L'infirmière n° 017 du 01/02/2022

 

ÉDITO

Hélène Trappo  

Rédactrice en chef de L’INFIRMIÈR.E

Les infirmières peuvent-elles encore croire à un miracle ? Ce miracle consisterait à obtenir enfin des politiques une réelle prise en compte des maux dont souffrent la profession et le système de santé en général, des attentes et des espoirs. Un changement radical. Pas une semaine sans qu’une tribune ou une enquête ne dénonce la lassitude, la désillusion, la dégradation des conditions de travail et la perte de repères, les démissions. Ou encore la pénurie de soignants, la désertification de la carte sanitaire, les faiblesses dans l’organisation des soins entre la ville et l’hôpital, etc.

Dernièrement, l’Ordre national des infirmiers en remettait une couche avec les résultats de sa dernière consultation menée auprès de 60 000 infirmières, du 10 au 15 décembre 2021, dont on retiendra un seul chiffre : 85 % d’entre elles jugent leurs conditions de travail dégradées depuis le début de la crise sanitaire. Un chiffre qui fait écho à une tribune publiée le 8 janvier dernier sur France Info par les membres démissionnaires de l’Observatoire de la qua lité de vie au travail(1), dénonçant l’inertie gouvernementale dans la mise en œuvre de leurs préconisations. Comme le rappelle Philippe Colombat, « il ne s’agit pas d’augmenter les salaires, mais de donner des postes, diminuer la charge de travail et améliorer la qualité de vie au travail ». Il est d’autant plus nécessaire de le marteler que nombre de rapports et d’enquê tes bien avant la pandémie « alertaient sur les risques avérés pour la santé des professionnels et des patients de la dégradation des conditions de travail ». Une dégradation sur laquelle viennent se greffer les tensions actuelles. Il y a de quoi fortement inquiéter… Car outre les désaffections individuelles qu’elles suscitent, elles en viennent aussi à dégrader le collectif. La Conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers en appelait mi-janvier, dans un communiqué, à « un sursaut » de tous face à une détérioration du climat dans le secteur hospitalier, marquée par une montée des violences des patients envers les soignants mais aussi entre les personnels soignants, administratifs, médicaux, etc.

Les remèdes sont pourtant connus : mieux intégrer les soignants aux processus de décision, mettre les moyens dans le déploiement des infirmières en prati que avancée (lire l’article p. 11), reconnaître les compétences cliniques et les savoir-faire des IDE… Et aussi, rendre plus visible et audible la profession. La campagne pour les élections présidentielles pourrait bien être, à cet égard, une opportunité que certains s’empressent déjà de saisir. Le Sniil est le premier à se lancer dans l’arène avec sa plateforme de revendications et son projet « Débats d’Idel »(2). Quatre autres organisations infirmières, l’Anfiide, l’ANPDE, le Cefiec et l’Unaibode/Snibo ont, pour leur part, prévu d’inviter, le 10 mars, les candidats afin de présenter leur programme parce que « l’avenir du système de santé doit nécessairement se construire avec l’ensemble des acteurs qui le composent et inévitablement en considérant ceux du terrain ». Bonne chance !

1. Philippe Colombat, Éric Galam et Matthieu Sibé.

2. Lire « Les Idels plongent dans le grand bain de la présidentielle », sur espaceinfirmier.fr, le 19/01/2022.