LES INHIBITEURS SPÉCIFIQUES DE LA RECAPTURE DE LA SÉROTONINE
JE ME FORME
PHARMACO
Dr en pharmacie, Défimédoc
Six inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont commercialisés en France. Ils ont un intérêt majeur dans les dépressions graves mais nécessitent un suivi attentif, en particulier chez le sujet âgé et en cas d’association avec d’autres médicaments. Le traitement doit toujours être arrêté très progressivement.
• La classe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine comprend six molécules : le citalopram (Seropram), l’escitalopram (Seroplex), la fluoxétine (Prozac), la fluvoxamine (Floxyfral), la paroxétine (Deroxat) et la sertraline (Zoloft).
• La vortioxétine (Brintellix) est souvent classée parmi les ISRS mais elle a un mécanisme d’action un peu différent.
• Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), comme la venlafaxine (Effexor) ou la duloxétine (Cymbalta), sont des molécules assez proches mais comportant des effets indésirables spécifiques.
• Dans les dépressions légères à modérées, une psychothérapie doit être envisagée en priorité.
• Dans les épisodes dépressifs majeurs, les ISRS font partie des antidépresseurs indiqués en première intention, avec une efficacité à long terme démontrée dans la prévention des rechutes.
• La plupart des ISRS sont également in diqués dans la prévention des attaques de panique, avec ou sans agoraphobie, et dans les troubles obsessionnels compulsifs (sauf le citalopram).
• Certains ont une indication dans les phobies sociales, le stress post-traumatique ainsi que l’anxiété généralisée.
Mécanisme d’action
• Les ISRS inhibent la recapture de la sérotonine, un neurotransmetteur, au niveau présynaptique. La sérotonine reste ainsi plus longtemps au niveau de la fente synaptique et stimule de manière répétée les récepteurs post-synaptiques.
• L’effet des ISRS est sélectif sur les synapses sérotoninergiques. Mais la plupart de ces molécules possèdent une faible activité sur la recapture de la noradrénaline ainsi qu’une faible affinité pour les récepteurs α et β-adrénergiques, dopaminergiques, histaminergiques et cholinergiques, d’où certains effets indésirables.
• Les ISRS sont administrés indifféremment le matin ou le soir, sauf la paroxétine à administrer le matin, et la fluvoxamine le soir.
- L’amélioration de l’état dépressif peut demander plusieurs semaines. La durée totale du traitement antidépresseur doit être de 6 mois à 1 an après rémission afin de prévenir les rechutes.
• Il est recommandé d’arrêter le traitement progressivement, sur plusieurs semaines ou mois.
• En cas d’insuffisance rénale légère à modérée, aucune adaptation posologique n’est à prévoir avec la fluvoxamine, le citalopram et la sertraline. Avec les autres ISRS, en revanche, la posologie initiale doit être diminuée.
Chez le sujet âgé
• Le traitement doit être instauré à dose faible et augmenté lentement jusqu’à la dose minimale efficace. La réponse aux antidépresseurs est plus lente que chez les sujets plus jeunes.
• Chez cette population, la paroxétine et la fluoxétine doivent être évitées car :
- la paroxétine favorise la survenue d’un syndrome extrapyramidal (syndrome parkinsonien, mouvements involontaires, etc.) et a un fort potentiel d’interactions médicamenteuses. Elle peut facilement entraîner des surdosages chez le sujet très âgé ;
- la fluoxétine a une demi-vie très longue (4 à 6 jours et 4 à 16 jours pour son métabolite actif) et un fort potentiel d’interactions médicamenteuses.
• Les effets indésirables les plus fréquents des ISRS sont les troubles digestifs (nausées, vomissements, etc.) dus à la stimulation sérotoninergique, les troubles neuropsychiques (céphalées, agitation, insomnie, etc.) et les troubles sexuels (troubles de la libido, de l’érection). Une hypersudation est fréquente.
• Le risque d’accident de la route est augmenté, notamment à l’instauration du traitement et aux changements de posologie.
• Les ISRS peuvent également :
- déséquilibrer le contrôle glycémique des patients diabétiques ;
- provoquer des saignements cutanés (purpuras et ecchymoses) et des hémorragies gastro-intestinales et gynécologiques.
• Les ISRS, en particulier le citalopram et l’escitalopram, peuvent provoquer des troubles du rythme cardiaque (torsades de pointe), notamment en cas d’hypokaliémie.
Chez le sujet âgé
Une surveillance de la natrémie est fortement recommandée, particulièrement en cas de traitement concomitant par diurétiques ou en cas d’insuffisance rénale (risque d’hyponatrémie pouvant entraîner une confusion).
• Le risque suicidaire sous ISRS peut augmenter en tout début de traitement jusqu’à l’obtention d’une rémission significative (levée d’inhibition psychomotrice).
