ACCIDENT D’EXPOSITION AU SANG : LA MARCHE À SUIVRE
PRISE EN CHARGE
J’EXERCE EN LIBÉRAL
RISQUES DU MÉTIER
Laure Martin* Céline Poulain**
*cadre supérieure de santé hygiéniste, au Centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPias) des Pays de la Loire.
Dans le cadre de leur exercice professionnel, le risque d’accident d’exposition au sang (AES) des infirmières libérales est réel. Comment s’en protéger ? Et comment le gérer s’il survient malgré tout ?
Un accident d’exposition au sang (AES) se définit comme tout contact de sang ou de liquide biologique contenant du sang avec une effraction cutanée, une muqueuse ou une peau lésée. Sont assimilés à des AES, les accidents survenus dans les mêmes circonstances avec d’autres liquides biologiques tels que les sécrétions génitales, les liquides cérébro-spinal (LCS), synovial, pleural, péritonéal, péricardique ou encore amniotique. L’une des problématiques repose sur le fait que le sang n’est pas toujours visible. C’est le cas par exemple si un patient a une plaie en bouche. Sa salive peut contenir du sang qui n’est pas nécessairement visible. C’est également le cas dans les urines ou encore dans la lymphe.
La survenue d’un AES peut être favorisée par :
→ le comportement agité du patient lors de la réalisation de soins ;
→ le retrait de dispositifs contenant du sang ou des liquides biologiques (perfusion, drain, sonde urinaire, etc.)
Face à une telle situation, il est nécessaire pour l’Idel d’identifier le risque, sans le sous-estimer. Si elle s’est coupée ou piquée, aucun doute, le risque est élevé. Ce dernier est essentiellement lié au VIH, VHC et VHB. Cependant, plus de 50 pathogènes différents peuvent être transmis après un AES. Dans tous les cas, plusieurs étapes doivent être respectées afin d’éviter au maximum la possibilité d’une infection.
Arrêter le travail en cours pour réaliser les premiers soins, dans la mesure du possible, doit être la priorité du professionnel. En cas de piqûre ou de coupure, il ne faut pas faire saigner la lésion ni accentuer le saignement. L’Idel doit laver la plaie à l’eau et au savon afin d’enlever le plus de matières organiques possible et désinfecter pendant au moins cinq minutes avec, de préférence, un dérivé chloré. Pour les yeux, il faut laver à grande eau ou au sérum physiologique.
Interroger le patient, à l’écart de sa famille ou de ses proches, sur sa situation sérologique et les pathologies éventuelles ou tout comportement à risque qui, potentiellement, peuvent l’avoir contaminé (multipartenaires). Même si le patient assure ne pas être porteur de maladies transmissibles, l’Idel doit s’en assurer. Elle doit, avec son accord, lui faire un prélèvement sanguin au vu d’un dépistage des sérologies VIH, VHB et VHC.
En cas d’impossibilité du patient de s’exprimer, il peut être opportun de demander l’autorisation à la personne de confiance ou à l’aidant.
Contacter ensuite l’infectiologue référent AES de son territoire ou les urgences - les démarches sont territorialisées et non nationales. Une prise en charge, pour être optimale, doit avoir lieu dans les quatre heures qui suivent l’AES, notamment en cas de risque de contamination au VIH. L’Idel doit porter à la connaissance du professionnel de santé la prenant en charge, toutes les informations qu’elle a pu récolter. Il va ainsi pouvoir vérifier sa situation vaccinale et immunitaire vis-à-vis des hépatites et évaluer le risque infectieux. La gravité d’un AES est définie en fonction de l’analyse d’un certain nombre de critères : la sévérité de l’exposition, la profondeur de la blessure, l’acte pratiqué (geste en intravasculaire), le matériel en cause (utilisation d’une aiguille creuse de gros calibrage), le port ou non de protection au moment de l’accident, le statut sérologique du patient source ou encore le liquide biologique responsable.
Dans tous les cas, dès lors qu’elle est prise en charge, l’Idel va avoir une prise de sang à J0, afin de déterminer si elle est déjà porteuse - même si elle l’ignore - d’une maladie. Une démarche déterminante pour la reconnaissance de l’accident du travail. Elle sera de nouveau prélevée à trois mois, six mois puis un an pour le suivi.
Si le patient est porteur d’une maladie, un traitement curatif peut être proposé à l’infirmière victime de l’AES, après avoir mesuré les risques et les bénéfices, ces traitements étant relativement lourds.
En fonction des soins, les Idels peuvent se protéger en portant des équipements de protection individuelle (EPI), afin d’éviter les risques liés aux AES.
Porter des gants, en cas de risque de contact avec du sang ou tout autre produit d’origine biologique, avec les muqueuses ou la peau lésée d’un patient, en cas de lésion cutanée de ses propres mains, en cas de contact avec des surfaces, matériels, linges ou déchets souillés et pour manipuler des objets piquants et tranchants. Car même en cas de coupure ou de piqûre, le gant apporte une couche de protection permettant de réduire la contamination.
Respecter les bonnes pratiques lors de la manipulation d’instruments piquants ou coupants souillés, à savoir ne jamais recapuchonner les aiguilles, ne pas désadapter à la main les aiguilles des seringues vides, jeter immédiatement et sans manipulation les aiguilles et autres instruments piquants ou coupants dans un conteneur adapté situé à proximité, nettoyer le matériel et les surfaces souillés. En cas d’usage de matériel réutilisable, dès lors qu’il est souillé, il faut le manipuler avec précaution et en assurer rapidement le traitement approprié.
Porter des lunettes, un masque et une surblouse en fonction des soins, notamment en cas de risque de projection de sang ou de produits biologiques potentiellement contaminants.
Transporter dans des emballages étanches appropriés et fermés, les prélèvements biologiques, le linge et les instruments souillés par du sang ou des produits biologiques. Ils doivent ensuite être traités ou éliminés si nécessaire selon des filières définies.
Les Idels ont tendance à sous-estimer et à ne pas déclarer leur AES, l’un des freins majeurs étant de devoir se rendre aux urgences sans être identifiées comme un personnel prioritaire. Elles préfèrent alors assurer la visite chez leurs patients. L’idéal est donc qu’elles aient, à disposition, les coordonnées d’un hôpital référent pour un premier avis téléphonique.
Par ailleurs, au-delà de l’accessibilité aux soins, la problématique pour certaines Idels est assurantielle. Pour être financièrement prises en charge, elles doivent souscrire une assurance volontaire couvrant les accidents professionnels (accidents du travail/maladies professionnelles). Il leur est également recommandé de souscrire une prévoyance. Cependant, toutes les assurances ne couvrent pas les AES en accidents du travail. Il est impératif de vérifier ce point avant toute souscription. Le médecin référent AES pourra ensuite rédiger un certificat médical initial d’accident de travail pour la prise en charge assurantielle.
• Les Idels peuvent disposer d’une liste d’infectiologues référents transmise par le Comité régional de lutte contre le VIH (Corevih) ou leur Agence régionale de santé.
• Des infectiologues référents AES sont également souvent rattachés au centre hospitalier local ou au CHU.
• Le Centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPias), a par ailleurs élaboré une liste nationale de contacts. Elle a été transmise à tous les CPias régionaux, qui se sont engagés à relayer le QR Code permettant d’accéder à la liste régionale via notamment les Unions régionales des professionnels de santé (URPS) infirmiers.