LOGICIELS DE GESTION : SAVOIR DÉCRYPTER LES OFFRES - Ma revue n° 024 du 01/09/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 024 du 01/09/2022

 

ÉQUIPEMENT

J’EXERCE EN LIBÉRAL

GESTION

Laure Martin  

Il est l’un des plus fidèles compagnons des infirmières libérales (Idels). Mais pour qu’il le reste, il doit cocher de nombreuses cases. Alors, comment bien choisir son logiciel de gestion de cabinet et de facturation ?

Sur le marché des éditeurs de logiciels destinés aux Idels, la concurrence est rude. Tous proposent de nombreuses fonctionnalités afin de s’adapter à la tournée et à la gestion du cabinet. L’une des principales : être agréé solution Scor, pour scannérisation des ordonnances, afin de faciliter leur réception et leur archivage par l’Assurance maladie. Outre la télétransmission et la facturation aux organismes payeurs, les solutions des éditeurs permettent, de façon variable, d’élaborer et de remplir le dossier de soins des patients, d’organiser la tournée, de partager des données avec les infirmières du cabinet, d’échanger via une messagerie sécurisée ou par tchat, de se coordonner avec d’autres soignants ou encore de faire sa comptabilité.

PRIORITÉ À LA SIMPLICITÉ D’UTILISATION

Face à toutes les solutions qui existent, pour quel outil opter ? Le choix doit reposer principalement sur le mode d’exercice des infirmières libérales, leur appétence ou non pour l’informatique ou encore les appareils qu’elles utilisent le plus (téléphone, tablette, ordinateur). Toutefois, la solution doit à la fois être simple et efficace. « Notre objectif est d’aider les Idels à gagner du temps pour se concentrer sur les soins et ce, alors même que la cotation des actes est de plus en plus complexe », souligne Christian Morin, directeur d’Infimax.moov. « Les Idels sont des soignantes et non des informaticiennes ou des comptables, les logiciels doivent donc être faciles à utiliser », ajoute Thomas Junillon, responsable du service clients chez Epsilog, créateur de Vega. Pour certaines Idels, une solution qui tient compte de leur mobilité est déterminante, avec notamment une application sur téléphone ou tablette. Simply Vitale, par exemple, a fait le choix d’une tablette qui rassemble toutes les fonctionnalités : facturation, télétransmission, assistant à la cotation, dossier de soins infirmiers, planification des tournées, partage des données, et deux lecteurs intégrés (cartes Vitale et CPS). « Cette tablette est vraiment très pratique, notamment chez le patient, pour la mise en place du traitement, le partage des informations avec nos collègues, témoigne Pascale Vergnes, Idel à Puy-l’Évêque (Lot). L’outil est facile à transporter car il est n’est pas lourd et peut être rangé dans un étui avec une poignée. »

ACCESSIBILITÉ EN TOURNÉE

Chez CBA Informatique Libérale, éditeur d’Agathe YOU, cette simplicité se traduit par une solution accessible en mobilité, directement depuis le téléphone portable de la professionnelle de santé qui n’a pas à acheter de matériel. « Nous avons souhaité mettre l’accent sur la praticité et la légèreté, indique Juliette Pajot, cheffe de projets marketing et communication. L’application a été conçue pour accompagner et guider l’Idel dans sa tournée, avec des étapes à suivre pour facturer afin qu’elle puisse en faire un maximum au fil de l’eau et terminer sa tournée, sans avoir à gérer l’administratif. » « L’application est accessible sur mon téléphone, ce qui est pratique et adapté à mon mode d’exercice, témoigne Julien Grizzetti, Idel à Meudon-la-Forêt (Hauts-de-Seine), qui a choisi d’utiliser Agathe YOU. Entre deux patients, dans l’ascenseur, je note les transmissions et effectue ma facturation. » Le logiciel Agathe YOU propose également un lecteur Ted qui, contrairement aux terminaux lecteurs autonomes (TLA), ne requiert pas de chargement ou de déchargement des factures. « Je n’ai plus à tout préparer avant de partir en tournée, c’est un vrai gain de temps », ajoute le soignant.

