paramédical(2) », un cabinet doit toujours disposer d’un accueil physique avec une salle d’attente, d’une salle de soins distincte et dotée d’un point d’eau pour pouvoir se laver les mains, d’un local dédié au nettoyage du matériel, d’un local sécurisé pour les Déchets d’activités de soins à risques infectieux (Dasri) et assimilés, et de toilettes avec un point d’eau. Ainsi, pour l’organisation et l’aménagement de son cabinet, la professionnelle doit prioriser l’hygiène. Le niveau requis est à adapter selon la fonction de la pièce, les actes pratiqués, et le respect des circuits logistiques propres et sales, ce qui implique une séparation entre les zones exposées à la contamination et les zones dites propres (voir l’exemple d’aménagement du cabinet p. 58). « Il n’est pas toujours évident de disposer de l’espace nécessaire. Néanmoins, la réglementation doit être respectée pour la sécurité des patients », indique Céline Poulain, cadre supérieure de santé hygiéniste au sein du Centre de prévention des infections liées aux soins (CPias) Pays de la Loire.

D’ailleurs, le regroupement des Idels réduit ces problématiques d’agencement puisqu’elles peuvent de plus en plus accéder à des cabinets plus grands avec une architecture et des matériaux plus récents, facilitant dès lors le nettoyage et la désinfection et ce, toujours dans l’optique de prévenir le risque infectieux. L’intégralité du cabinet infirmier doit d’ailleurs être ventilée. Il doit, a minima, être équipé d’une fenêtre ou d’une ventilation mécanique contrôlée (VMC). « Le taux de renouvellement de l’air est imposé en raison de l’activité menée dans la structure et du nombre de personnes accueillies », indique l’hygiéniste.

AMBIANCE COCOONING

Attention toutefois : l’organisation du cabinet ne s’arrête pas au respect des normes. L’Idel doit prêter une attention particulière à l’ambiance au sein de sa structure. Et là aussi, il est conseillé de faire une distinction entre les différentes zones du cabinet, notamment entre celles d’accueil et d’attente, et celle d’activité professionnelle, ne serait-ce que pour une bonne compréhension de l’organisation par les patients. Le cabinet est généralement le reflet de la personnalité de la professionnelle de santé. « C’est d’elle que découle l’atmosphère du cabinet, explique Véronique Bagneaux, directrice de l’agence d’architecture d’intérieur Copernic, à Annecy (Haute-Savoie), spécialisée notamment dans l’aménagement des cabinets des professionnels de santé. C’est toujours le client qui va donner la tendance, nous n’allons pas décider pour lui, même si nous pouvons faire des suggestions. »

Dans la partie “attente” du cabinet, il est opportun de proposer une ambiance “cocooning”, rassurante, dans laquelle le patient va se sentir tranquillisé. « Pour obtenir un tel rendu, la professionnelle peut privilégier les formes arrondies pour les meubles, des matériaux et des couleurs naturelles, neutres et douces, comme le bois », conseille l’architecte. Et d’ajouter : « Les soignantes ont conscience de l’importance de cet aspect “bien-être” dans l’accueil. » De même, la taille de cet espace doit être proportionnelle à la moyenne du nombre de patients reçus.

Côté “salle de soins”, en revanche, les notions de clinique et de médical doivent générer un sentiment de rigueur et d’hygiène. « L’ambiance doit donc être différente, soutient Véronique Bagneaux. Cela se remarque assez naturellement à l’attitude des patients, qui vont généralement être plus discrets en pénétrant dans la zone de soins. » Les couleurs froides et les formes carrées sont à privilégier. Il peut également être judicieux de prévoir une zone de déshabillage séparée par un rideau ou un paravent, avec une chaise et un portemanteau. Cet ensemble doit être isolé phonétiquement ou, a minima, éloigné de la salle d’attente afin de respecter le secret médical.

