LES BÊTABLOQUANTS - Ma revue n° 024 du 01/09/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 024 du 01/09/2022

 

JE ME FORME

PHARMACO

Florence Bontemps  

Dr en pharmacie, Défimédoc

1 DE QUOI PARLE-T-ON ?

Les bêtabloquants sont des antagonistes spécifiques des récepteurs bêta-adrénergiques. Il en existe une vingtaine et ils sont utilisés dans différentes pathologies, en particulier cardiaques. Leur dénomination commune se termine par le suffixe -ol.

Spécialités et formes

• Les bêtabloquants les plus connus sont l’acébutolol (Sectral), l’aténolol (Tenormine), le bisoprolol (Cardensiel), le céliprolol (Célectol), le métoprolol succinate (Logimax), le métoprolol tartrate (Lopressor), le nébivolol (Temerit), le propranolol (Avlocardyl), etc.

• Ces médicaments sont essentiellement administrés en per os, généralement en une prise, certains parfois par voie intraveineuse dans les situations d’urgence.

• L’acébutolol est disponible en solution buvable, forme destinée à l’enfant mais également aux personnes âgées ayant du mal à déglutir.

• Quatre molécules sont utilisées sous forme de collyre : bétaxolol (Betoptic), cartéolol (Cartéol), lévobunolol (Bétagan), timolol (Timoptol et génériques).

Mécanisme d’action

• Ces médicaments agissent en bloquant les récepteurs bêta (β), empêchant ainsi l’action des catécholamines endogènes (adrénaline, dopamine).

• On distingue les bêtabloquants cardiosélectifs (acébutolol, aténolol, bisoprolol, céliprolol, métoprolol, nébivolol, etc.) et les bêtabloquants non cardiosélectifs (carvédilol, labétalol, propranolol, etc.) selon leur affinité pour les récepteurs β1- et β2-adrénergiques. Les récepteurs β1-adrénergiques sont principalement présents au niveau du cœur alors que les récepteurs β2-adrénergiques sont notamment présents au niveau des vaisseaux sanguins, des bronches, du pancréas (ils sont aussi présents au niveau du cœur).

• Les bêtabloquants ont tous des effets cardiaques :

- inotrope négatif (diminution de la contractilité du myocarde) ;

- chronotrope négatif (diminution de la fréquence cardiaque) ;

- dromotrope négatif (ralentissement de la vitesse de conduction auriculoventriculaire) ;

- bathmotrope négatif (diminution de l’excitabilité du myocarde).

• L’action au niveau des récepteurs β2-adrénergiques explique certains effets indésirables (bronchoconstriction, vasoconstriction, hypoglycémie) des bêtabloquants non cardiosélectifs.

• Certaines molécules (pindolol, cartéolol, céliprolol et acébutolol) ont, de plus, une activité sympathomimétique intrinsèque, ce qui en fait des agonistes partiels et permet de limiter la survenue de certains effets indésirables.

• Le sotalol est un bêtabloquant très particulier qui a un effet inhibiteur de certains canaux potassiques qui lui procure des propriétés antiarythmiques. Son mauvais rapport bénéfices/risques fait qu’il n’a aujourd’hui pratiquement plus d’indications.

Indications

• Hypertension artérielle (HTA) :

- les bêtabloquants, autrefois largement utilisés dans l’HTA, peuvent être prescrits dans cette indication s’il n’y a pas de comorbidités, mais pas en première intention ;

- comparés aux autres antihypertenseurs, ils ont une efficacité similaire pour la prévention des accidents cardiovasculaires majeurs mais une efficacité plus faible en prévention des accidents vasculaires cérébraux ;

- à dose efficace, ils présenteraient plus d’effets indésirables que les autres antihypertenseurs et entraîneraient un risque augmenté de diabète de type 2.

• Angor, post-infarctus du myocarde et fibrillation auriculaire permanente.

• Insuffisance cardiaque (IC) :

- autrefois, les bêtabloquants étaient contre-indiqués en cas d’IC. Quatre molécules ont désormais une autorisation de mise sur le marché (AMM) : carvédilol (Kredex), nébivolol (Nébilox, Temerit), bisoprolol (Cardensiel, Bisoce) et métoprolol à libération prolongée (Selozok LP) ;

- les bêtabloquants sont recommandés en association avec d’autres traitements, mais ils doivent être introduits à très petites doses et sous la surveillance d’un cardiologue ;

- le tartrate de métoprolol à libération non modifiée (Seloken, Lopressor) n’a pas l’AMM dans cette indication.

