L'infirmière n° 021 du 01/06/2022

 

APPUI À LA COORDINATION

JE DÉCRYPTE

SYSTÈME DE SANTÉ

Laure Martin  

Sur un territoire, plusieurs dispositifs peuvent venir en appui des parcours de santé de la population pour des problématiques sanitaires, sociales ou médico-sociales, rendant leur intervention peu lisible. Aujourd’hui, ils se regroupent au sein des DAC. Parmi eux, le DAC 95 Sud Joséphine, particulièrement actif.

C’est un véritable empilement de structures auquel nous assistons depuis quelques années. Entre les réseaux de santé, les méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (Maia), les centres locaux d’information et de coordination (Clic), les coordinations territoriales d’appui (CTA) et les plateformes territoriales d’appui (PTA), dispositifs présents sur le territoire pour aider à l’accompagnement sanitaire, social et médico-social des usagers du système de santé, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver et de bien identifier leur offre. Pour gagner en lisibilité, ils sont donc progressivement amenés à s’unifier en un dispositif d’appui à la coordination (DAC), structure unique capable de répondre à toutes les sollicitations des professionnels et des particuliers, quels que soient la pathologie ou l’âge de la personne à accompagner (lire l’encadré ci-contre).

FUSION DES EXPERTISES

Dans le Val-d’Oise, l’association Joséphine porte le dispositif d’appui à la coordination depuis janvier 2020. Mais avant cela, « elle a développé d’autres services, et c’est justement ce cheminement et les différentes lois qui nous ont permis d’évoluer en DAC », souligne Sophie Mélan, ancienne infirmière libérale, aujourd’hui responsable de la coordination interne et territoriale du DAC 95 Sud Joséphine. L’association a débuté avec la création de deux Clic afin de répondre aux besoins des médecins libéraux pour la prise en charge de situations sociales complexes chez les personnes âgées. « Au fur et à mesure des prises en charge, nous nous sommes rendu compte que nous avions besoin, dans certains cas, d’une vision médicale approfondie, ce qui ne relève pas des Clic », ajoute-t-elle. La structure a donc monté un réseau gérontologie en 2009, puis porté une Maia. Forte de ces expériences, l’association a décidé, avec l’arrivée des DAC, de se structurer en ce sens. « Ce qui est facilitateur dans notre organisation, c’est que l’ensemble des structures portées par l’association sont réunies sous le même toit, se félicite la responsable de la coordination. Nous avons tous le même objectif, à savoir travailler avec les différents acteurs du territoire, venir en appui et être force de propositions. Nous avons donc décidé de fusionner toutes nos expertises. » Le DAC intervient prioritairement dans les parcours de santé complexes, pour les patients de tous les âges et pour toutes les pathologies. Les professionnels de santé, qu’ils soient médecins ou infirmières en libéral ou en hôpital, les travailleurs sociaux des centres communaux d’action sociale (Ccas), les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), tout comme les patients peuvent appeler le numéro unique pour une aide à la prise en charge des personnes en difficulté dans leur parcours de santé pour des raisons multiples, c’est-à-dire sociales, sanitaires ou médico-sociales. « Nous ne refusons aucune demande, mais nous pouvons réorienter vers un professionnel compétent si besoin », précise-t-elle encore.

FONCTION D’AIGUILLAGE

Le dispositif est généralement sollicité pour une demande d’appui par un professionnel de santé ou un travailleur social s’inquiétant d’une situation dégradée au domicile d’une personne, en raison d’un besoin d’ouverture de droit social, d’une problématique de santé ou encore d’une mauvaise organisation lors de la sortie d’hospitalisation. Chaque sollicitation doit normalement être retranscrite dans le Formulaire d’analyse multidimensionnelle et d’orientation (Famo), lequel permet d’argumenter une demande et de partager les différentes observations sur la situation. Deux assistantes du standard répartissent ensuite les demandes entre les deux équipes du DAC, chacune composée de cinq infirmières de coordination (Idec) et/ou d’assistantes sociales réparties sur les 34 communes du territoire couvertes par le DAC. Les assistantes peuvent elles-mêmes répondre à une demande d’information et d’orientation simples. « Elles nous transmettent une demande dès lors que celle-ci requiert une intervention », spécifie Marlène Notte, Idec au DAC 95 Sud Joséphine. L’infirmière coordinatrice de permanence prend alors immédiatement contact avec le demandeur afin d’obtenir davantage d’informations et étayer la demande. Les sollicitations qui arrivent par mail sont également traitées immédiatement.

