L'infirmière n° 021 du 01/06/2022

 

JE ME FORME

PHARMACO

Florence Bontemps*   Florence Dijon-Leandro**  


*Dr en pharmacie, Défimédoc
**Dr en pharmacie

1 DE QUOI PARLE-T-ON ?

Les dermocorticoïdes regroupent l’ensemble des spécialités contenant un glucocorticoïde et s’administrant par voie cutanée. C’est le traitement de référence des dermatoses inflammatoires chroniques comme la dermatite atopique et le psoriasis.

Spécialités et indications

• La molécule initialement utilisée en 1952 était l’hydrocortisone que l’on retrouve encore aujourd’hui dans plusieurs spécialités. Certaines sont exonérées et peuvent être délivrées sans ordonnance : Cortapaisyl, CortiSédermyl, Dermofenac, Onctose hydrocortisone ; d’autres sont sur liste I : Hydrocortisone Horus Pharma, Efficort, Locoid.

• Par la suite, de nombreux dérivés ont été synthétisés :

– fluticasone propionate (Flixovate) ;

– désonide (Tridésonit, Locapred, Locatop) ;

– diflucortolone valérate (Nérisone, Nérisone Gras) ;

– bétaméthasone valérate (Bétésil, Betneval) ;

– bétaméthasone dipropionate (Diprolène, Diprosone et génériques) ;

– difluprednate (Epitopic) ;

– clobétasol propionate (Dermoval, Clarelux, Clobex).

• Les dermocorticoïdes sont parfois associés à une autre molécule :

– avec un kératolytique dans le cas de lésions squameuses ou kératoses : Diprosalic (bétaméthasone dipropionate + acide salicylique) ;

– avec un antiseptique : Nérisone C (diflucortolone valérate + chlorquinaldol) ;

– avec un antibiotique : Dermafusone (bétaméthasone valérate et acide fusidique) ;

– avec un anesthésique de contact pour soulager les piqûres d’insectes : Onctose hydrocortisone (hydrocortisone acétate + méfénidramium + lidocaïne) ;

– avec du calcipotriol dans le psoriasis : Daivobet, Enstilar et Xamiol (bétaméthasone dipropionate + calcipotriol).

Mode d’action et activité

• Les dermocorticoïdes sont anti-inflammatoires, vasoconstricteurs, immunosuppresseurs et antiprolifératifs.

• Ils sont classés selon leur niveau de puissance, ou niveau d’activité. Dans la classification internationale, les quatre classes sont :

– classe I = activité faible : Dermofenac, Onctose hydrocortisone, CortiSédermyl, Cortapaisyl, Hydrocortisone Kerapharm ;

– classe II = activité modérée : Locapred, Tridésonit ;

– classe III = activité forte : Bétésil, Betneval, Dermafusone, Diprosalic, Diprosone et génériques, Efficort, Epitopic, Flixovate, Locatop, Locoid, Nérisone, Nérisone Gras, Nérisone C ;

– classe IV = activité très forte : Diprolène, Dermoval, Clarelux, Clobex.

Formes galéniques

• Un même dermocorticoïde peut exister sous différentes formes galéniques, mais celles-ci ne sont pas interchangeables entre elles.

• Les crèmes s’adaptent à la plupart des situations cliniques, aux lésions suintantes et aux plis.

• Les pommades s’utilisent sur les lésions épaisses et sèches, mais pas dans les plis car il y a un risque de macération.

• Les lotions, gels, shampoings et mousses s’appliquent sur le cuir chevelu.

• La forme emplâtre (Bétésil) soulage le psoriasis dans des zones difficiles (coudes, genoux, tibias).

Indications thérapeutiques

• Les dermocorticoïdes sont le traitement de référence des dermatoses inflammatoires chroniques comme la dermatite atopique et le psoriasis.

• Les autres indications sont variées : dermatoses bulleuses, lupus cutané, lichen plan, cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes, mais aussi les affections plus transitoires (piqûres d’insectes ou érythème solaire).

• Le choix du dermocorticoïde dépend de la dermatose, de la surface à traiter, de l’âge du patient et du siège des lésions.

Posologie et mode d’administration

• La durée du traitement varie et s’envisage « jusqu’à guérison ». S’il dure quelques jours (eczéma), il peut être arrêté sans décroissance progressive. S’il dure plusieurs semaines (psoriasis), il doit être arrêté progressivement pour éviter un effet rebond.

• En général, une application par jour, en couche fine, suffit du fait de l’effet réservoir : stockage dans la couche cornée et relargage progressif dans les couches inférieures de la peau.