• Un traitement par benzodiazépine peut être justifié en début de traitement antidépresseur pour une durée de 2 semaines en cas d’anxiété, d’agitation ou d’insomnies invalidantes.
• Un syndrome sérotoninergique peut survenir lorsque les taux de sérotonine au niveau synaptique sont trop importants.
• Ce syndrome, qui associe des symptômes digestifs (diarrhées), végétatifs (sueurs, dysrégulation thermique, hypo ou hypertension), moteurs (myoclonies, tremblements), neuropsychiques (confusion, agitation voire coma), peut menacer le pronostic vital.
• Il survient principalement en cas d’association d’un ISRS avec :
- un autre médicament sérotoninergique qui augmente également le taux de sérotonine intrasynaptique : tramadol, lithium, triptan, millepertuis (association à prendre en compte).
En pratique, l’association tramadol-ISRS est fréquente et doit être surveillée.
- un inhibiteur de la monoamine oxydase (IMAO), qui diminue la dégradation de la sérotonine : à prendre en compte avec la sélégiline ou la rasagiline prescrite chez le patient parkinsonien.
• Les interactions, qui dépendent de chaque ISRS, sont fréquentes et peuvent être graves.
• La paroxétine et la fluoxétine, en tant que puissants inhibiteurs du CYP2D6, peuvent :
- dans certains cas, entraîner la diminution d’efficacité de médicaments associés : l’association avec le tamoxifène (traitement du cancer du sein), est déconseillée ;
- dans d’autres cas, entraîner une augmentation des concentrations plasmatiques du médicament associé : rispéridone, métoprolol (surtout chez le patient insuffisant cardiaque), avec un risque d’atteinte d’un seuil toxique.
• Le citalopram et l’escitalopram sont contreindiqués avec les médicaments susceptibles de provoquer des torsades de pointe (certains antiarythmiques, certains neuroleptiques, l’hydroxyzine, la méthadone, la dompéridone, etc.) Le risque étant un trouble cardiaque grave.
• La sertraline est déconseillée avec le jus de pamplemousse, qui augmente sa concentration.
• Pour tous les ISRS : l’association avec un antiagrégant plaquettaire, un AVK, un AOD ou un AINS augmente le risque hémorragique. L’association ISRS-AVK déséquilibre l’INR.
• Seule la fluoxétine dispose d’une autorisation de mise sur le marché chez l’enfant à partir de 8 ans dans le traitement des épisodes dépressifs caractérisés modérés à sévères.
• Les antidépresseurs, dont les ISRS, peuvent entraîner des comportements de type suicidaire (idées suicidaires, tentatives de suicide) et hostile (agressivité, comportement d’opposition et colère).
• Certains ISRS, comme la sertraline, peuvent être prescrits dans les troubles obsessionnels compulsifs chez l’enfant.
• Un traitement non médicamenteux (psychothérapie) doit être privilégié chez la femme enceinte. Un traitement par antidépresseur ne doit être utilisé pendant la grossesse que s’il est strictement nécessaire.
• D’après le Centre de référence des agents tératogènes (Crat), les ISRS pouvant être utilisés au cours de la grossesse si nécessaire sont : le citalopram, l’escitalopram, la fluoxétine, la paroxétine et la sertraline.
• L’utilisation des ISRS en fin de grossesse expose à un risque d’hypertension artérielle pulmonaire du nouveau-né. La paroxétine et la fluoxétine, elles, pourraient entraîner des malformations cardiovasculaires.
• Le risque d’autisme chez des enfants exposés pendant la grossesse n’est pas confirmé à ce jour mais il ne peut être exclu.
• En cas d’allaitement, la paroxétine et la sertraline sont les deux molécules à privilégier (passage faible dans le lait).
• Collège national de pharmacologie médicale, « Inhibiteurs de recapture sérotonine (IRS) », 15 mai 2019. Sur : bit.ly/3JD54o9
• Haute Autorité de santé (HAS), Synthèse de la recommandation de bonne pratique, « Eìpisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en soins de premier recours. Prise en charge thérapeutique et suivi », octobre 2017. Sur : bit.ly/3rWI79A
• Peyrière H., « Traitement de la dépression (unipolaire) », Pharmacie clinique et thérapeutique, éd. Elsevier Masson, 2018, pp. 665-92. En ligne sur : bit.ly/3s0hLDH
• Centre de référence des agents tératogènes (Crat), « Antidépresseurs - Grossesse et allaitement », mis à jour le 26 juin 2020. En ligne sur : bit.ly/33zUxLg
L’arrêt brutal du traitement peut entraîner, dès les premiers jours, des symptômes de sevrage (vertiges, troubles du sommeil et sensoriels, anxiété, nausées, hypersudation, palpitations, diarrhées), en particulier avec les ISRS à demi-vie courte (paroxétine, venlafaxine et escitalopram).
L’autrice déclare ne pas avoir de liens d’intérêt