Près de 3 Français sur 10 assistent un proche dans les actes de la vie quotidienne(1). Mieux reconnu, l’aidant bénéficie aujourd’hui d’une palette de ressources pour s’informer, être soutenu, se former et passer le relais. Tour d’horizon des dispositifs que l’infirmière peut relayer aux intéressés.
Depuis qu’elle a 20 ans, Marine vit à la maison. Ultradé pendante, elle ne peut rien faire sans la présence d’un adulte. Parce que je travaille durant la journée, j’ai constitué une équipe de cinq à six professionnels, mais le reste du temps, il n’y a que moi. » Tel est le quotidien de Dominique Hervouët, 56 ans, maman solo d’une jeune femme âgée de 22 ans polyhandicapée. En France, les aidants non professionnels seraient entre 9,5 et 11,5 millions à prendre soin d’une personne de leur entourage en perte d’autonomie liée à l’âge, à une maladie ou un handicap. Des aidants dont la vie rime souvent avec solitude et épuisement. Mais depuis quelques années, leur rôle est davantage reconnu, avec une meilleure prise en compte des pouvoirs publics, entre autres. Celle-ci se traduit par des avancées concrètes, notamment en ce qui concerne l’accompagnement personnalisé, comme en témoigne Henri de Rohan-Chabot, fondateur de la Fondation France Répit : « Jus qu’à présent, la question des aidants était en effet abordée très en silo, mais depuis trois ans et le lancement de la stratégie nationale de mobilisation et de soutien “Agir pour les aidants 2020-2022”, il y a vraiment une volonté de l’État d’avoir une politique transversale ouverte à tous, quelle que soit la situation rencontrée. »
Mais accéder aux aides suppose de les connaître. Dans cet objectif, un certain nombre de dispositifs ont vu le jour. L’association lyonnaise Métropole aidante est la première à avoir mis au point, en 2019, un guichet unique destiné aux aidants pour mieux les informer et les accompagner en regroupant les ressources et l’offre de solutions. « Il y a un vrai enjeu de clarification et d’accessibilité à cette offre, et le fait d’avoir un seul lieu permet de simplifier beaucoup les choses, d’apprendre à connaître les différents acteurs mais aussi de savoir ce qu’ils font », précise Henri de Rohan-Chabot, qui en est le président. Au niveau national, Ma Boussole Aidants est un service numérique qui centralise également l’accès aux informations et aux aides de proximité disponibles. Pour cela, le site s’appuie sur un réseau de partenaires institutionnels et associatifs présents sur l’ensemble du territoire.
Pour un soutien plus complet, depuis une dizaine d’années le gouvernement s’est doté de plateformes d’accompagnement et de répit (PFR). Leur mission est quadruple : fournir des services et un accompagnement spécifique à l’aidant ou à la dyade aidant/ aidé, orienter vers une solution d’accueil pour la personne aidée, mettre en place une solution de répit pour l’aidant et prévenir les risques d’épuisement de ce dernier. Pour y avoir accès, plusieurs options : via la mairie, le conseil départe mental, le Centre local d’information et de coordination pour personnes âgées (Clic) ou le Centre communal d’action sociale (Ccas) du domicile, ou via le site de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)(2) qui liste les 289 PFR réparties dans 94 % des départements français.
Conjoint, concubin, partenaire pacsé, parent, grands-parents, enfant, frère, sœur, neveu, voisin… Toute personne qui apporte régulièrement son aide à une personne fragilisée par la maladie, le handicap ou l’âge peut être considérée comme aidant familial, tel qu’inscrit dans le Code de l’action sociale et des familles depuis 2005. À ce titre, le dispositif du « congé de proche aidant » permet à tout salarié de droit privé, fonctionnaire, travailleur indépendant ou demandeur d’emploi, sous réserve de certaines conditions, de cesser ou réduire temporairement son activité professionnelle durant trois mois, renouvelables dans la limite d’un an. Les agents de la fonction publique ont toutefois la possibilité de demander un temps partiel, allant de six mois à un an renouvelables, ou un arrêt en se mettant en disponibilité jusqu’à trois ans renouvelables. Le bénéficiaire de ce congé touche une allocation journalière du proche aidant (Ajpa), limitée à 66 jours sur l’ensemble de la carrière professionnelle. La demande se fait en ligne sur le site de la Caisse d’allocations familiales (CAF) ou de la Mutualité sociale agricole (MSA). Autre dispositif : le don de jours de repos entre collègues. Celui-ci, valable pour les salariés et les fonctionnaires, permet à l’aidant qui en bénéficie d’être rémunéré pendant qu’il s’occupe de son proche. Pour ce faire, le salarié ou l’agent qui renonce à un ou plusieurs jours de repos doit en informer son service des ressources humaines ou son administration.
