LES IDEC AUX MANETTES D’UN PARCOURS PATIENT EXPÉRIMENTAL - Ma revue n° 024 du 01/09/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 024 du 01/09/2022

 

HÔPITAL BÉGIN

J’EXPLORE

PRATIQUE INNOVANTE

Laure Martin  

Après avoir constaté une durée moyenne de séjour plus élevée que la moyenne nationale, l’unité Parcours patient en chirurgie de l’hôpital d’instruction des armées Bégin à Saint-Mandé (Val-de-Marne) a décidé, en 2018, de se réorganiser. La formalisation de la fonction d’Idec se déploie désormais dans le cadre d’une expérimentation article 51.

Manque de collaboration entre les acteurs, faiblesse de l’anticipation des modalités de sortie et de coordination du parcours patient : ces constats établis en 2018 ont permis d’expliquer pourquoi, au sein du service de chirurgie du centre des consultations externes de l’hôpital Bégin, la durée moyenne de séjour (DMS) des patients était plus élevée qu’au niveau national. « Nous nous sommes donc interrogés sur la formalisation d’un parcours patient coordonné, dans l’objectif de réduire cette DMS tout en répondant aux attentes des patients », explique le commandant Olivier, cadre supérieur de santé en charge du pôle médico-technique.

Cette formalisation s’est concrétisée par la réorganisation du service sur plusieurs pans. Tout d’abord, d’un point de vue géographique. « Nous avons décidé de réunir, sur une même unité, tous les acteurs clefs de la prise en charge du patient en chirurgie, à l’origine dispersés pour une meilleure communication et une fluidification du parcours », indique le commandant Olivier. C’est-à-dire les chirurgiens, les anesthésistes, le secrétariat, la cellule de préadmission chirurgicale composée aujourd’hui des trois infirmières de coordination, la gypsothérapeute et l’infirmière de soins généraux. Le patient reste ainsi au même endroit pour l’ensemble de sa prise en charge.

LA COORDINATION, DE L’INEE À L’IDEC

Parallèlement à la constitution de cette unité géographique fonctionnelle, en janvier 2019, l’équipe a décidé de former une Infirmière d’évaluation et d’éducation (Inee). Sa fonction : organiser un rendez-vous avec le patient, juste après l’entretien avec le médecin anesthésiste, pour lui transmettre davantage d’informations sur le parcours de soins, s’assurer qu’il a bien compris le déroulement de son hospitalisation, éventuellement réexpliquer la procédure chirurgicale et les suites de soins, préparer l’hospitalisation en vérifiant que tous les examens nécessaires ont été effectués et communiqués afin d’éviter le report des interventions, évaluer les besoins et le niveau de dépendance afin d’amorcer et d’organiser au mieux la sortie après l’intervention chirurgicale. Les patients de trois spécialités ont été ciblés : prothèse totale de genou en chirurgie orthopédique, prostatectomie en urologie et colectomie en chirurgie viscérale.

Deux outils ont également été privilégiés : le service de retour à domicile Prado et le logiciel ViaTrajectoire, qui propose une aide à l’orientation personnalisée pour une prise en charge en soins de suite et réadaptation (SSR), l’hospitalisation à domicile (HAD), etc. L’équipe a aussi créé un outil de suivi sur la base d’un tableur Excel dans lequel initialement l’Inee inscrivait la raison de la venue du patient et amorçait sa sortie, avant de le transmettre aux cadres au moment de son hospitalisation. « Cette solution a permis d’anticiper les besoins du patient, d’améliorer la prise en charge et de réduire son temps d’hospitalisation en lançant les démarches pour les soins postopératoires en libéral ou dans des centres de convalescence », précise le commandant Olivier. Une organisation rassurante pour le patient et sa famille. Après sept mois d’étude, l’équipe a constaté une réduction de la DMS de trois jours en chirurgie orthopédique et de deux jours en chirurgie viscérale.

