La surveillance et la prise en charge de l’état cutané des patients incombent quotidiennement aux soignants. Si l’hydratation d’une peau sèche permet d’apporter un confort, il convient toutefois de prendre quelques précautions dans les situations à risque d’escarres.
• Avec une surface d’environ 2 m2 et un poids d’environ 4 à 10 kilos chez l’adulte (16 % du poids total), la peau est l’organe le plus étendu et le plus lourd du corps humain.
• Elle est constituée de trois couches superposées qui sont, de la superficie vers la profondeur, l’épiderme, qui est en constant renouvellement, le derme et l’hypoderme qui assurent la charpente fibreuse.
Le fonctionnement physiologique de la peau nécessite le maintien d’un taux d’hydratation, lequel exerce une influence sur des paramètres :
- macroscopiques, comme la douceur et la souplesse de la peau. Une réduction de l’hydratation se traduit alors par une moindre extensibilité et résistance aux contraintes mécaniques (déformation, traction, etc.) ;
- moléculaires, comme la communication entre les cellules, nécessaire à la coordination de leurs actions (signalisation cellulaire).
L’hydratation de la peau consiste en un mouvement continu d’eau depuis les couches profondes vers la surface, où elle est évacuée.
Ce mouvement assure une hydratation cutanée continue. Un subtil équilibre entre les apports et les pertes hydriques garantit une hydratation correcte de la peau qui est alors à la fois douce, souple, d’aspect agréable, lisse et résistante.
Le derme est constitué de 70 à 80 % d’eau. Il retient et cède l’eau en fonction des besoins, et est alimenté par le compartiment sanguin. L’hydratation de cette couche de la peau est assurée par les glycosaminoglycanes, essentiel lement l’acide hyaluronique et la chondroïtine sulfate qui sont capables de fixer plus de cent fois leur poids en eau. Le derme alimente à son tour l’épiderme.
L’épiderme est alimenté en eau par diffusion passive via les téguments. L’eau se déplace jusqu’à la surface de la peau où elle va s’évaporer au contact de l’air ambiant en fonction de l’hygrométrie. Ce phénomène dit de « perspiration », ou perspiration insensible ou respiration cutanée, excrétion d’eau non perceptible également présente dans l’air expiré, représente en moyenne un volume journalier de 100 à 200 ml.
→ À noter : la perspiration est à distinguer de la transpiration qui est un mécanisme actif permettant une évaporation d’eau importante (1 litre par jour en moyenne) et ajustable pour maintenir la température corporelle autour de 37 °C.
La couche cornée assure la fonction barrière et régule les échanges hydriques entre l’intérieur et l’extérieur. L’état optimal d’hydratation de la couche cornée (stratum corneum), se situe à un taux entre 12 et 15 %. Ce taux confère à la peau ses propriétés biomécaniques (résistance, extensibilité et souplesse) et esthétiques (aspect et toucher). Pour conserver cet état optimal d’hydratation, les cornéocytes, cellules mortes et sans noyau qui composent la couche cornée, captent l’eau grâce aux facteurs naturels d’hydratation. Les cornéocytes sont reliées entre elles par une matrice riche en lipides, ce qui permet leur cohésion, le maintien de facteurs naturels d’hydratation au sein des cellules ainsi qu’une limitation de la perspiration.
Le film hydrolipidique, de par son effet occlusif, contribue, quant à lui, à limiter l’évaporation de l’eau.
Désignée médicalement par les termes de « xérose » ou « xérodermie », la sécheresse cutanée est la conséquence d’une diminution de la teneur en eau de la couche cornée. Alors que la peau « normale » est souple et élastique, la xérodermie correspond à une peau légèrement râpeuse, rêche, qui manque de souplesse, associée à une desquamation sous forme de pellicules de peaux mortes qui se détachent spontanément de l’épiderme (petites squames).
« C’est la présence de desquamation qui signe une sécheresse cutanée », souligne le Dr Sylvie Meaume, dermatologue, gériatre à l’unité de gériatrie Plaies et cicatrisation de l’hôpital Rothschild, à Paris.
Les squames sont plus souvent observées au niveau des cuisses et des jambes. La peau sèche, qui est aussi moins douce au toucher et a tendance à se craqueler, est source de tirail lements et d’inconfort, et s’accom pagne très souvent de démangeaisons, lesquelles vont provoquer l’envie de frotter ou de gratter la ou les zone(s) concernée(s).
Plus une personne se gratte, plus elle a envie de se gratter, avec un risque accru de lésions, voire d’infections.
• Atmosphère froide et sèche (météo hivernale, pièce climatisée, etc.).
• Bains fréquents, chauds (hygiène corporelle intensive).
• Savons agressifs.
• Dermite atopique (ou eczéma atopique).
• Âge avancé et ménopause (carence hormonale).
• Certaines pathologies telles que l’hypo thyroïdie ou encore le diabète (hyperglycémie).
• Certains médicaments comme les rétinoïdes utilisés dans le traitement de l’acné, de l’eczéma et du psoriasis (effet indésirable).
• Exposition prolongée au soleil (plusieurs années).
L’objectif est d’hydrater la peau :
- en évitant les facteurs qui aggravent la sécheresse cutanée ;
- en appliquant sur la peau des préparations qui préservent son hydratation (agents freinant la perspiration, humectant la peau ou renforçant la cohésion des cellules).
• Limiter le nombre de bains et utiliser préférentiellement de l’eau tiède de façon à préserver le film hydrolipidique cutané.