• Autres indications :

- traitement de fond de la migraine (lire p. 19), des algies de la face, des tremblements essentiels ;

- en collyre, ils sont indiqués dans le glaucome à angle ouvert. Ils agissent en diminuant la sécrétion d’humeur aqueuse ;

- une indication dans les hémangiomes chez le nourrisson a été découverte plus récemment. Dans ce cadre, on utilise le propranolol sous forme buvable (Hemangiol).

2 QUE FAUT-IL SAVOIR/SURVEILLER ?

Contre-indications

Il existe de nombreuses contre-indications aux bêtabloquants. Les plus connues sont l’insuffisance cardiaque décompensée, les bradycardies et hypotensions symptomatiques sévères, certains blocs auriculoventriculaires, l’asthme sévère et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), et le phénomène de Raynaud.

Effets Indésirables

• Les effets indésirables les plus fréquents sont l’hypotension orthostatique et la bradycardie (ralentissement cardiaque) qui peut provoquer une fatigue lors d’une activité physique.

• Un syndrome de Raynaud est fréquent : il s’agit d’une vasoconstriction des artérioles cutanées des doigts. L’extrémité des doigts devient alors très pâle, puis bleue et enfin rouge. Le carvédilol, également alphabloquant, permet de diminuer cet effet via une vasodilatation périphérique et peut être utilisé chez ces patients.

• Les bêtabloquants, non cardiosélectifs notamment, même sous forme de collyre, peuvent aggraver un asthme ou un syndrome respiratoire obstructif (effets sur les récepteurs pulmonaires).

• Ils peuvent masquer les signes d’une hypoglycémie (sueurs, tachycardie, palpitations).

• Des troubles sexuels comme une baisse de la libido ou des dysfonctions érectiles ont été rapportés. L’utilisation de certains bêtabloquants, comme le nébivolol, permet de limiter ce type d’effet indésirable.

• Les bêtabloquants peuvent provoquer des effets indésirables centraux comme des cauchemars ou des insomnies.

Autres effets indésirables et risques

• Augmentation du nombre de récepteurs β-adrénergiques avec une utilisation chronique des bêtabloquants.

• Risque d’altération de l’adaptation de l’organisme à la chaleur en cas de canicule car les bêtabloquants empêchent la perte calorique en limitant l’augmentation du débit cardiaque.

• Augmentation de la résistance à l’insuline par leurs effets sur le métabolisme lipidoglucidique (favorisent le stockage des lipides et la prise de poids). Chez les patients prédisposés (hypertendus, par exemple), les bêtabloquants sont indirectement diabétogènes.

Interactions

• L’utilisation avec les antidiabétiques ayant un effet hypoglycémiant (glinides, insulines, sulfamides hypoglycémiants, gliptines) peut masquer les signes d’hypoglycémie : le patient peut alors ne pas sentir les signes annonciateurs et faire un malaise hypoglycémique.

• L’association de tous les bêtabloquants oraux est déconseillée avec le diltiazem et le vérapamil car cela peut provoquer des troubles de la conduction cardiaque.

Grossesse et allaitement

• Au cours de la grossesse, il est préférable d’avoir recours au labétalol en première intention et éventuellement le propranolol ou au métoprolol en deuxième intention.

• Pendant l’allaitement, la prise de labétalol est possible car l’enfant est exposé à moins de 1 % de la dose maternelle. Le propranolol est également une option possible.

RÉFÉRENCES

• Site du Collège national de pharmacologie médicale, « Les bêtabloquants ». En ligne sur : bit.ly/3ys0t5n

• Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), « Thésaurus des interactions médicamen-teuses », octobre 2020. En ligne sur : bit.ly/3NwcpHQ

• Centre de référence sur les agents tératogènes, « Bêtabloquants et grossesse », 26 février 2021. En ligne sur : bit.ly/3ytOtAD

L’autrice déclare ne pas avoir de liens d’intérêt

En règle générale, la posologie des bêtabloquants doit être diminuée lorsque la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/min. À vérifier en fonction de la molécule prescrite.

Un effet rebond étant possible à l’arrêt du traitement (tachycardie, HTA, etc.), il est recommandé de procéder à un sevrage progressif. Par ailleurs, il convient d’effectuer une surveillance régulière de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, ainsi que des signes d’hypoglycémie chez les patients diabétiques.