Infirmier et étudiant anesthésiste, Jérémy Guy fait le buzz sur les réseaux sociaux. À 26 ans, il est à la tête d’une communauté de près de 30 000 abonnés. Sa signature ? Des vidéos qui marient rigueur scientifique, humour et pédagogie, et au travers desquelles il porte haut les couleurs de sa profession.
Jérémy Guy : J’ai toujours été féru de vidéos. J’ai grandi avec Jamy Gourmaud, l’acolyte à lunettes de Fred dans l’émission C’est pas sorcier, puis avec les premiers YouTubeurs. En 2019, j’ai réalisé mon premier court-métrage sur le thème des accidents domestiques au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades où j’avais pris mon premier poste à la sortie de l’école. Très rapidement, j’ai eu envie de partager mon quotidien en réanimation en le rendant accessible au grand public. Il y a beaucoup de vulgarisation dans le domaine de l’histoire ou de la biologie, mais très peu dans celui de la santé. Ce qui m’a fait connaître, ce sont les vidéos que j’ai réalisées pendant le Covid, à travers lesquelles je m’étais donné comme mission de déconstruire les théories fumeuses qui circulaient. Mais je réalise aussi du contenu plus spécifique à destination des professionnels.
J. G. : Ma pierre angulaire, c’est tout ce qui tourne autour des gestes qui sauvent parce que c’est une thématique qui m’est chère et surtout que je maîtrise. Je fais notamment ma thèse sur l’arrêt cardiaque. Je suis insatiable sur ce thème et je trouve toujours des façons très différentes de le traiter selon que mes vidéos s’adressent au grand public ou plutôt aux professionnels. En dehors de cela, je suis assez éclectique. L’été, je réalise essentiellement des « cahiers de vacances de santé », à savoir des contenus en lien avec la prévention. Je réponds à des questions du type « Pourquoi les piqûres de moustique grattent ? », « Pourquoi attrape-t-on des coups de soleil ? » ou encore « Qu’est-ce que la noyade sèche ? ». Le reste de l’année, mon inspiration varie au gré de l’actualité. J’alterne cas cliniques, vidéos plus humoristiques sur mon quotidien d’étudiant, décryptage de fake news. Mais il m’arrive également de faire appel à mes abonnés pour connaître les sujets sur lesquels ils aimeraient en savoir plus.
J. G. : Pendant un an et demi, j’ai eu un comité de relecture composé de médecins et d’étudiants en médecine, qui relisait systématiquement mon script avant que je tourne mes vidéos. C’était nécessaire à l’époque car mon contenu était, je le reconnais, moins carré qu’aujourd’hui. Je le fais moins désormais, pour la simple et bonne raison que depuis que j’ai fait mon master, je sais comment utiliser les bases de données spécialisées telles que PubMed ou Google Scholar. Désormais, quand j’écris sur une thématique pointue, je m’appuie systématiquement sur les articles scientifiques les plus récents que je trouve sur ces bases et je cite mes sources. Je suis d’ailleurs assez fier de pouvoir proposer des bibliographies dans chacune de mes vidéos car tout le monde n’a pas cette rigueur. Sans compter que ça me met à l’abri d’attaques de la part d’internautes mécontents. Dans tous les cas, je me sens largement légitime pour vulgariser des sujets, surtout s’il s’agit de santé publique ou de prévention, au même titre qu’un médecin généraliste.
