Le 1er février 2022, le gouvernement a confié à l’Igas et à l’IGF une mission qui a mis en évidence les dysfonctionnements significatifs de la gestion des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Orpea.
C’est un pavé dans la mare qu’a jeté le journaliste Victor Castanet avec son livre Les fossoyeurs : révélation sur le système qui maltraite nos aînés. S’en est suivie une réaction en chaîne avec, à la demande du gouvernement, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances (IGF). Et les conclusions sont sans appel : dans le pilotage des établissements, la direction est accusée d’avoir privilégié la performance financière au détriment de la prise en charge et de l’accompagnement des résidents, tant sur le plan humain qu’organisationnel.
Les deux inspections devaient examiner les pratiques d’Orpea dans la gestion de ses Ehpad. D’après le rapport, le groupe se caractérise par une organisation très centralisée et des modes de management pouvant conduire à des dérives, notamment sur le respect des capacités d’accueil autorisées (11 % en 2019). Le pilotage des Ehpad du groupe est marqué par un fort degré de centralisation, le directeur d’établissement disposant d’une autonomie limitée. Son activité est encadrée par les très nombreuses procédures « qualité » du groupe et par le reporting budgétaire quotidien de l’établissement pour respecter les objectifs qui lui sont fixés. Une pression qui pourrait expliquer les départs sur ces fonctions qui connaissent en outre une proportion élevée de licenciements pour inaptitude (32 % sur dix ans). La mission dénonce par ailleurs la transmission de documents financiers obligatoires aux tutelles, insincères et présentant des pratiques d’imputations non réglementaires de charges sur les forfaits soins et dépendance.
Dans un contexte de marché du travail tendu, Orpea affiche une gestion des ressources humaines plus dégradée que la moyenne sectorielle. Selon la mission, les indicateurs du groupe peuvent affecter la continuité des soins : entre 2019 à 2021, le taux de rotation de personnel présente un niveau presque deux fois plus élevé que la moyenne du secteur, et Orpea se caractérise par une sinistralité au travail plus élevée qu’ailleurs. Enfin, le groupe recourt davantage aux licenciements non économiques et n’a pas mis en œuvre de stratégie à la mesure des défis d’attractivité et de fidélisation du secteur.
Enfin, sur la question du rationnement des protections, sujet très relayé dans l’ouvrage, l’Igas et l’IGF n’ont pas identifié « de rationnement systématique » mais observent des mésusages liés au manque de formation des personnels. En revanche, s’agissant des besoins nutritifs des résidents, leur satisfaction est loin d’être systématique.