LA CANCÉROLOGIE SOCIALE, UNE VISION ÉLARGIE DE LA PRISE EN CHARGE
SOINS DE SUPPORT
J’EXPLORE
PRATIQUE INNOVANTE
En 2021, l’Afsos a réactivé son Groupe d’experts (GEX) Social afin de réfléchir au concept de cancérologie sociale et le déployer auprès des soignants. Une notion relativement méconnue qui trouve des applications concrètes à l’hôpital, en lien avec la ville.
La prise en charge sociale des patients atteints de cancer fait partie du socle de base de l’accompagnement qui peut leur être proposé, d’après les documents de référence de l’Institut national du cancer, indique Jeanne Longet, assistante sociale à l’Institut régional fédératif du cancer de Franche-Comté (IRFC) et copilote du GEX Social de l’Association francophone des soins oncologiques de support (Afsos).
Les différents plans cancer ont également défini cette prise en charge sociale comme primordiale. » La survenue d’un cancer engendre des conséquences à la fois socia les, familiales, professionnelles et financières chez les patients, et vient bouleverser leurs projets de vie. « D’où l’intérêt de cette prise en charge sociale, d’autant plus que les démarches administratives peuvent être lourdes, et que les patients sont confrontés au manque de coordination entre l’hôpital et la ville », ajoute-t-elle. C’est là tout l’enjeu de la cancérologie sociale.
La prise en charge sociale des personnes malades est fondamentale et se déploie dans des domaines qui dépassent largement les préjugés sur le rôle de l’assistante sociale. « Notre champ d’intervention ne se limite pas aux personnes qui ont des difficultés financières, rappelle Jeanne Longet. Or, certains patients le croient, tout comme certains professionnels de santé qui peuvent encore parfois véhiculer ce discours. » Pourtant, l’assistante sociale offre une prise en charge beaucoup plus globale. Par exemple, un patient atteint d’un cancer va, dans la majorité des cas, être en arrêt de travail sur une période de son traitement sans être totalement indemnisé. Dans ce cadre, l’assistante sociale peut l’accompagner à gérer cette situation. « Nous travaillons aussi sur les questions de maintien ou de retour à domicile, sur la place et le rôle des aidants, sur les problématiques de logement, de logement non adapté, sur la reprise de l’activité professionnelle », énumère Jeanne Longet. Dès lors que l’assistante sociale est sollicitée, elle traite l’ensemble de ces questions de manière coordonnée.
L’infirmière a un rôle clé à jouer car si elle dépiste suffisamment tôt les difficultés sociales du patient, elle peut permettre à l’assistante sociale d’intervenir, dans l’idéal, dès l’annonce de la maladie. À l’hôpital, la soignante peut se tourner vers le service social de la structure, l’assistante sociale ayant pour fonction, selon les problématiques identifiées, d’effectuer le lien avec les services sociaux locaux et les structures externes compétentes. En ville, la professionnelle de santé peut solliciter les Plateformes territoriales d’appui ou encore les Dispositifs d’appui à la coordination. « La coordination entre l’hôpital et la ville est un axe essentiel à travailler car l’ambulatoire s’intensifie, les patients sont hospitalisés moins longtemps et les thérapies orales se développent », soutient Jeanne Longet.
Dans le cadre de son activité permanente d’élaboration, de mise à jour et de diffusion des référentiels de bonnes pratiques, l’Afsos a reposé cette année les bases de la cancérologie sociale lors de son congrès d’octobre 2021. Cependant, elle souhaite aussi porter plus loin la réflexion sur certaines notions pour faire évoluer les pratiques dans des domaines essentiels comme la précarité, les minorités sexuelles et la médiation transculturelle. « Notre objectif est de nous interroger sur la manière dont on accueille et prend en charge les patients pouvant s’identifier autour de ces trois thématiques, explique Christine Préaubert-Sicaud, infirmière d’oncologie médicale pendant plus de trente ans, aujourd’hui vice-présidente de l’Afsos, correspondante Occitanie, et copilote du GEX Social. La prise en compte de la transculturalité ou de la culture de l’autre implique une façon de travailler et de parler qui va être spécifique, mais qui n’est pas développée dans tous les centres hospitaliers. » Dans certaines structures, l’accès aux médiateurs culturels est facilité mais ce n’est pas le cas partout. Or, la finalité est de lutter contre les inégalités d’accueil et de prise en charge. « Nous voulons diffuser, alerter et pousser cette réflexion transversale, poursuit Jeanne Longet. Toutes ces questions concernent les professionnels prenant en charge des patients en situa tion complexe. Nous voulons inciter chacun à s’interroger sur sa pratique et peut-être émettre des recommandations. » Et Christine Préaubert-Sicaud d’ajouter : « L’équipe médicale et paramédicale dans son ensemble est concernée par cette thématique et doit savoir qu’elle existe. Certains soignants vont l’être plus que d’autres, comme les infirmières dans le cadre des dispositifs d’annonce, les infirmières de coordination ou encore en pratique avancée. Il faut vraiment sortir des idées reçues. » Il s’agit d’une approche à construire en équipe en fonction de la population reçue afin de savoir repérer, alerter et faire le lien.