LA RÉHABILITATION AMÉLIORÉE APRÈS CHIRURGIE
JE ME FORME
BONNES PRATIQUES
Thierry Pennable* Ludivine Lalau** Sabrina Cardoso***
*responsable d’unité de soins et cheffe du projet RAAC, Clinique du sport et de chirurgie orthopédique de Marcq-en-Barœul (Nord)
**infirmière coordinatrice RAAC, hôpital privé Jean Mermoz de Lyon (Rhône)
Devenue un incontournable pour certaines interventions, la récupération améliorée après chirurgie (RAAC) vise un rétablissement rapide du patient et la réduction de l’incidence des complications chirurgicales. L’Idec a un rôle central.
La récupération ou réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC), encore appelée réhabilitation améliorée après chirurgie (RAC), est une approche multidisciplinaire de la prise en charge globale du patient qui a été développée au Danemark dans les années 1990. Cette organisation spécifique des soins, centrée autour du patient, lequel est acteur de sa prise en charge, recherche le rétablissement précoce des capacités de la personne après une chirurgie. Initialement mise au point dans le cadre des interventions lourdes en chirurgie colorectale et digestive, la RAAC s’est depuis étendue à de nombreuses autres spécialités, en particulier en chirurgie orthopédique, urologique et gynécologique. À terme, elle devrait être applicable à tous les patients et à toutes les spécialités(1).
L’organisation spécifique des soins dans le parcours de réhabilitation améliorée après chirurgie a pour but :
→ un rétablissement rapide des capacités physiques et psychiques antérieures du patient ;
→ une baisse significative de la mortalité et de la morbidité liées à la chirurgie.
À noter que la réduction des durées d’hospitalisation est considérée comme une conséquence et non comme un objectif de la réhabilitation améliorée après chirurgie.
Chaque étape de la prise en charge est optimisée dans l’objectif d’améliorer le confort et le devenir de la personne soignée. Ainsi, la réussite d’un programme de RAAC repose sur :
→ l’information préopératoire et l’adhésion du patient(1) ;
→ la mise en place de coordinations transversales et multidisciplinaires dédiées à un type d’intervention (médecins anesthésistes, chirurgiens, nutritionnistes, infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes et personnels administratifs faisant partie des professionnels impliqués dans le programme) et parfois à une typologie de patients ;
→ l’analyse des facteurs susceptibles de prolonger la durée de l’hospitalisation et des moyens disponibles pour contrecarrer ou limiter les effets de ces facteurs (voir le tableau p. 34) ;
→ l’instauration de mesures visant à anticiper la sortie mais également à favoriser et stimuler l’autonomie des patients.
La réduction des durées d’hospitalisation sans une gestion spécifique des risques n’est possible que si les critères cliniques de sortie sont validés (lire ci-dessous). Le refus du patient, son incompréhension de la prise en charge ou l’absence d’autonomie préalablement anticipée sont des critères d’exclusion de la RAAC. « Sortir du programme prévu par la RAAC n’est pas un échec puisque le parcours est évalué et réajusté », précise Ludivine Lalau, responsable d’unité de soins et cheffe du projet RAAC à la Clinique du sport et de chirurgie orthopédique de Marcq-en-Barœul (Nord). Certains patients inscrits dans le parcours RAAC peuvent finalement préférer aller en établissement de convalescence lorsque, pour une raison ou une autre, celle-ci n’est pas possible à domicile. »
L’association Groupe francophone de réhabilitation améliorée après chirurgie (Grace), qui agit pour favoriser le développement et la diffusion de la RAAC, a défini un certain nombre de critères devant être réunis pour permettre la sortie d’hospitalisation de la personne soignée :
→ absence de perfusion intraveineuse ;
→ prise en charge de la douleur ;
→ retour à une alimentation solide ;
→ mobilisation indépendante ou au même niveau qu’avant l’intervention ;
→ transit rétabli, au moins sous forme de gaz ;
→ absence de signe infectieux : température < 38 °C, leucocytes < 10 000/mm3 (ou < 10 g/l), protéine C-réactive (CRP) < 120 mg/l, fréquence cardiaque < 120/min en chirurgie bariatrique ;
→ patient acceptant la sortie ;
→ possibilité de réhospitalisation en cas de survenue de complications.