DU CÔTÉ DES STRUCTURES REGROUPÉES

Dans une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), la démarche est identique. « L’harmonie doit être globale et le choix des matériaux permet d’atteindre cet objectif, indique Véronique Bagneaux. Néanmoins, dans chaque cabinet, le patient doit entrer dans un nouveau lieu. Il est donc important que chacune des pièces soit différente, avec des couleurs qui vont définir la personnalité de chaque praticien. » Et de poursuivre : « Nous allons donc disposer d’un code couleur de base, qui a été pensé par l’équipe, et allons ensuite prendre rendez-vous avec chacun des professionnels de la structure ainsi qu’avec les revendeurs de matériel pour établir un cahier des charges propres à chacun d’eux. » L’architecte a également vocation à travailler sur l’ergonomie de l’environnement de travail. « Pièce par pièce, nous veillons à ce que l’usage du mobilier et du matériel soit fonctionnel, fait savoir la spécialiste. Par exemple, nous allons faire attention au positionnement de l’ordinateur par rapport à la confidentialité des données, nous allons optimiser au maximum l’activité du soignant dans sa gestuelle. Nous ne plaçons pas un meuble à droite ou à gauche au hasard. »

UN LIEU D’INFORMATION

Le cabinet infirmier est aussi un lieu pour diffuser des messages de santé publique. Grandes causes nationales, dépistages … des affiches peuvent être apposées sur les murs pour informer les patients des différentes actions de prévention. Il est aussi possible « d’installer un écran de télévision afin de transmettre des messages de santé publique, conseille Céline Poulain. C’est d’ailleurs plus respectueux des normes d’hygiènes, les magazines étant interdits depuis la crise sanitaire. » Le Comité régional d’éducation pour la santé (Cres) Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) l’a bien compris. « Nous avons de nombreuses missions, notamment accompagner les politiques en santé publique dans la région », indique Zeina Mansour, directrice du centre de ressources. Dans le cadre d’un projet expérimental financé par le Conseil régional Paca, le Cres a lancé le site Internet www.enpatientant.fr. Son objectif est de sensibiliser l’usager, en salle d’attente, à l’importance de la prévention, de lui faire prendre conscience d’un éventuel besoin personnel et de l’aider à en parler avec les soignants. Ce site compile des ressources de prévention grand public organisées en trois rubriques : « Je m’informe », « Je joue », « Je me teste ». Afin de le rendre accessible, la promotion a été assurée dans les salles d’attente de six maisons de santé de la région. Le site est cependant consultable librement. « Notre souhait est de faire en sorte que le patient soit actif dans ce repérage et de favoriser la proximité immédiate avec un soignant au cas où il aurait des questions à lui poser », rapporte Zeina Mansour. Une application dédiée, « En patientant, j’en apprends plus sur les cancers » a par ailleurs été développée avec l’Institut national du cancer (INCa). « Lorsque l’on sait que la personne attend, il est important de mettre ce temps à profit et faire passer des messages de santé publique », soutient-elle, précisant qu’il ne faut pas pour autant exagérer afin d’éviter que le message se disperse. On veillera, par exemple, à ne pas surcharger les murs, à renouveler régulièrement l’affichage, en rebondissant notamment sur les campagnes nationales. Le choix des thématiques peut aussi tenir compte du profil de la patientèle(3). Toute structure peut solliciter le Cres Paca pour avoir accès aux affiches informant de l’existence de ce site Internet et ainsi les accrocher dans la salle d’attente. « Nous restons aussi ouverts aux sollicitations pour adapter notre outil aux différents modes d’exercice, notamment au libéral », conclut la directrice du centre de ressources.

RÉFÉRENCES

Notes

1. Article 33 du décret n° 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières.

2. HAS, Recommandations professionnelles « Hygiène et prévention du risque infectieux en cabinet médical ou paramédical », juin 2007. En ligne sur : bit.ly/3CnLZTL

3. Cultures & Santé, Fiche Lisa 5, « Comment rendre un lieu d’accueil favorable à l’exercice de la littératie en santé ? ». À télécharger sur : bit.ly/3bdikRi

Autre source

• Centre de prévention des infections liées aux soins (CPias) Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, « Entretien des locaux dans les établissements de santé et établissements médico-sociaux. Recommandations de bonnes pratiques », novembre 2017. En ligne sur : bit.ly/3pHDuiN

À savoir

L’accessibilité du cabinet infirmier aux personnes en situation de handicap relève d’une obligation légale. L’accès concerne tout type de handicap, qu’il soit moteur, visuel, auditif ou mental. Les personnes handicapées doivent pouvoir circuler avec la plus grande autonomie possible, accéder aux locaux et aux équipements, les utiliser, se repérer mais aussi communiquer.

