LES VERBATIMS PATIENTS PASSENT AU MACHINE LEARNING
EXPÉRIENCE PATIENT
JE DÉCRYPTE
LE MOIS EN BREF
La start-up EntendsMoi, qui analyse les verbatims des patients, a conclu un partenariat avec six établissements de santé expérimentateurs avant de commercialiser sa solution courant mai. Son offre ? Tirer des enseignements des retours patients afin d’améliorer la prise en charge.
Recueillir la parole des patients après un séjour à l’hôpital c’est bien, mais encore faut-il exploiter ces données. Ce qui est loin d’être simple. C’est cette problématique qui a inspiré la start-up lyonnaise EntendsMoi : « Nous avons développé un algorithme permettant d’analyser la parole libre et écrite des patients, c’est-à-dire les réponses à des questionnaires contenant des réponses ouvertes », explique Guillaume Rousson, masseur-kinésithérapeute, directeur scientifique et cofondateur de la start-up. Pour « entraîner » l’algorithme, la structure a conclu un partenariat avec six établissements hospitaliers(1) lui permettant de disposer des questionnaires e-Satis. Ces derniers mesurent la satisfaction et l’expérience des patients hospitalisés pendant plus de 48 heures en service de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), en chirurgie ambulatoire ou en soins de suite et de réadaptation (SSR). « Ce questionnaire, auquel 20 à 30 % des patients répondent, est validé par la Haute Autorité de santé, fait savoir Delphine Blanchard, patiente experte et directrice de la communication d’EntendsMoi. Il comporte deux questions ouvertes permettant de savoir ce que les patients ont retenu de positif et de négatif de leur séjour. »
La start-up a lancé son projet après avoir obtenu des lettres d’intention de la part des établissements hospitaliers et ainsi être certaine de disposer de suffisamment de données pour entraîner son algorithme. À ce jour, ce sont environ 100 000 retours patients issus de ces partenariats qui ont été traités de façon sécurisée et anonyme. « Nous recevons les verbatims en format numérique afin que notre outil d’intelligence artificielle analyse les récits expérientiels des patients souvent non exploités », précise Delphine Blanchard. L’opération, qui a débuté en janvier, devrait durer jusqu’en mai, date annoncée de la commercialisation de la solution Verbatim.care. Les verbatims sont analysés selon douze thématiques parmi lesquelles l’admission, les chambres, la prise en charge, le personnel, l’alimentation, les repas ou encore les locaux. Et se déclinent en 54 leviers d’action. En ce qui concerne les repas, par exemple, les éléments portent sur la quantité, la qualité, la présentation, l’heure où ils sont servis, s’ils sont adaptés à la religion ou aux préférences des patients. Des items sont également dédiés à l’attente avant la prise en charge ou à la gestion de la douleur. « C’est en lisant des verbatims et en travaillant avec les établissements de santé que nous avons pu les affiner », explique Guillaume Rousson. Dernier élément dont l’algorithme tient compte : l’analyse des sentiments des patients.
Le Machine Learning permet, sur la base de ces informations, de proposer des tableaux de bord aux équipes, lesquels peuvent ainsi se focaliser sur des problématiques concrètes du service et travailler à des actions à mettre en place pour améliorer l’offre de soins. « Nous classons les indicateurs par priorité en fonction du métier de la personne amenée à regarder le tableau de bord pour permettre à chacun de prioriser au mieux les actions », fait savoir Guillaume Bézie, cofondateur et directeur général d’EntendsMoi. Le prix de la solution dépend d’ailleurs du nombre d’acteurs accédant au tableau de bord. « Généralement, ce sont les directions et les ingénieurs qualité, les chefs de service et les cadres de santé qui y ont accès, fait savoir Guillaume Rousson. Mais à titre d’exemple, dans l’un des établissements de santé, la cadre de santé nous a informés qu’elle souhaitait que le tableau de bord soit exportable en format PDF afin qu’elle puisse le partager avec son équipe pour définir ensemble les prochains projets de l’expérience patient. »
Pour la mise en œuvre de ce travail, l’équipe de la start-up organise, avec chacune des structures de soins, deux ateliers de codéveloppement avec l’ensemble des parties prenantes impliquées dans le parcours de la personne hospitalisée (direction qualité, direction de l’expérience patient, directions métiers, professionnels de santé, représentants des usagers et patients partenaires) afin d’évoquer le fond et la forme du tableau de bord. Puis, au fur et à mesure de l’avancement du projet, les établissements pilotes, devenus des ambassadeurs de la solution, poursuivront les échanges avec l’équipe pour constamment améliorer la solution.
Le centre hospitalier universitaire de Nice (Alpes-Maritimes), le Groupement hospitalier Nord-Dauphiné (Isère), la clinique Trénel de Sainte-Colombe (Rhône), l’hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine), l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, et les Hospices civils de Lyon (Rhône).
Richard Rolland, cadre supérieur de santé, coordonnateur en gestion des risques au sein de la cellule Qualité sécurité et gestion des risques du Groupement hospitalier Nord-Dauphiné (Isère).
« Nous sommes en phase d’expérimentation de la solution, nous ne pouvons donc pas encore valoriser totalement son apport. Néanmoins, nous y trouvons un intérêt non négligeable pour ce qui concerne l’exploitation des verbatims liés aux enquêtes internes ou aux questionnaires e-Satis. Chaque année, le service qualité en reçoit entre 1 500 et 2 000 à analyser, ce qui s’avère très compliqué. Avec Verbatim.care, nous pouvons prendre en compte des données jusqu’alors non exploitées. La solution permet également d’objectiver des données subjectives en traduisant de manière pertinente la parole des patients via des indicateurs. Nous obtenons ainsi des données synthétisées sous forme schématique. Cette exploitation des verbatims permet à l’établissement de valoriser la prise en compte des droits des patients ; c’est un intérêt certain par rapport aux attendus de notre démarche de certification. Enfin, les verbatims des patients mettent en évidence de nombreux éléments positifs, et c’est satisfaisant de pouvoir les valoriser pour nos professionnels. »