Le chemin clinique, ou clinical pathway pour les Anglo-Saxons, correspond à la planification d’un parcours de soins type pour un groupe de patients défini qui sont porteurs d’une même pathologie. « Tout parcours de soins doit être formalisé sous la forme d’un chemin clinique qui décrit les actes des différents intervenants à chaque étape du processus de RAAC, ainsi que l’ensemble des informations transmises au patient », explique la cheffe du projet RAAC à la Clinique du sport et de chirurgie orthopédique. Le chemin clinique est intégré au dossier du patient, et chaque acte est signé par le professionnel qui l’a effectué pour en assurer la traçabilité. La mise en œuvre du chemin clinique nécessite de définir les bonnes pratiques pour chaque étape du parcours de soins(2). Cette planification a pour objectif de :
→ réaliser une prise en charge optimale et efficiente dans le respect des règles de bonnes pratiques ;
→ simplifier la prise en charge et limiter la variabilité des pratiques.
Le chirurgien responsable du parcours RAAC inclut le patient dans le parcours de soins dès le début de la prise en charge.
La période préopératoire est une étape clé pour l’information du patient, son adhésion et sa participation active au programme. Une consultation spécifique, réalisée le plus souvent par une infirmière coordinatrice (Idec), fait suite aux consultations de chirurgie et d’anesthésie. L’infirmière dispose de supports variés pour expliquer à la personne le déroulement de son intervention et son rôle tout au long de la procédure. Cette consultation est en outre l’occasion de préciser ou de réexpliquer les informations précédemment données par les médecins (documents papier ou numériques, vidéos, etc.), et d’anticiper puis d’organiser le retour à domicile. La prise en charge préopératoire a donc vocation à :
→ améliorer l’état nutritionnel et physique du patient par une prise en charge adaptée ;
→ limiter le jeûne à la stricte durée nécessaire ; réduire la résistance à l’insuline par une charge glucidique ;
→ expliquer à la personne tout le déroulement de son intervention chirurgicale ainsi que son rôle tout au long de la procédure ;
→ éviter les prescriptions systématiques comme la prémédication ou la préparation colique.
Le jeûne a un retentissement conséquent sur la récupération. Dès lors, la possibilité de boire jusqu’à deux heures avant la chirurgie permet d’éviter une déshydratation et d’éliminer plus facilement les drogues de l’anesthésie.
La RAAC vise à réduire le stress chirurgical observé à divers degrés au décours de toutes les interventions. Ce « stress » est responsable de modifications hormonales, métaboliques et physiologiques(1). Les conséquences métaboliques peuvent être comparées à celles observées après un traumatisme(3). Elles sont le fruit de trois grandes sources de stimulation : la douleur, de loin le principal stimulus, la survenue d’une hypovolémie et d’une inflammation du site opératoire. De nombreux paramètres permettent de réduire ce stress chirurgical, parmi lesquels :
→ des facteurs anesthésiques, comme un usage optimisé des anesthésiques, l’épargne des analgésiques opioïdes ou la prévention des nausées et vomissements postopératoires ;
→ des facteurs chirurgicaux, comme les techniques chirurgicales mini-invasives et la laparoscopie, ou la réduction de l’usage des drains ou des sondes nasogastriques. Beaucoup moins invasive que la laparotomie, la laparoscopie opératoire revient à introduire un endoscope muni d’instruments chirurgicaux par le biais d’incisions de petites tailles.
Les procédures postopératoires de la RAAC sont basées sur :
→ une analgésie multimodale optimale sans morphine, qui consiste à associer diverses approches de lutte contre la douleur aiguë dans une stratégie visant à équilibrer l’efficacité et les effets indésirables de chacun des traitements ;
→ la limitation du saignement postopératoire ;
→ la reprise précoce de l’alimentation ;
→ l’absence de sonde gastrique, drainages et sondage vésical si possible ;
→ la mobilisation précoce.
Les critères de sortie sont inscrits dans le chemin clinique. La continuité des soins est assurée par l’équipe en charge de la RAAC, en collaboration avec les professionnels de santé de ville.
