LE DOSSIER DE SOINS IDE, CET OUTIL DE TRAÇABILITÉ
SUIVI PATIENT
J’EXERCE EN LIBÉRAL
RÉGLEMENTATION
Laure Martin* Emmanuel Neboit**
*infirmier libéral
**formateur chez Orion Santé
Composante du dossier médical, le dossier de soins infirmiers est une obligation relevant de la responsabilité des infirmières libérales. Un document de traçabilité des actes réalisés à remplir avec soin.
Selon la circulaire n° 88 du 15 mars 1985 relative à la publication du guide du service infirmier, le dossier de soins infirmiers est un « document unique et individualisé regroupant l’ensemble des informations concernant la personne soignée. Il prend en compte l’aspect préventif, curatif, éducatif et relationnel du soin. Il comporte le projet de soins qui devrait être établi avec la personne soignée et contient des informations spécifiques à la pratique infirmière ». Reposant sur la responsabilité de l’infirmière, il doit permettre l’échange et la communication entre les différents professionnels intervenant auprès du patient. Il apporte également une preuve des actes dispensés, protégeant dès lors la soignante en cas de litige avec un patient.
Historiquement, c’est l’hôpital qui a montré la voie du dossier de soins infirmiers avec l’arrivée des agences régionales d’accréditation et d’évaluation en santé [depuis remplacées par les agences régionales de santé, NDLR], qui ont inclus, dans l’accréditation des structures, la tenue d’un dossier de soins infirmiers en tant qu’outil de traçabilité, de transmissions ciblées et de coordination. Dans les années 1990, il s’agissait d’un véritable bouleversement culturel car le dossier de soins devait retracer quand et qui avait réalisé quel acte, et nommer le médecin prescripteur ; un dispositif qui paraît aujourd’hui évident mais qui, à cette époque, a marqué un changement de paradigme considérable.
En 1997, l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) a rédigé un texte de référence avec des recommandations pour la tenue du dossier de soins infirmiers à domicile, et a entériné la nécessité pour les Idels de produire ce type de document. Une évolution inscrite en 2016 dans le Code de déontologie des infirmiers, lui-même composante du Code de la santé publique, puis dans la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) (voir les références).
Depuis, le dossier de soins infirmiers est devenu obligatoire pour les infirmières libérales.
Cependant, il ne concerne que les patients requérant des soins réguliers : prises en charge de personnes généralement âgées dans le cadre de la dépendance, de patients atteints de maladies chroniques, de plaies complexes, ou encore de patients lourds avec plusieurs actes tels que des programmes de perfusions multiples sur 24 heures.
S’il n’existe pas de modèle imposé de dossier de soins infirmiers, un certain nombre d’éléments devant y apparaître font toutefois consensus.
La fiche d’identification du cabinet Celle-ci doit comporter les coordonnées de l’ensemble des infirmières titulaires, des collaboratrices et des remplaçantes, avec le paraphe et la signature de chacune des soignantes.
La fiche de consentement éclairé du patient, avec le détail des conditions d’utilisation du dossier de soins, de la confidentialité et du partage des informations, par exemple l’autorisation de prendre des photos des plaies et de les transmettre à d’autres professionnels de santé via la messagerie sécurisée.
La fiche administrative d’identification du patient avec le nom, le prénom, la date de naissance, le numéro de Sécurité sociale, les coordonnées des personnes à prévenir en cas d’urgence, la personne de confiance ainsi que l’information sur les directives anticipées (ont-elles été rédigées ?).
La fiche des autres intervenants du domicile avec leur identité et leurs coordonnées (médecin, kiné, etc.).
Une fiche de liaison « intervenants » permettant à tous les intervenants du domicile de noter les informations qu’ils souhaitent transmettre.
L’anamnèse : les Idels ont tout intérêt à retracer l’histoire de la maladie du patient, ses antécédents médicaux, ses allergies, etc., afin d’adapter au mieux la prise en charge.
La fiche reprenant les traitements, avec l’identification du patient, la date de début et de fin de prise du traitement. Il faut y joindre l’ordonnance originale pour avoir une preuve de la prescription du traitement. Idéalement, la fiche doit être signée par le médecin lorsqu’il vient en visite à domicile.
Le diagramme de soins : il en existe plusieurs modèles en fonction des soins dispensés. Il s’agit d’un outil de traçabilité et de planification des soins. Il peut être orienté « nursing », « plaie et cicatrisation » ou encore « perfusion ». Ce document regroupe l’ensemble des actes réalisés par l’Idel. Il faut qu’il soit le plus complet possible, avec la date et les cases cochées à chaque passage. Lors d’une prise en charge dans le cadre de la dépendance ayant nécessité un bilan de soins infirmiers (BSI), il faut pouvoir retrouver dans le dossier de soins toutes les interventions infirmières ou éléments de surveillance déclarés dans le BSI.
La fiche de liaison ville-hôpital à transmettre si le patient est hospitalisé. Il est déconseillé d’adresser le dossier de soins infirmiers au risque de ne pas le récupérer. Cette fiche peut être préparée en amont ou être prête à remplir avec, a minima, le traitement du jour, les coordonnées des soignants référents et les besoins de la personne soignée pour que les professionnels de santé hospitaliers disposent de toutes les informations nécessaires à la prise en charge.
Il est tout à fait possible d’utiliser un support papier tel qu’un classeur au sein duquel toutes les feuilles sont rassemblées. Mais le futur du dossier de soins infirmiers et de la traçabilité repose sur les solutions numériques. De nombreuses applications permettent de remplir le dossier de soins directement pendant la prise en charge ou juste après. Le dossier de soins infirmiers est ainsi traçant et communiquant. Lorsque les applications sont interopérables, les informations peuvent être par exemple partagées avec le médecin.
Autre avantage de la solution numérique : l’archivage. Aucun texte ne mentionne le délai d’archivage des dossiers de soins infirmiers, ce qui implique de se baser sur la jurisprudence qui le fixe à vingt ans. Le numérique a donc un avantage certain.
Plusieurs textes actent l’obligation pour les infirmières libérales de tenir un dossier de soins infirmiers :
• le rapport de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) de 1997 qui définit un certain nombre de recommandations pour la tenue du dossier de soins infirmiers du malade à domicile. En ligne sur : bit.ly/3uLfOMT ;
• l’article R 4311-3 (décret de compétences infirmières) du Code de la santé publique indique que l’infirmier « est chargé de la conception, de l’utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers » ; l’article R 4312-35 stipule que « l’infirmier établit pour chaque patient un dossier de soins infirmiers contenant les éléments pertinents et actualisés relatifs à la prise en charge et au suivi. L’infirmier veille, quel que soit son mode d’exercice, à la protection du dossier de soins infirmiers contre toute indiscrétion. Lorsqu’il a recours à des procédés informatiques, il prend toutes les mesures de son ressort afin d’assurer la protection de ces données » ;
• plusieurs articles de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) font référence à l’utilisation et à la tenue du dossier de soins infirmiers.
Concernant les prises en charge ponctuelles, par exemple un prélèvement sanguin, un retrait d’agrafes ou encore des injections d’anticoagulants à la suite d’un accident, un dossier de soins infirmiers n’est pas exigé. Une simple traçabilité est suffisante, mais absolument nécessaire et obligatoire. L’Idel doit acter ce qui a été réalisé au domicile du patient, par qui, quand et pendant combien de temps. Une feuille de papier peut suffire, tout comme la prescription de soins avec une photocopie et le paraphe de la soignante. Idéalement, il est préférable d’établir des feuillets de suivi ponctuel, avec une photocopie de l’ordonnance pour une meilleure traçabilité.