En outre, salariés comme fonctionnaires peuvent s’absenter, soit pour s’occuper d’un enfant dont l’état de santé nécessite une présence soutenue via le congé de présence parentale, soit pour accompagner un proche en fin de vie grâce au congé de solidarité familiale. Ces deux dispositifs ouvrent droit à une réserve de jours de congé, dont la durée respective est de 310 jours ouvrés et de trois mois renouvelables une fois. La demande doit être adressée à l’employeur (salarié) ou à l’administration (fonctionnaire). L’aidant perçoit alors une allocation journalière (l’AJPP pour le premier cas de figure ; l’Ajap pour le second).
Le bien-être de l’aidant familial, essentiel, passe par la possibilité de souffler grâce au droit au répit instauré en 2015 par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Bien qu’émergente et disparate selon les territoires, l’offre de répit existe sous différentes formes :
→ le relais à l’extérieur du domicile. Cette offre, sans hébergement, est possible via l’accueil de jour dans un établissement médicosocial ou au sein d’une structure exclusivement destinée à l’accueil de jour, dont la plupart sont répertoriés sur le site ViaTrajectoire. L’accueil familial permet, quant à lui, un relais avec hébergement de façon permanente ou temporaire, à temps complet, partiel ou séquentiel (un week-end par mois, par exemple). La personne aidée réside chez un particulier, lequel a été formé par le conseil départemental ;
→ le relais à domicile. Celui-ci se matérialise soit par un dispositif de garde itinérante de nuit en articulation possible avec un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad), un service polyvalent d’aide et de soins à domicile (Spasad) ou un service d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), soit par l’intervention d’un tiers, qu’il soit professionnel ou bénévole. Cette suppléance est proposée dans la limite de 36 heures consécutives. Cependant, grâce à une dérogation expérimentée jusqu’à fin 2023, l’intervention peut être prolongée pendant six jours dans certaines régions. La liste des associations partenaires est disponible sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé ;
→ l’hébergement temporaire pour l’aidant à la Maison de répit de Lyon (Rhône). La durée moyenne de séjour y est d’une semaine. Une équipe mobile de la Fondation France Répit, composée de médecins, d’infirmières et de psychologues, évalue les besoins et se charge du suivi du proche aidant après le séjour ;
→ les vacances aidant/aidé. Parmi les nombreux acteurs organisant ce type de séjour : Anaé, APF France handicap, Vacances répit familles (VRF), Les Bobos à la Ferme, les Petits Frères des Pauvres, le Secours populaire, France Alzheimer. Tous les renseignements sont à prendre auprès de la PFR, du Clic, du Ccas ou de la MDPH du domicile. À noter la mise à disposition d’un guide, « Besoin de répit »(3), qui regroupe l’essentiel des dispositifs existants.
Lorsque l’on est aidant, le lien social est primordial. Il faut donc avoir la possibilité d’échanger avec d’autres personnes confrontées à la perte d’autonomie d’un proche, ne pas rester seul face à ses interrogations ou ses doutes et mettre des mots sur ses difficultés. Il existe de nombreux organismes où le partage d’informations et d’expérience, l’écoute et le soutien sont les maîtres mots. Parmi eux, les cafés des aidants, ou encore les cafés ou bistrots mémoire. Des sites web sont également dédiés à l’écoute et l’entraide entre aidants. C’est notamment le cas de La Compagnie des Aidants, Avec nos proches(4) ou Aidant attitude. Le portail de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie recense également les actions de soutien à destination des proches aidants. De même que les Clic et les Ccas pour les accompagnants de personnes âgées. Au niveau national, le Collectif Je t’Aide est très actif sur la défense des droits des aidants et leur visibilité dans la société.