UN PARCOURS PATIENT STRUCTURÉ

Cette phase, désormais considérée comme préparatoire, a permis d’amorcer une nouvelle organisation au sein du service. Car, parallèlement à cette première expérimentation, d’autres modalités de prise en charge se sont progressivement déployées avec la chirurgie ambulatoire ou encore la mise en place de l’hospitalisation chirurgicale en JO, le jour-même de l’intervention. « Avec ces évolutions, nous avons alors réfléchi à la mise en place d’un parcours patient en chirurgie plus global », rapporte le commandant Olivier. Cela a conduit à la création d’un poste d’infirmier bed manager et à la fusion du poste de l’Inee avec celui de l’Infirmière de coordination (Idec) du parcours ambulatoire, préexistant. « L’Inee ne voyait que les patients de chirurgie conventionnelle, et l’Idec uniquement ceux en ambulatoire, rapporte le commandant Olivier. Les deux postes ont donc fusionné pour recevoir l’ensemble des patients de chirurgie et non plus uniquement ceux pris en charge pour une prothèse totale de genou, une prostatectomie et une colectomie. »

UN PAIEMENT À L’ÉPISODE DE SOINS EXPÉRIMENTÉ

Cette organisation a encore évolué récemment avec la mise en place d’une expérimentation article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2018 (lire encadré ci-dessus) à laquelle les chirurgiens orthopédistes et viscéraux ont souhaité participer. Un paiement est effectué à l’épisode de soins pour les prises en charge chirurgicales de la colectomie pour cancer, et les prothèses totales de hanche et de genou. Ainsi, depuis septembre 2021, l’hôpital développe ce nouveau dispositif, qui impose des modalités supplémentaires d’organisation. « Dans le cadre de l’article 51, les patients sont davantage suivis que les autres, notamment parce que les interventions concernées sont considérées à plus haut risque », précise le major Émilie, Idec. Les patients sont inscrits par les Idec sur la plateforme EDS (épisode de soins) sur ameli.fr. Ils sont également appelés sept jours avant l’intervention pour un bilan préopératoire. « Nous nous assurons que tous leurs examens ont été réalisés en vue de l’opération et nous en profitons pour valider le futur relais ville-hôpital avec les mêmes outils que pour les autres patients, à savoir le Prado et ViaTrajectoire », explique le major Émilie. Lorsque le patient est sorti d’hospitalisation, l’Idec le rappelle à J+7 de la chirurgie pour s’assurer que la suite des soins se déroule bien. Les trois Idec remplissent le même rôle. « Nous travaillons en collaboration et nous nous répartissons la prise en charge des patients, explique l’adjudant-chef Michèle, Idec également. Généralement, celle qui a reçu un patient intégré dans le dispositif de l’article 51 le suit jusqu’à l’issue de sa prise en charge. » Le dossier est considéré comme clos à partir du moment où cette dernière et la post-hospitalisation sont organisées. Il est alors transmis à la bed manager, qui prend le relais. « Elle s’assure que le patient a bien un point de prise en charge post-intervention, indique le commandant Olivier. Elle peut ainsi connaître sa date de sortie, donc la date à laquelle le lit est libéré, ce qui permet de fluidifier le parcours et d’optimiser le taux d’occupation des lits. » À la fin de l’expérimentation, il n’est pas exclu que ce focus plus poussé mis en place pour ces patients soit étendu à l’ensemble des prises en charge en chirurgie si les résultats sont concluants.

Savoir +

CE QUE DIT L’ARTICLE 51

L’article 51 de la LFSS pour 2018 fixe un cadre expérimental portant sur la réforme de l’organisation et du financement du système de santé. Il permet d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits, à condition qu’elles contribuent à améliorer le parcours des patients, l’efficience du système de santé ou encore la pertinence de la prescription des produits de santé. Le paiement à l’épisode de soins est l’une des nouvelles modalités de financement expérimentées. Il s’agit de tester la mise en place d’un modèle prévoyant un paiement forfaitaire cible pour l’ensemble des prestations définies dans un épisode de soins donné. Elle poursuit un objectif d’amélioration de la qualité et de la sécurité des prises en charge, de l’efficience des soins et de la satisfaction des patients. Le forfait comprend toutes les dépenses inscrites dans le périmètre défini de l’épisode de soins, ville et hôpital, pré, per et postopératoire, la coordination. Il intègre aussi le risque de réhospitalisation et prend en compte la qualité des soins.