L'infirmière n° 019 du 01/04/2022

 

SOCIÉTÉ

JE DÉCRYPTE

LE MOIS EN BREF

Lisette Gries  

Dans un rapport remis au ministre de la Santé le 3 mars dernier, Patrick Pelloux relève que l’hôpital n’est pas exempt du phénomène de radicalisation des agents. Il formule 19 recommandations afin de sanctuariser la laïcité et la neutralité de l’hôpital public.

Jeudi 3 mars, Patrick Pelloux a remis un rapport à Olivier Véran sur la prévention de la radicalisation des personnels de l’hôpital public. En préambule au document, l’urgentiste précise : « Il ne s’agit pas de viser qui que ce soit mais bien de dire les faits et de réaffirmer l’importance des principes de la République et des soins, afin de garantir des prises en charge des malades sans influences religieuses. » 70 auditions ont été menées dans des établissements de santé, lesquelles ont permis de dresser un état des lieux et d’en retirer des pistes d’actions.

Des situations de trois types ont été relevées au sein des différents corps d’agents hospitaliers (médicaux, non médicaux, administratifs ou techniques) : processus de radicalisation, prosélytisme et atteintes à la laïcité. « Les acteurs auditionnés s’accordent à dire que les situations de radicalisation demeurent rares mais difficiles à quantifier », remarque l’urgentiste qui a précisé à l’agence APMnews qu’« environ 70 soignants et médecins seraient surveillés au titre du fichier S ».

VIE, MORT ET SANTÉ MENTALE

Plus de cas de prosélytisme ou d’atteintes à la laïcité ont été notés. Le prosélytisme survient souvent dans un contexte de fragilité, soit du service, soit des patients, « avec des activités de soins qui encadrent la vie (contraception, avortement, grossesse, etc.) et la mort (soins palliatifs, réanimation, dons d’organes, etc.), ainsi que la psyché humaine (santé mentale, psychiatrie) ».

Les atteintes à la laïcité constatées concernent notamment des femmes portant le voile malgré l’interdiction, ou des soignants qui font preuve de discriminations envers les personnes en raison de leur genre. « Les convictions religieuses des soignants peuvent fragiliser l’accès aux soins de certains patients, notamment pour l’accès à la contraception et à l’IVG, des parcours de soins adaptés aux LGBTQIA+, les dons et prélèvements d’organes, les services de réanimation et de soins palliatifs », souligne le rapport.

Ces phénomènes se retrouvent aussi à des niveaux différents selon les établissements et les territoires, « ce qui renforce le constat d’une réponse coordonnée et interministérielle ». Les propositions formulées par ce texte s’inscrivent dans cette optique.

ASSURER LA PROBITÉ DES AGENTS

En premier lieu, Patrick Pelloux recommande de « rendre obligatoire et systématique la signature de la charte de la laïcité lors de l’embauche » de toute personne intervenant à l’hôpital : fonctionnaire, prestataire, intervenant ponctuel, étudiant, etc., afin de « sensibiliser l’agent dès l’embauche aux principes déontologiques liés à sa fonction ». Dans le même esprit, il propose de faire appliquer un principe de neutralité à toute personne travaillant ou se formant à l’hôpital, sans distinction de lieu ou de statut.

Afin de clarifier les règles déontologiques liées à la fonction de soignant, le rapport préconise un renforcement des modules de formation initiale et continue, ainsi que des journées de sensibilisation auprès de l’ensemble des agents. Patrick Pelloux souligne que « la connaissance des rites cultuels apparaît essentielle […] dans la relation entre patient et soignant », mais souhaite aussi donner des repères actualisés aux agents sur les notions de laïcité et de neutralité.

D’autres mesures concernent les processus d’information et de signalement à disposition des établissements. Ainsi, Patrick Pelloux propose de lancer une campagne de communication nationale sur le numéro vert de signalement, de développer la visibilité des référents laïcité des ARS et de mettre en place des dispositifs pour les services des ressources humaines. Il suggère aussi de rendre possible les enquêtes administratives avant embauche. Enfin, il souligne que la psychiatrie doit faire l’objet d’une attention particulière. « La probité des agents […] est essentielle », insiste-t-il.

Savoir +

• Pelloux P., « Rapport sur la prévention et la lutte contre la radicalisation des agents exerçant au sein des établissements de santé », mars 2022. En ligne sur : bit.ly/3CC8xRS

• Numéro vert pour signaler un cas de radicalisation : 0800 005 696