Il est conseillé aux Idels d’un même cabinet de choisir le même outil pour pouvoir gérer en commun la tournée, les patients, la facturation et les données. « Leur logiciel doit leur permettre de se partager les informations, dont le dossier de soins », rappelle Juliette Pajot. De nombreux éditeurs facilitent également la coordination et les échanges, notamment par tchat ou par messagerie sécurisée. « Disposer d’une même solution permet d’être plus efficace et efficient », ajoute la cheffe de projets. Avec un hébergement des données qui doit être hautement sécurisé, ce qui est la norme aujourd’hui.

UN SERVICE APRÈS-VENTE INDISPENSABLE

Autre élément indispensable : les relations avec le service clients et le service technique. Pour savoir si l’éditeur offre un service adapté, rien de tel qu’une enquête de proximité auprès d’autres soignants ; dans ce domaine, le bouche-à-oreille et la réputation fonctionnent. « La qualité de service doit énormément compter dans le choix de l’infirmière libérale, soutient Thomas Junillon. Si la soignante rencontre un problème avec sa solution en pleine tournée, elle doit pouvoir être dépannée rapidement. » Vega propose une assistance avec une prise en main à distance des ordinateurs, sans avoir à attendre l’intervention d’un technicien. « Les Idels nous confirment avant tout rechercher un partenaire de confiance, renchérit Mickael Andissac, directeur régional chez Simply Vitale (RM Ingénierie). Elles ont besoin d’être rassurées. Lorsqu’elles sortent du milieu hospitalier, elles ne connaissent rien à l’exercice libéral et souhaitent un partenaire pour être accompagnées sur le terrain, conseillées et orientées. » L’un des points forts de Simply Vitale ? Un contact humain sur le terrain avec des conseillers répartis dans toute la France. « Le service après-vente est vraiment indispensable, et avec Simply Vitale, je n’ai jamais eu de souci avec l’assistance. D’ailleurs, il m’est arrivé d’avoir un problème avec ma tablette et en 48 heures elle était remplacée sans aucune perte de données », fait savoir Pascale Vergnes.

De son côté, Infimax.moov met à disposition de l’Idel un conseiller clientèle qui sera son référent. « Ils vont être en relation permanente pour expliquer l’usage de la solution en fonction des besoins, accompagner et guider dans l’usage du logiciel, ce qui permet de nouer une relation de confiance », met en avant son directeur, Christian Morin.

LE PRIX ET L’ENGAGEMENT

Dernier point et non des moindres : le coût et l’engagement demandé par l’éditeur pour souscrire à l’offre. De nombreux acteurs intervenant sur ce marché, L’Infirmièr.e en a consulté quelques-uns afin d’obtenir un aperçu assez large de l’offre avec des tarifications variées.

Du côté de Simply Vitale, le montant dépend de la durée de l’engagement. L’intégralité de l’offre est accessible sur tablette pour 115 euros par mois pour un engagement de trois ans, et 139 euros par mois sans engagement. S’ajoute à cela une option comptable d’un montant de 8 euros par mois et une option de sauvegarde en ligne sécurisée des données à 10 euros par mois.

CBA Informatique propose sa solution Agathe YOU pour 119 euros par mois pour un engagement sur 24 mois, avec l’accès au logiciel/application, ainsi que la location et la maintenance du Ted. En outre, une formule à 239 euros par mois permet d’avoir accès à la « facturation assurée », c’est-à-dire la gestion des rejets et des impayés. « J’ai choisi cette formule, car les impayés sont ingérables pour moi, rapporte Julien Grizzetti. Certes, cette option me coûte de l’argent, mais me décharge. »

Vega propose un forfait de 41,50 euros par mois, sans engagement, qui regroupe l’ensemble des fonctionnalités, à savoir le logiciel et l’application de gestion du cabinet avec la création de dossier patient et la comptabilité intégrée. « Nous n’obligeons pas les Idels à acheter le matériel chez nous car notre solution est accessible sur les outils qu’elles possèdent déjà », indique Thomas Junillon. Toutefois, si les professionnelles de santé souhaitent la tablette et le lecteur de carte Vitale, le forfait sera de 95 euros par mois avec un engagement de trois ans.

Quant à Infimax.moov, sa solution accessible sur ordinateur, tablette ou téléphone avec la gestion de patients, l’organisation du cabinet, de la tournée, la messagerie collaborative autour de la prise en charge des patients, le partage de la base de données, et le traitement des rejets et des impayés est à 39 euros par mois, sans engagement. La location du lecteur de carte Vitale coûte 26 euros par mois, sans engagement et sans caution.