J. G. : Je ne m’en rendais pas forcément compte avant, mais c’est vrai que j’en rencontre encore beaucoup qui prennent ce que disent les médecins pour argent comptant. Or, ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas fait dix ans d’études qu’ils ne sont pas crédibles pour s’exprimer sur un sujet de santé. Je suis las d’entendre que les infirmiers sont les petites mains des médecins. C’est une représentation de la profession qui nous colle à la peau mais qui est complètement datée. Selon moi, il y a une réelle différence entre le fait de respecter sa place dans un service hospitalier et de parler d’un sujet dans les médias. À travers mes vidéos, je m’efforce de décrire au mieux mon métier. Je me questionne notamment beaucoup sur ses possibles évolutions et j’incite mes abonnés à en faire autant. Je suis convaincu que, au-delà du diplôme, c’est l’égalité de la démarche scientifique qui fait la légitimité des propos. Je voudrais que les actuels et futurs infirmiers acquièrent comme moi cette culture qui les oblige à actualiser régulièrement leurs connaissances. Il faudrait pour cela que, dès les premières années de formation, et pas seulement au moment de la spécialisation, on leur apprenne à avoir cette posture. Et c’est possible ! Il suffit pour cela de prendre l’habitude de lire les derniers articles scientifiques, de consulter les statistiques ou les recommandations actualisées des sociétés savantes. Un pli que j’ai commencé à prendre très tôt et qui me permet de rester à la page. C’est d’autant plus important qu’en anesthésie les recommandations évoluent tout le temps. Si l’on n’en prend pas connaissance, on devient très vite obsolètes.
J. G. : J’ai la chance de faire partie des rares vulgarisateurs en santé qui cumulent la double casquette d’IDE et d’influenceur. C’est clairement un atout pour me démarquer. Parmi mes abonnés, les deux tiers sont des soignants, dont pas mal d’étudiants qui, comme moi, ont grandi avec les réseaux sociaux et aspirent à varier les outils pédagogiques dans leur formation. Nombreux sont ceux qui me disent combien mes contenus leur sont utiles pour comprendre un sujet. Je suis aussi suivi par des formateurs qui recommandent ma chaîne. Je sais par exemple que mes vidéos tournent dans les Ifsi. Mais attention, je ne fais pas ça pour la gloire ! Mon intention a toujours été de partager, alors quand je vois que ça fonctionne, je trouve ça chouette. De la même manière, je n’ai aucun problème à dire que je ne sais pas. S’il m’arrive d’organiser des foires aux questions pour répondre de façon collégiale aux interrogations que les étudiants ou les professionnels me posent sur tel ou tel sujet, je ne le fais que dans la mesure de mes compétences. Je suis juste quelqu’un de curieux qui lit les études et qui cherche à en rendre compte.
J. G. : Entre l’école, les stages, les vidéos et ma vie personnelle, mon quotidien ressemble parfois à un vrai marathon ! Mais avec l’expérience, j’ai appris à m’organiser et j’arrive à tout concilier. Dès que j’ai un creux dans ma formation par exemple, je tourne plusieurs vidéos à l’avance pour avoir du stock. Jusqu’à présent, c’était moi qui faisais tout de A à Z, mais depuis quelque temps, je fais appel à un monteur pour gagner du temps. Je délègue aussi toutes les demandes de partenariat. J’avoue que ça m’a ôté une sacrée épine du pied ! Pour l’instant, ça fonctionne comme ça, mais je sais que ça n’est pas viable sur le long terme. Lorsque ma formation en anesthésie sera terminée, je reprendrai un poste à temps plein à l’hôpital. À terme, j’aimerais bien être infirmier anesthésiste à 80 % et me consacrer à ma chaîne un jour par semaine. Ce sont deux passions qui m’animent, alors difficile d’envisager d’en arrêter une.
Jérémy Guy est l’un des rares à combiner blouse blanche et caméra. Un double statut d’infirmier et d’influenceur qu’il cumule avec son quotidien chargé d’étudiant infirmier anesthésiste. Grâce à ses vidéos de vulgarisation en santé, qu’il poste sur sa chaîne YouTube Les Minutes de Jérémy, il captive autant les soignants que le grand public. Son secret tient en trois mots : rigueur, curiosité et passion. Il incarne ainsi une nouvelle génération d’infirmiers qui aspire à tirer le métier vers le haut. Un vrai vent de fraîcheur après plus de deux années de Covid !
2017 Obtient son diplôme d’État d’infirmier à l’Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Morlaix (Finistère).
2017-2020 Exerce aux urgences, puis en réanimation pédiatrique à l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) de Paris.
2019 Réalise son premier court-métrage intitulé Inattendu.
2020 Lance sa chaîne YouTube Les Minutes de Jérémy et intègre l’école des infirmiers anesthésistes en région parisienne.