Une salle d’attente de 32 m2 « cocooning »

Jean-Pierre Doussot est infirmier libéral à Donnemarie-Dontilly (Seine-et-Marne). Après plusieurs années d’expérience en libéral et de tournées, il décide progressivement d’inverser la tendance et d’encourager les patients à venir à son cabinet lorsqu’ils ont la possibilité de se déplacer. Mais pour y parvenir, cela implique d’avoir de l’espace, « afin qu’ils s’y sentent à l’aise », explique-t-il. Il y a quinze ans, il décide d’acheter un bâtiment à l’abandon pour le restaurer dans l’idée d’en faire un cabinet de soins. « Je voulais disposer d’espace et d’une zone de stationnement pour réunir toutes les conditions pour faire venir mes patients au cabinet », fait-il savoir. En dehors de la pose de l’escalier, des fenêtres et du chauffage, Jean-Pierre Doussot a effectué les travaux lui-même, pendant environ trois ans. Aujourd’hui, il a un cabinet d’un peu plus de 60 m2. La salle d’attente de 32 m2 a été pensée dans un esprit « cocooning ». « Les couleurs sont douces et il y a une cheminée, qui ne fonctionne pas pour des raisons de sécurité, mais qui donne l’impression d’être à la maison et non dans un cabinet d’infirmier libéral », se félicite-t-il. Dans la salle de soins, d’également 32 m2, les couleurs sont plus vives : du rouge, du jaune et un peu de gris. « L’ambiance est différente et c’est tout à fait volontaire, explique-t-il. Comme il s’agit de la pièce où l’on travaille, il faut que l’endroit soit tonique. » Jean-Pierre Doussot dispose également d’une pièce pour les Dasri et d’une réserve pour le matériel. Le bâtiment est aussi aux normes handicap avec une salle de soins qui dispose d’une entrée depuis l’intérieur de la structure ainsi qu’à l’extérieur, sans marche.

LE CARNET DE BORD DE MARIE-CLAUDE DAYDÉ, infirmière libérale

[Cotation]

Chez un patient à domicile, la prescription comprend la réalisation d’un pansement d’ulcère étendu, pour lequel il faut anticiper la douleur par une crème analgésique, et une injection de Zoladex en sous-cutané. Quelles cotations retenir pour l’ensemble de ces actes réalisés en deux temps ?

L’acte d’anticipation de la douleur induite par analgésie topique (cotable pour un pansement d’ulcère ou d’escarre) est coté AMI 1,1 et comprend l’ablation du pansement, l’application du produit et la mise en attente du soin. Dans le premier temps, l’injection de l’implant sous cutané pourra être réalisée, ainsi que l’antalgie topique, soit AMI 2,5 + AMI 1,1/2 + déplacement. En effet, il est préférable de coter cet acte d’analgésie en tant que deuxième acte puisqu’en application de l’article 11B de la NGAP, en tant que deuxième acte durant la même séance, il ne peut être coté qu’à 50 % de sa valeur. Sans oublier qu’avant l’injection de l’implant, il faut s’assurer que l’implant est visible dans la fenêtre de la seringue. Dans un second temps, c’est la cotation du pansement d’ulcère étendu qui va s’appliquer, soit AMI 4 + MCI + déplacement puisqu’il s’agit d’un pansement lourd et complexe (article 3 chapitre 1 de la NGAP).

[À propos de…]

« VIRAGE AMBULATOIRE »

Ces dernières années, différentes lois relatives à l’évolution du système de santé préconisent de réduire la durée des hospitalisations, de privilégier l’ambulatoire et le retour précoce au domicile, pour préserver la qualité de vie des patients et améliorer l’efficience des recours à l’hospitalisation. L’Assurance maladie a mis en place pour cela divers programmes de retour à domicile (Prado). Un conseiller de l’Assurance maladie prend contact avec les soignants qui vont suivre le patient à domicile. Ainsi, madame P., opérée d’un pied, bénéficie de ce service pour le recours à une infirmière mais personne pour aller à la pharmacie alors qu’elle ne peut se déplacer !

En juin 2021, le Haut Conseil en santé publique, dans son rapport « Virage ambulatoire pour un développement sécurisé », préconisait de réglementer la transmission des informations de sécurité à tous les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge immédiate du patient lors de sa sortie d’hospitalisation. Il est important aussi de s’enquérir du mode vie des personnes car elles sont de plus en plus nombreuses à vivre seules et sans aide familiale à proximité.