En France, la chirurgie ambulatoire est définie comme une chirurgie programmée et réalisée dans les conditions de sécurité d’un bloc opératoire, sous une anesthésie de mode variable, suivie d’une surveillance postopératoire permettant, sans risque majoré, au patient de sortir le jour même de l’intervention(4). La chirurgie ambulatoire présente de nombreuses similitudes avec la réhabilitation améliorée après chirurgie. « L’évolution des techniques chirurgicales mini-invasives et l’optimisation des méthodes d’anesthésie permettent de réaliser certaines interventions chirurgicales en ambulatoire », observe Sabrina Cardoso, infirmière coordinatrice RAAC à l’hôpital privé Jean Mermoz de Lyon (Rhône). « Des chirurgies de la hernie discale par voie endoscopique ou une sleeve gastrectomie(5) peuvent aujourd’hui s’envisager en ambulatoire », souligne la professionnelle de santé qui rapporte un rôle similaire entre les deux modes de prise en charge. « Dans le cadre de la chirurgie ambulatoire comme dans la RAAC, je reçois les patients en consultation préopératoire pour présenter et préparer le déroulement de l’intervention, et pour anticiper et organiser leur retour à domicile. »
Notes
1. Haute Autorité de santé, « Programmes de récupération améliorée après chirurgie (RAAC) : état des lieux et perspectives », juin 2016. En ligne sur : bit.ly/3iKLsDc
2. Haute Autorité de santé, « Chemin clinique », juin 2017. En ligne sur : bit.ly/3qO5e54
3. Professeur Pierre Wauthy, « Métabolisme et chirurgie », CHU Brugmann de Bruxelles (Belgique). En ligne sur : bit.ly/3tPgMac
4. Haute Autorité de santé, « La chirurgie ambulatoire en 12 questions », avril 2012. En ligne sur : bit.ly/3NB3gPh
5. La sleeve gastrectomie consiste à enlever une partie de l’estomac par voie cœlioscopique pour ne laisser qu’un « tube » gastrique.
Autres sources
• Groupe francophone de réhabilitation améliorée après chirurgie (Grace), « Implémentation d’un programme de réhabilitation améliorée après chirurgie ». En ligne sur : bit.ly/3LsmQM0
• Agence régionale de santé d’Île-de-France, « Réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC) : Dispositif d’accompagnement francilien – Retours d’expériences », janvier 2019. À télécharger sur : bit.ly/3Nxf2dB
• « Chemin clinique Récupération améliorée après une chirurgie (RAAC) bariatrique », Clinique Mutualiste de l’Estuaire de Saint-Nazaire, novembre 2018. En ligne sur : bit.ly/3wLatX1
• Société française d’anesthésie et de réanimation, « Réhabilitation améliorée après chirurgie orthopédique lourde du membre inférieur », 2019. Sur : bit.ly/3Luip2X
• Site internet de l’association Groupe francophone de réhabilitation améliorée après chirurgie (Grace) : www.grace-asso.fr
Ludivine Lalau, responsable d’unité de soins et cheffe du projet RAAC, Clinique du sport et de chirurgie orthopédique de Marcq-en-Barœul (Nord).
« La mise en place d’un parcours de soins RAAC nécessite une motivation et une implication de l’équipe médicale qui souhaite faire évoluer les pratiques chirurgicales, ainsi que le soutien d’une direction qui donne les moyens pour mener à bien le projet. Les équipes paramédicales et administratives ainsi que les assistantes sociales doivent aussi être impliquées pour que l’ensemble des intervenants dans la RAAC travaillent à l’unisson. Nous avons construit notre parcours en nous référant aux expériences développées dans d’autres établissements ou dans des pays du nord de l’Europe qui ont un peu d’avance concernant ces techniques. Un audit réalisé avec l’association Grace* nous a permis de réaliser une démarche qualité. Nous avons bénéficié de recommandations, de conseils et d’évaluations selon des indicateurs bien précis, comme la baisse des complications ou la diminution de la durée moyenne des séjours. Sachant que le parcours de soins RAAC n’est pas figé. Initialement élaboré par un chirurgien et un anesthésiste de la clinique, il est régulièrement adapté aux pratiques des professionnels qui s’y inscrivent et aux nouvelles possibilités thérapeutiques. Ainsi, il n’est pas rare que des patients rentrent chez eux avec un cathéter périnerveux pour optimiser la prise en charge de la douleur et ne pas retarder la rééducation. Quant à l’infirmière de coordination, elle occupe une place centrale dans la RAAC. Au plus près d’un patient acteur de sa prise en charge, elle fait le lien entre ce dernier, l’équipe médicale, mais également avec les professionnels de ville dans l’idée d’organiser un réseau ville-hôpital. L’aspect relationnel est un élément essentiel de sa fonction. Elle doit pouvoir apaiser et rassurer le patient. De même, elle sait à quel intervenant du programme s’adresser en cas de difficultés rencontrées par le patient au moment de son retour à domicile. »
* Le Groupe francophone de réhabilitation améliorée après chirurgie (Grace), décerne un label aux établissements sur la base d’un cahier des charges préétabli.
Sabrina Cardoso, infirmière coordinatrice RAAC, hôpital privé Jean Mermoz de Lyon (Rhône).
Quel est votre rôle dans le programme de réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC) ?