ÉVALUATION AU DOMICILE

La mission du DAC consiste à évaluer les besoins d’une personne orientée en tenant compte de la demande de l’adresseur. « Si le professionnel nous sollicite en nous informant que telle personne est en perte d’autonomie, présente une problématique de santé et que son logement est inadapté, la mission du DAC va être d’évaluer la situation au domicile en tenant compte de ces données », explique la responsable de la coordination.

Ainsi, après avoir approfondi la demande avec l’adresseur, l’infirmière coordinatrice va prendre contact avec les professionnels de santé et médico-sociaux de l’usager pour collecter un maximum d’informations le concernant et faire le point sur les difficultés qu’ils rencontrent dans la prise en charge. Ensuite, elle va se rapprocher de l’usager pour un premier échange et fixer une date de rendez-vous pour une visite à domicile. « En cas de problématique sociale, généralement nous nous déplaçons en binôme afin d’optimiser la récolte des informations », rapporte Marlène Notte. « Nous intervenons également à deux lorsque nous sommes orientés sur des profils de personnes qui présentent des troubles psychiatriques, qui sont en rupture, pour lesquelles nous n’avons pas pu avoir tous les renseignements nécessaires et avons un doute sur le déroulement de l’entretien », ajoute la professionnelle de santé.

Lors du rendez-vous, « nous allons questionner la personne pour déterminer la façon dont elle vit sa situation, si elle peut nous expliquer ce qu’il se passe pour elle, quels sont ses souhaits », explique l’infirmière coordinatrice, précisant également qu’ils la requestionnent sur ses besoins. En fonction des réponses apportées par le patient, la soignante peut alors rebondir et l’interroger sur les aides qui sont déjà mises en place.

SOLUTIONS ET SUIVI PERSONNALISÉS

Grâce à toutes les données recueillies, l’équipe propose un plan personnalisé de santé (PPS) détaillé avec les besoins identifiés et des solutions : mettre en place des aides à domicile, encourager l’ouverture d’un dossier d’Allocation personnalisée d’autonomie ou encore accompagner la personne dans le suivi de sa santé. Toutefois, le DAC n’étant pas un effecteur de soins, le PPS va être transmis au médecin traitant du patient, qui doit alors donner son accord. « Généralement, les médecins adhèrent à notre PPS car ils nous voient comme des relais », souligne Marlène Notte.

La mise en œuvre du PPS va dépendre de chaque situation. Si la famille et le patient comprennent bien les enjeux et sont autonomes pour gérer la proposition de prise en charge, ils vont agir seuls, avec le soutien, en arrière-plan, du DAC. « Dans ce cas, nous nous assurons que les propositions se mettent bien en place », indique Sophie Mélan. Pour d’autres, l’équipe va accompagner la mise en place des intervenants, « puis, dès lors qu’ils se sont coordonnés, nous les laissons en autonomie », précise-t-elle.

Une fois que la problématique identifiée par l’adresseur est solutionnée, le DAC enclenche une procédure de clôture et de « mise à disposition » impliquant son retrait du dossier. « Mais pour certaines familles, notre intervention sera plus longue car nous devons convaincre et faire accepter la nécessité d’une prise en charge à des personnes dans le déni, dans le refus ou dans une situation très compliquée, souligne-t-elle. Pour ces cas plus complexes, nous assurons la coordination sur le long cours, parfois pendant plus de deux ans. » En cas de refus total, le dossier est clos.