Connaissances de l’environnement médico-social, apprentissage de certains gestes techniques, capacité à évaluer ses propres besoins et gestion des émotions sont autant de savoirs spécifiques qu’un aidant peut être amené à mobiliser afin de garantir la qualité de vie de la personne aidée. Pour ce faire, certains organismes ont créé des ateliers de sensibilisation, comme le CIF-Aidants (centre d’information et de formation des aidants), RePairs Aidants et Savoir Être Aidant, qui proposent des modules de formation sur différentes thématiques : vieillissement des aidants, identification des structures sur lesquelles s’appuyer, connaissance de la maladie et de ses conséquences, pairaidance, etc. L’Association française des aidants, quant à elle, a mis au point un parcours de formation composé de plusieurs modules. Pour les aidants, ceux-ci ont pour objectif de se questionner et d’analyser les situations vécues dans la relation au proche accompagné. Les professionnels, quant à eux, peuvent opter pour les formations(5) qui visent à les sensibiliser à la situation des proches aidants, mieux les prendre en compte dans l’exercice de leur fonction et permettre une meilleure collaboration dans les parcours de soins.
De plus, plusieurs diplômes universitaires ont vu le jour ces dernières années, comme le DIU « Accompagnement et droits des aidants », mené conjointement par les universités du Littoral et d’Aix-Marseille, ou le DU « Répit et accompagnement des proches aidants », fruit d’un partenariat entre les universités de Lyon, Saint-Étienne et la Fondation France Répit. Ils s’adressent à tous les professionnels de santé. « Cela leur permet d’accepter de décentrer leur approche pour s’intéresser à l’aidant, indique Henri de Rohan-Chabot. C’est un changement de paradigme qui n’est pas forcément naturel pour eux, mais très bénéfique pour la relation aidant/professionnel. »
1. Enquête Ipsos pour la Macif réalisée en 2020.
2. Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), « Les plateformes d’accompagnement et de répit ». En ligne sur : bit.ly/3LPtlJD
3. Ministère des Solidarités et de la Santé, « Besoin de répit, 17 fiches-repère pour vous aider, 2022 ». Sur : bit.ly/3v9qqp5
4. L’association propose aussi une ligne d’écoute téléphonique anonyme : 01 84 72 94 72 (coût d’un appel local).
5. Le catalogue des formations pour les professionnels est disponible sur le site www.aidants.fr
Être à la fois proche aidant et infirmière peut être difficile à vivre. Pratiqués dans deux cadres différents, les gestes, bien que parfois similaires, ne mobilisent pas les mêmes ressorts sur les plans relationnel et émotionnel, témoigne Gwénaëlle Thual, présidente de l’Association française des aidants. Quand il y a confusion ou substitution des places et rôles, nous le voyons au quotidien, c’est source de souffrance. » Parce que l’entourage considère que l’infirmière « sait faire », il peut en découler des injonctions du type : « Tu peux bien le faire pour ton parent puisque tu le fais déjà pour les autres. » Le risque est alors grand que la soignante ne s’autorise pas à passer le relais.
Destinée aux personnes de plus de 60 ans en perte d’autonomie, l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa) est attribuée à la personne fragilisée qui pourra rémunérer une ou plusieurs personnes en qualité d’aide à domicile. Exception faite du conjoint qui doit être employé comme aide à domicile et déclaré à l’Urssaf en tant que tel. De même, sous certaines conditions, un aidant familial peut percevoir un salaire ou un dédommagement de la personne en situation de handicap dans le cadre de la Prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l’Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Bon à savoir : certaines CAF, caisses de retraite, mutuelles proposent des aides extralégales, notamment pour le financement de solutions de répit.
Pour en savoir plus : www.monparcourshandicap.gouv.fr/aides et www.service-public.fr