BILAN GLOBAL – ACCOMPAGNEMENT MÉDICAMENTEUX - Ma revue n° 018 du 01/03/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 018 du 01/03/2022

 

IDEL

JE ME FORME

JURIDIQUE

Jean-Charles Scotti  

avocat au barreau de Marseille jcs@scotti-avocat.fr

Depuis le 1er janvier 2022, la Convention nationale des infirmiers libéraux (Cnil) autorise la réalisation d’un bilan global médicamenteux. Cette nouvelle prérogative est-elle confirmée par le décret de compétence, et quel impact cela peut avoir sur ma responsabilité professionnelle ?

Selon l’avenant 6 de la Cnil, la prise en charge par l’Assurance maladie sera étendue au bilan global médicamenteux, à savoir un nouvel acte dédié à l’accompagnement à domicile de la prise de médicaments pour un patient non dépendant, polymédiqué et avec des critères de fragilité identifiés par le médecin traitant. Une compétence infirmière qui sera élargie, notamment en raison de l’évaluation médicamenteuse et du compte-rendu à réaliser. Une extension qui interroge sur la légitimité pour l’Idel de faire un tel bilan.

Selon le décret de compétence infirmière, la soignante est chargée, dans le cadre de son rôle propre, de trois missions : l’éducation à la santé, l’obligation de surveillance de soins et l’aide à la prise de médicaments. La question qui se pose étant de savoir si le décret sus-cité offre un cadre juridique permettant cette extension de compétence. Traditionnellement, l’Idel a une mission de surveillance pour s’assurer qu’aucune erreur n’est commise dans la prise du traitement, notamment en vérifiant l’ordonnance et sa cohérence, sa correspondance avec la prescription et le défaut de péremption des médicaments délivrés. La problématique posée, pour le « bilan médicamenteux », est de savoir quel est le degré d’autonomie de l’Idel et son pouvoir d’initiative en ce sens.

Selon l’Assurance maladie, la justification de la prise en charge répond au devoir d’éducation à la santé. Or, cette obligation consiste à former le patient souffrant d’une maladie chronique mais autonome dans la réalisation des soins à l’efficacité sanitaire de cette autonomie. La surveillance des soins est un acte relevant du rôle propre qui permet soit d’adapter un soin infirmier propre soit d’alerter le médecin sur des ajustements. L’aide à la prise de médicaments consiste, sur prescription, à participer à l’administration de traitements lorsque l’intervention de l’Idel ne fait pas l’objet d’une prescription.

Le bilan global médicamenteux pose le problème de la compétence de l’IDE au regard du médicament si l’on considère que ce domaine relève de la compétence exclusive médicale et pharmaceutique. La soignante n’intervenant qu’en qualité d’aide auprès du patient autonome (rôle propre) et d’exécutante sur délégation dans le cadre d’une prescription médicale, de sorte qu’il est délicat de dire en quoi cette dernière aurait compétence pour établir une évaluation médicamenteuse. Du point de vue de sa responsabilité, il paraît donc raisonnable de tracer, dans le DSI, la justification de l’acte nouvellement pris en charge selon trois items :

1 – Aide à la prise de médicaments et éducation à la santé (patient autonome).

2 – Suivi de soins (patient soigné selon une prescription médicale).

3 – Examen de cohérence des traitements dispensés (droit de l’IDE à relever des incohérences manifestes).

L’objectif étant de justifier au juge comment une Idel peut légitimement réaliser un bilan dans un domaine a priori réservé aux seuls médecins et pharmaciens, sachant que la Cnil ne saurait étendre une compétence du seul fait d’une nouvelle prise en charge d’un acte infirmier.

RÉFÉRENCES

• Bilan global :

– NGAP, titre XVI, chapitre 1, art. 10 sur les soins IDE : « Surveillance et observation d’un patient lors de la mise en œuvre d’un traitement ou lors de la modification de celui-ci, sauf pour les patients diabétiques insulinodépendants, avec établissement d’une fiche de surveillance, avec un maximum de quinze jours, par jour. » Cotation : AMI 1.

• Prescription de dispositif médical :

– Décret n° 2007-551 du 13 avril 2007 relatif à la prise en charge des dispositifs médicaux prescrits par les infirmiers […] et modifiant l’article R 165-1 du Code de la Sécurité sociale.

– Exceptions réglementaires portant délégation, initiative et exécution des actes médicaux : contraceptifs oraux, substituts nicotiniques, sérum physiologique non injectable, antiseptiques, vaccin antigrippal.

– Moyen de preuve de l’information : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 février 2013, 12-17.423, Publié au bulletin.

• Remplacement : Ordre national des infirmiers, « Covid-19 – crise sanitaire : les infirmiers remplaçants et remplacés sont autorisés à exercer simultanément », 16 mars 2020. En ligne sur : bit.ly/3KRTXcv