“ON A LE SENTIMENT D’ÊTRE ABANDONNÉS AU MILIEU DU GUÉ”
ÉDITO
Rédactrice en chef de L’INFIRMIÈR.E
On ne peut parler de coïncidence tant la situation est récurrente. En cette fin de campagne présidentielle (à l’heure où nous mettons sous presse), les urgences des hôpitaux reviennent en force dans l’actualité, prises en étau entre le manque chronique de personnel et une situation sanitaire tendue, les épidémies hivernales plus tardives et la sixième vague de Covid venant gonfler le flux des patients. On ne compte plus les cas de fermetures ou de désorganisations des services, parfois même de plans blancs touchant petits et gros établissements. « C’est dramatique, du jamais-vu », se désolait Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France, interrogé par APMnews. Démissions en chaîne et difficultés à recruter auxquelles viennent se greffer les aléas, comme les départs à la retraite ou les congés maternité, font de la gestion des ressources humaines un véritable casse-tête dans les établissements de santé. À cela s’ajoute encore la dégradation de la permanence des soins, en baisse.
Ce regain de tension dans les services d’urgences, qui cristallisent à eux seuls les difficultés des hôpitaux, révèle une fois de plus l’état critique dans lequel se trouve notre système de santé, au bord du naufrage. À tel point que le Collège de la Haute Autorité de santé, qui est sorti de sa réserve, a souhaité, dans une lettre ouverte du 31 mars, se faire l’écho des problématiques sur lesquelles les professionnels de santé l’alertent pour prodiguer des soins de qualité.
En cette fin de mandature, où les problèmes ont bien souvent été posés, révélés, discutés, quand ils n’ont pas éclaté au grand jour à la faveur de scandales et ce, dans de multiples domaines – citons, au hasard, celui de la psychiatrie moribonde, de la protection sociale à l’enfance, du grand âge – domine le sentiment d’être abandonnés au milieu du gué. Sans doute le temps a manqué mais les sujets ont pour certains été abordés bien tardivement ou ont avancé à trop petits pas.
Il en est ainsi des infirmières en pratique avancée (IPA), par exemple. Quatre ans après la publication du décret, et en dépit des ambitions affichées du Ségur d’un déploiement accéléré (3 000 soignantes supplémentaires d’ici 2022), force est de constater que le compte n’y est pas. Parce que les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions. Dernièrement, l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée évoquait la nécessité d’un modèle économique attractif (avec des grilles indiciaires à la hauteur) et l’ouverture de la primo inscription aux IPA afin de permettre leur implantation et leur pérennisation. Que dire encore de la révision du décret des compétences infirmières promis avant la fin du quinquennat dont nous n’avons pas de nouvelles…
Reste à espérer une politique plus volontariste pour sortir le système de santé de son marasme et que la conduite des mesures déjà engagées ne tombe pas en panne sèche.