Le DAC dispose en outre d’une plateforme où les équipes recensent l’ensemble les difficultés rencontrées dans l’accès aux soins et les prises en charge. « Cet observatoire, financé par l’Agence régionale de santé, vise à travailler à l’amélioration de l’offre de soins sur le territoire, indique Sophie Mélan. Cette réflexion à plus haute échelle permet d’agir sur l’organisation territoriale. »

Mettre fin au mille-feuille

Le décret du 18 mars 2021, relatif aux dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes et aux dispositifs spécifiques régionaux, acte l’organisation territoriale des dispositifs d’appui à la coordination (DAC) créés par l’article 23 de la loi relative à l’organisation et à la transformation de notre système de santé de 2019. Le texte prévoit que le DAC assure la réponse globale aux demandes d’appui des professionnels, qui comprend, entre autres, l’accueil, l’analyse de la situation de l’usager, l’orientation et la mise en relation, l’accès aux ressources spécialisées, le suivi et l’accompagnement renforcé des situations, ainsi que la planification des prises en charge. Cette mission est réalisée en lien avec le médecin traitant. Le DAC contribue, avec d’autres acteurs et de façon coordonnée, à la réponse aux besoins des personnes et de leurs aidants, et participe à la coordination territoriale qui concourt à la structuration des parcours de santé. Pour remplir ses missions, il doit regrouper l’ensemble des structures de coordination existantes sur le territoire pour ne faire qu’un et faciliter la lisibilité de l’offre pour les acteurs demandeurs.

Le DAC comme relais des Idels

Infirmière libérale à Franconville (Val-d’Oise) depuis 1994, Emmanuelle Samba a recours à l’expertise du DAC 95 Sud Joséphine lorsqu’elle constate des problématiques sociales chez ses patients en difficulté auxquelles elle ne peut apporter de réponse. « J’ai compris, avec les membres de l’équipe du DAC, que ce n’était pas nécessairement mon rôle d’effectuer cette coordination, reconnaît-elle. Eux, ils vont aller plus vite car ils disposent de l’expertise, connaissent les offres et les solutions et surtout, ils ont du temps dédié. » Par exemple, la soignante a sollicité le DAC lorsqu’elle a été appelée par un prestataire pour une perfusion à domicile chez une patiente âgée en sortie d’hospitalisation. « Cette personne n’était pas autonome, ne disposait pas de lit médicalisé et n’avait pas d’entourage pour l’aider, se souvient-elle. J’ai donc appelé le DAC pour gérer la coordination de la prise en charge, le portage des repas, etc. » L’Idel peut aussi se décharger en faisant appel au DAC afin de ne pas entrer dans une relation compliquée avec le médecin traitant ou d’avoir à jouer le rôle d’assistante sociale. Mais elle peut également être sollicitée par le DAC pour prendre en charge un patient en sortie d’hospitalisation qui n’a pas d’Idel.

TÉMOIGNAGE

Le DAC est nos yeux à domicile

Kathleen Buret, infirmière en gérontologie à l’hôpital gériatrique de L’Isle-Adam-Parmain (Val-d’Oise).

« En tant que structure hospitalière, nous signalons au DAC des situations complexes que nous rencontrons en interne. Par exemple, nous recevons en hospitalisation de jour (HDJ) des patients qui ont des troubles de la mémoire, une perte d’autonomie ou qui font des chutes à répétition et qui ont été orientés par leur médecin traitant. Au sein de l’HDJ, ils sont vus avec leur famille et leur aidant par différents professionnels, à savoir le médecin de gériatrie, l’infirmière, le kinésithérapeute, le psychologue, la diététicienne et l’assistante sociale afin de comprendre la situation et déterminer si l’autonomie est préservée. En fonction des conclusions, nous pouvons demander l’intervention du DAC pour une évaluation du domicile et voir si le plan d’aide est adapté. Le DAC dispose d’une visibilité du lieu de vie et du patient. Il est nos yeux à domicile. L’équipe nous adresse ensuite un retour écrit pour la traçabilité. Par ailleurs, lorsque le DAC intervient chez une personne à la demande d’un professionnel libéral, et que l’équipe constate une perte d’autonomie, un trouble cognitif non étiqueté, une perte de poids, elle peut aussi nous solliciter pour organiser une HDJ sans que le patient n’ait à passer par une consultation. Nous pouvons ensuite préconiser des prises en charge, mais le médecin traitant du patient doit y adhérer. Avec le DAC, nous menons un vrai travail d’équipe pour les situations complexes, nécessaire pour le bien du patient, son maintien à domicile et le soutien des aidants. »