• L’unité phalangette est parfois utilisée : elle correspond à la quantité de crème déposée en continu sur la dernière phalange de l’index d’un adulte (environ 0,5 g) et permet de traiter une surface équivalente à celle de deux mains.

• Dans le psoriasis ou l’eczéma, le traitement d’entretien consiste en l’application du dermocorticoïde deux à trois fois par semaine afin d’éviter toute rechute. En cas de nouvelle poussée, le traitement quotidien doit être repris.

• Concernant les quantités maximales par semaine ou par mois, en fonction de l’âge et du poids, les données diffèrent selon les sources et ne font, pour l’heure, l’objet d’aucun consensus.

2 QUE FAUT-IL SAVOIR/SURVEILLER ?

Effets indésirables

• Les effets indésirables locaux sont favorisés par une utilisation prolongée et parfois inappropriée des dermocorticoïdes. Ils sont le plus souvent réversibles et restent rares si la prescription médicale est correctement suivie.

• Les effets indésirables locaux sont variés :

– atrophie cutanée, retard de cicatrisation, vergetures, troubles de la pigmentation (effet antiprolifératif) ;

– infections cutanées (effet immunosuppresseur) ;

– hypertrichose, acné, télangiectasies, rosacée, dermite périorale, etc.

• Contrairement aux idées reçues, les dermocorticoïdes ne sont pas photosensibilisants.

• Des effets indésirables généraux sont exceptionnellement observés : retard de croissance, diabète, hypercorticisme, etc.

Contre-indications

• Les dermocorticoïdes sont contre-indiqués sur des dermatoses infectieuses (virales ou bactériennes, dont la varicelle et l’herpès, fongiques ou parasitaires), ulcérées ou sur certaines dermatoses faciales (acné, rosacée, dermite périorale).

• Application sur les paupières : augmentation du risque de glaucome et de cataracte. Ce risque est sans doute surestimé par analogie avec les corticoïdes systémiques ; en pratique, une application sur les paupières reste envisageable sur quelques jours en cas d’eczéma.

• L’occlusion est généralement contre-indiquée (risque de majoration des effets indésirables) mais elle peut aussi être bénéfique sur quelques jours, sur des lésions très épaisses, résistantes, par exemple dans les atteintes des paumes des mains et des plantes des pieds, et parfois du cuir chevelu.

• Une allergie à la molécule active est possible. Il faut alors changer de dermocorticoïde, voire pratiquer des tests allergologiques spécifiques.

Grossesse et allaitement

• D’après le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat), les corticoïdes peuvent être utilisés chez la femme enceinte et allaitante, quels que soient la voie d’administration, la posologie, la durée du traitement et le terme de la grossesse.

• Si la dermatose reste active pendant la grossesse et/ou l’allaitement, il n’y a aucune raison d’arrêter ou d’alléger le traitement par dermocorticoïde.

RÉFÉRENCES

• Société française de dermatologie, conférence de consensus « Prise en charge de la dermatite atopique de l’enfant », texte des recommandations, 2005. En ligne sur : bit.ly/38LhwoJ

• Site du Collège national de pharmacologie médicale, « Corticoïdes locaux », 30 mai 2018. En ligne sur : bit.ly/3EeTcHu

• Leandro F., Mallet S., « Corticothérapie locale cutanée », EM Consulte, éditions Elsevier Masson, 30 juillet 2019. En ligne sur : bit.ly/3Edeq8A

• Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat), « Fluocortolone – Grossesse et allaitement », mis à jour le 13 décembre 2019. En ligne sur : bit.ly/3M8xfMS

• Aubert H., « Dermocorticoïdes : comment vaincre la corticophobie ? », Réalités thérapeutiques en dermato-vénérologie, n° 275, octobre 2018. En ligne sur : bit.ly/3xpSOVi

Les autrices déclarent ne pas avoir de lien d’intérêts

La classification française, qui fonctionne en sens inverse, doit être abandonnée pour limiter le risque de confusion.

La corticophobie

– Il s’agit de la crainte, la peur, voire le refus d’utiliser des dermocorticoïdes, facteur majeur d’inobservance qui s’ajoute aux contraintes liées à la voie locale cutanée. La corticophobie concerne aussi bien les patients que les professionnels de santé.

– Cette crainte résulte d’un mélange de méconnaissance, d’amalgame avec la voie systémique et d’idées reçues. Les médias, les notices et l’entourage entretiennent ce climat de peur.

– Les personnels soignants doivent entendre les peurs et les réticences des patients afin de pouvoir y répondre de façon claire.