• Des pommades hydratantes peuvent être prescrites par le médecin. De nombreuses lotions hydratantes et crèmes fluides se trouvent en pharmacie et en grande surface.
• Les hydratants qui contiennent certaines substances, comme de l’acide lactique ou de l’acide salicylique, peuvent également être utilisés.
• Éviter les savons, les détergents et les parfums contenus dans certaines crèmes hydratantes car ils irritent la peau et peuvent la dessécher ultérieurement.
Les patients profiteront d’un meilleur confort avec une peau hydratée. C’est notamment le cas des personnes âgées chez lesquelles la peau ralentit son renouvellement cellulaire, perd de l’épaisseur, se fragilise et se déshydrate plus facilement.
• Les crèmes hydratantes, ou à base de vaseline ou de glycérine, qui permettent de retenir l’eau au niveau cutané, doivent être utilisées juste après le bain. Les produits hydratants étant plus faciles à appliquer sur une peau encore humide.
• Idéalement, il faudrait hydrater la peau au moins une fois par jour, après le bain ou la douche, en particulier les jambes et la taille, zones souvent plus serrées dans les vêtements que le reste du corps.
• L’effleurage peut être l’occasion d’appliquer des produits (huile, pommade, crème, etc.).
• Éviter autant que possible de positionner le patient sur une zone qui présente un érythème. L’érythème indique que l’organisme n’a pas récupéré et qu’il nécessite un répit supplémentaire(1).
• Garder la peau propre et au sec.
• Utiliser un savon à pH neutre lors de la toilette.
• Nettoyer la peau rapidement après chaque épisode d’incontinence.
• Protéger la peau de l’exposition à l’humidité excessive avec un produit type barrière. Une lésion cutanée due à l’humidité peut augmenter le risque d’escarres.
• Utiliser un hydratant cutané sur une peau sèche pour réduire les risques de dommages sur la peau.
• L’effleurage consiste à effectuer un glissement de la main sur la peau du patient en épousant la surface corporelle. Pratiquée sans exercer de pression, l’action mécanique de l’effleurage se limite à la peau, plus largement aux téguments, mais il pourrait aussi agir en profondeur par voie réflexe(2).
• Il se distingue des « pressions glissées » utilisées lors des massages circulatoires pour faciliter le retour veineux car l’intensité de la pression appliquée agit sur les tissus sous-jacents. « Le massage et la friction des zones à risque d’escarres sont interdits puisqu’ils diminuent le débit microcirculatoire moyen », avertissait l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, en 2001(3) (lire l’avis de la spécialiste page ci-contre). « Une manipulation plus “musclée” pourrait […] provoquer des traumatismes liés à des forces de cisaillement excessives », mettent en garde certains experts(4).
• L’effleurage est réalisé sur une peau propre, à mains nues ou avec des gants à usage unique. Pratiqué avec les doigts à plat et la paume de la main, sans pression excessive, il doit être effectué pendant 1 à 2 minutes minimum sur chaque zone.
• Chez un patient qui est immobilisé, il est recommandé de pratiquer un effleurage à chaque changement de position(4).
- L’application concomitante de produits hydratants permet de faciliter l’effleurage car les doigts vont glisser plus facilement sur la peau.
L’effleurage est indiqué dans la prévention d’escarres chez les patients alités ou assis avec des appuis prolongés, ou chez ceux présentant une diminution de la vascularisation, de la mobilité ou de la sensibilité(2). Il favoriserait la microvascularisation cutanée(4). Il est pratiqué sur les zones à risque : talons, trochanters, sacrum et ischions, le plus souvent.
L’effleurage est contre-indiqué(4) au niveau :
- des zones présentant des lésions cutanées (exemple : dermatoses infectieuses) ;
- des zones cutanées inflammatoires ;
- d’un érythème persistant à la pression, le risque étant d’aggraver une escarre de stade 1.
Les techniques de massage, telles que les pressions, les pétrissages ou encore la friction, ne sont pas indiquées et risquent de provoquer des escarres. En plus d’être douloureux, ces types de massage peuvent entraîner une légère destruction des tissus ou des réactions inflammatoires, en particulier chez les personnes âgées et fragiles(2).
1. European Pressure Ulcer Advisory Panel (EPUAP), « Prévention et traitement des escarres : guide de référence abrégé », 2014. En ligne sur : bit.ly/3po8G5R
2. Dufour Michel, Colné Patrick, Gouilly Pascal, Massothérapie : effets, techniques et applications, 3e édition, éditions Maloine, 2016.
3. Haute Autorité de santé, « Prévention et traitement des escarres de l’adulte et du sujet âgé », recommandation de bonne pratique, mise à jour le 19/07/2006. En ligne sur : bit.ly/3BXf4WG
4. « Effleurage », escarre.fr
Dr Sylvie Meaume, dermatologue, gériatre à l’unité de gériatrie Plaies et cicatrisation, hôpital Rothschild, à Paris.
« Les pratiques et préconisations concernant l’intérêt thérapeutique des massages ou effleurages chez les patients à risque d’escarres ne sont pas fondées sur des preuves scientifiques probantes, ni en ce qui concerne leur efficacité, ni en ce qui concerne leurs effets secondaires. Les infirmières doivent garder deux messages clés à l’esprit. Tout patient à la peau sèche tirera bénéfice d’une hydratation cutanée en termes de confort. Les zones d’appuis érythémateuses ne doivent pas être touchées mais, au contraire, mises en décharge. »