J’accompagne le patient tout au long du parcours. La consultation RAAC préopératoire a lieu avant l’intervention, après les consultations du chirurgien et de l’anesthésiste. Je reste disponible pour le patient durant l’hospitalisation et je l’appelle après son retour à domicile pour vérifier que tout se passe comme prévu. Les patients ont mes coordonnées et peuvent me solliciter en cas de questions ou de difficultés une fois qu’ils sont rentrés chez eux. J’exerce ma fonction de coordinatrice en lien constant avec tous les intervenants dans la RAAC, y compris avec mes collègues en service. En RAAC comme en unité de soins, je contribue à la réussite du traitement sachant, par exemple, qu’une difficulté à domicile qui ne serait pas repérée et anticipée avant l’hospitalisation pourrait avoir des répercussions sur le rétablissement du patient en postopératoire, etc.
Quel est l’objectif de la consultation préopératoire ?
Toutes les étapes de la prise en charge sont abordées, depuis la préadmission jusqu’à l’organisation du retour à domicile. C’est la dernière consultation avant l’intervention et certains patients amènent une liste de questions qu’ils n’ont pas pu poser lors des précédentes consultations. Le but principal est de diminuer l’anxiété et le stress avant l’opération. Je peux proposer une séance de « résonance énergétique par stimulation cutanée* », pour laquelle je suis formée, si j’estime qu’elle peut être bénéfique pour le patient. Il s’agit aussi de dissiper tout questionnement qui pourrait gêner l’adhésion du patient au programme, indispensable à la réussite de la RAAC. Une attention particulière est portée à l’anticipation et à l’organisation du retour à domicile, autre condition de la mise en œuvre du programme.
Est-ce que vous assurez une surveillance infirmière à distance, après le retour à domicile ?
Oui, en quelque sorte. J’appelle le patient pour faire le point sur sa douleur en m’assurant de la tolérance et de l’observance du traitement antalgique prescrit. Si la personne n’est pas soulagée, j’en informe le chirurgien qui évalue l’origine de la douleur et adapte le traitement ou reçoit le patient en consultation. Je questionne aussi le patient sur la cicatrisation de ses plaies chirurgicales. Sont-elles propres ? Y a-t-il un écoulement ? Le patient a-t-il de la fièvre ? Je m’assure que la prise en charge à domicile se passe bien. Outre les soins infirmiers et la rééducation, je vérifie qu’il n’y a pas de difficulté dans les activités du quotidien. Avec la possibilité de faire intervenir l’assistante sociale de l’hôpital si une aide humaine ou technique est nécessaire.
Y a-t-il des différences en fonction des chirurgies ?
Pour la chirurgie orthopédique, j’appelle le patient le lendemain de son retour à domicile. Pour la chirurgie bariatrique, je vais voir le patient en chambre le lendemain de l’intervention, puis je le contacte une semaine après pour laisser le temps aux activités quotidiennes de se mettre en place. Les questions portent sur l’alimentation, la durée du repas, la ration alimentaire par repas et par jour, l’hydratation, la présence de difficultés respiratoires, l’absence d’hyperthermie et sur la reprise du transit en vérifiant l’absence de constipation ou de diarrhée.
* La résonance énergétique par stimulation cutanée (Resc) repose sur le contact et l’écoute du patient anxieux et/ou douloureux afin de l’accompagner vers l’apaisement.
Depuis le 1er janvier 2021, l’avenant 6 a introduit de nouvelles cotations liées aux soins dispensés dans le cadre de la RAAC.
• Séance de surveillance clinique et d’accompagnement postopératoire à domicile, incluant : la vérification de la compréhension et de l’observance des consignes et des prescriptions de sortie ; le suivi des paramètres de surveillance prescrits ; le remplissage de la fiche de suivi postopératoire ou tout autre support de collecte des informations, en cas d’anomalie, contact avec l’équipe médicale : AMI 3,9.
3 séances maximum peuvent être facturées entre J0 (retour à domicile) et la veille de la consultation postopératoire, ou à J + 6 max si non prévue.
• Séance de surveillance et/ou de retrait d’un cathéter périnerveux concernant l’analgésie postopératoire, incluant : la vérification de la compréhension des consignes ; l’évaluation de la douleur (au repos et à la mobilisation) ; la surveillance des effets secondaires, de l’étanchéité du pansement et du point de ponction ; l’appel à l’anesthésiste ou à l’équipe médicale en cas d’anomalie ; le retrait du cathéter à la date prescrite : AMI 4,2.
1 surveillance maximum par jour pendant 3 jours consécutifs maximum si présence d’un aidant à domicile ; 2 surveillances maximum par jour pendant 3 jours consécutifs maximum en l’absence d’aidant à domicile.