Il ne reste plus qu’à faire son choix !

TÉMOIGNAGE

“Le logiciel est vraiment intuitif”

Jennifer Ducru, Idel à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne).

« Lorsque je me suis installée il y a quinze ans, le choix de mon logiciel et ma comptabilité représentaient mon stress principal. J’ai choisi mon éditeur après avoir suivi une réunion avec des consœurs : toutes utilisaient Vega. J’aime l’approche de cet éditeur, son logiciel intuitif et sa maintenance informatique rapide avec des horaires d’ouverture très larges. J’ai failli en changer lorsque le logiciel a été modifié mais j’ai été accompagnée et j’ai décidé de rester. J’ai acheté la tablette avec un clavier pour m’en servir chez moi. Je ne l’amène pas chez mes patients car lorsque je suis chez eux, je préfère me consacrer pleinement à eux et gérer l’administratif après ma tournée. C’est d’ailleurs pour cette raison que je n’ai pas choisi de logiciel sur un téléphone car cela ne correspond pas à ma pratique. »

TÉMOIGNAGE

“La mutualisation des tournées est une révolution”

Cécile Gomiero, Idel à Toulouse (Haute-Garonne).

« Lorsque je me suis installée en 2009, j’avais un Mac et il n’y avait qu’Infimax.moov qui était compatible. J’ai commencé par faire ma comptabilité avec leur logiciel. Et comme leur solution fonctionnait bien, je suis allée plus loin. Pour moi, la révolution, c’est lorsqu’ils ont mis en place la mutualisation des tournées. Ma collègue a alors migré sur le même logiciel, ce qui nous permet à chacune de rentrer toutes les informations sur nos patients et de les partager. Depuis, dans ce domaine, leur logiciel n’a fait que progresser. Ainsi, avec sa carte professionnelle, ma remplaçante peut avoir la main sur le logiciel et rentrer toutes les informations concernant la prise en charge des patients. Comme nos données sont mutualisées instantanément, c’est un gain de temps. La facturation en découle. J’utilise la solution sur mon ordinateur car c’est plus pratique et plus simple pour mon organisation. »

ÉTHIQUE ET SOINS AU QUOTIDIEN

Par Marie-Claude Daydé, infirmière libérale

[L’alimentation a aussi une symbolique affective et relationnelle]

« Je n’en peux plus ! Je lui prépare tout ce qu’il aime et il refuse de manger. Il faudrait lui mettre une sonde sinon il va mourir de faim… » C’est ce que vous confie madame C. qui aide aux repas son mari de 80 ans, en situation palliative d’un cancer des poumons. Nourrir, symbolique de la vie, est souvent associé à l’idée de bienfaisance. Mais lorsque la stimulation devient déraisonnable, le principe de bienfaisance peut être remis en question. Aider les proches à comprendre les causes, souvent liées à la pathologie, à l’âge, mais aussi le sens du refus peut permettre d’éviter de la « maltraitance au quotidien » qui consisterait à nourrir la personne contre son gré. L’évaluation de la situation doit prendre en compte la dimension cognitive pour respecter au mieux l’autonomie de la personne dans ses décisions. En situation palliative, il existe souvent une anorexie et l’alimentation dite « plaisir » est privilégiée dans la mesure où c’est le patient qui choisit ce qu’il veut et/ou peut manger. La balance bénéfices/risques (inconfort, fausses routes, infections pulmonaires, etc.) est à prendre en considération en s’appuyant sur une réflexion d’équipe dans laquelle l’évaluation de l’orthophoniste est intéressante (troubles de la déglutition, texture des aliments, etc.). L’alimentation artificielle par sonde, suggérée par l’épouse du patient, est considérée comme un traitement qui peut altérer la qualité de vie. Dans le respect du principe d’autonomie de décision, lorsque le malade ne peut plus exprimer ses souhaits, il est important pour le médecin de savoir si celui-ci a rédigé des directives anticipées et s’il y a précisé ce qu’il considère comme un traitement déraisonnable.

Mais l’alimentation a aussi une symbolique affective et relationnelle. Les proches, qui ont beaucoup investi dans cette relation via la nourriture, peuvent se trouver en difficulté lorsqu’elle s’arrête. D’où l’importance de les aider à entretenir autrement la relation pour le temps qui reste.