L'infirmière n° 026 du 01/11/2022

 

JE DIALOGUE

Laure Martin  

Élu président de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS) fin septembre lors de son dernier congrès, David Guillet, infirmier libéral en activité, s’est engagé dans la promotion de l’exercice coordonné depuis plus de quinze ans. Rencontre.

Mandater un infirmier à la tête de la FCPTS, est-ce un choix stratégique du conseil d’administration ?

David Guillet : Nous étions d’abord deux à être pressentis pour les élections, en sachant que depuis cinq ans, j’étais le premier vice-président de la Fédération. Après quelques mois de réflexion en équipe, je suis le seul à avoir déposé ma candidature. J’ai été élu à l’unanimité du conseil d’administration. Ma désignation s’inscrit dans la continuité de la précédente mandature, mais le signal est fort, car c’est la première fois qu’une fédération nationale dans le domaine de la santé est présidée par un non-médecin. Je ne veux pas en faire un totem, mais cette décision est significative d’une évolution des mentalités qui a débuté il y a 14 ans, portée par le mouvement AVECSanté, et aujourd’hui par la FCPTS. Nous avons conscience que l’accès à la santé est un bien précieux pour les patients, et la crise sanitaire a démontré que les organisations territoriales favorisent non seulement l’accès à des médecins, mais aussi à des non-médecins. Il faut poursuivre dans cette voie.

Quels sont les axes de travail de la FCPTS pour ces prochaines années ?

D. G. : En interne, nous allons mener une réflexion sur les statuts et le règlement intérieur de la FCPTS. À ce jour, les membres candidatent au conseil d’administration pour trois ans et au bureau chaque année. Ce fonctionnement est pour certains générateur d’instabilité, alors que l’objectif n’est aucunement de mettre une pression sur les membres du bureau. Nous préférons diffuser une certaine quiétude. Les autres projets de la FCPTS s’inscrivent dans la continuité du travail mené ces cinq dernières années. Nous avons par exemple répondu à un appel à manifestation d’intérêt de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et de la Haute Autorité de santé (HAS), sur la mise en œuvre d’onze délégations de compétences entre médecin délégant et infirmier délégué, pour la prise en charge à domicile de patients de plus de 60 ans porteurs ou non de handicap, ne pouvant plus se déplacer au sein des cabinets libéraux. La FCPTS a été désignée comme pilote de ce dispositif, ouvert à l’ensemble des professionnels exerçant au sein de structures d’exercice coordonné, à condition que les Idels aient suivi une formation. Autre ligne directrice du mandat : travailler sur les inter-CPTS afin de créer des dynamiques à l’échelle départementale et régionale. Nous allons être porteurs d’un modèle qui leur sera proposé pour les statuts et le règlement intérieur afin de les rendre lisibles et visibles par les autorités et les tutelles. Nous avons également commencé un tour des régions afin d’aller à la rencontre de nos adhérents et des professionnels de santé. Nous entendons défendre les spécificités territoriales. Enfin, nous sommes dans une phase de communication autour de l’avenant 2 à l’Accord conventionnel interprofessionnel (ACI) signé en décembre 2021, qui attribue aux CPTS une nouvelle mission de gestion des crises sanitaires. Les CPTS doivent s’en saisir sans pour autant se contraindre à une complexité administrative. Mieux vaut se concentrer sur l’organisationnel et le matériel. Nous souhaitons mettre en œuvre un choc des simplifications sur les démarches afin de conduire à une efficience rapide en cas de déclenchement d’un processus. Les CPTS doivent être prêtes à anticiper les crises.

La FCPTS entend-elle convaincre les professionnels de santé de l’intérêt de l’exercice coordonné ?

D. G. : Il faut davantage l’expliquer car ce modèle organisationnel peut faire peur. Même si j’observe une avancée sur le sujet, certains professionnels craignent, avec l’exercice coordonné, de perdre leur statut libéral et d’être sous la coupe des tutelles. Ce n’est pourtant pas parce qu’on accepte d’être rémunéré au forfait, qu’on ne peut plus exercer une activité libérale. Les deux peuvent être complémentaires. La crise sanitaire a su amener ce réel besoin de travailler ensemble pour répondre à la problématique d’accès aux soins. Les professionnels de santé, dont les infirmiers, se sont rendu compte que les cabinets autour des leurs ne sont pas des concurrents mais bien des partenaires. Nous allons aux devants d’importants problèmes de santé, il faut se soutenir. D’ailleurs, l’émulation des CPTS sur le territoire est réelle. À ce jour, 311 CPTS ont signé l’ACI et environ 420 sont en cours de signature, ce qui permet à 40 voire 50 % de la population d’être couverte par une CPTS. Chaque semaine, cinq à six d’entre elles signent l’ACI, c’est assez conséquent.

En tant qu’infirmier à la tête de la FCPTS, pensez-vous faire des émules ?

D. G. : Une chose est sûre, nous ne pourrons plus entendre le discours selon lequel les CPTS sont faites par et pour les médecins. J’en suis la preuve ! Les composantes de ces organisations sont transversales. Nous avons tous intérêt à nous organiser et à gagner en efficience, pour nous et nos patients. C’est le cas également avec les structures des secteurs social et médico-social, avec les centres hospitaliers afin d’acquérir plus de fluidité et d’apporter une réponse lisible concernant l’offre de soins. Cela commence d’ailleurs à produire des effets dans les territoires porteurs des premières CPTS : les démographies médicales deviennent positives en termes d’installation de professionnels de santé libéraux. À ce jour, nous misons sur une acculturation aux CPTS. Les infirmiers - et les autres paramédicaux - doivent s’engager dans leurs bureaux et les conseils d’administration. Ils représentent le dernier maillon de l’offre de soins au domicile des patients. Il faut pouvoir le valoriser. Pour y parvenir, les Idels doivent se saisir des outils afin d’être identifiés comme ressources nécessaires dans le parcours hôpital-ville-domicile. La profession a obtenu une vraie reconnaissance de sa disponibilité et de son adaptabilité pendant la crise mais il faut davantage enfoncer le clou de la coordination clinique de proximité afin d’exploiter notre champ de compétences dans son entièreté. Nous savons que dans les prochaines années, l’organisation des soins va changer de prisme, avec notamment une bascule dans la gestion de la permanence des soins. Si les Idels ne se structurent pas à l’échelle d’une CPTS, ils risquent de ne pas être inclus dans la mise en place de ce nouveau modèle.

Pensez-vous poursuivre vos différentes activités en parallèle ?

D. G. : Je reste président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) Infirmiers libéraux Pays de la Loire, une activité complémentaire à celle de la FCPTS. Je suis aussi président de la section départementale Mayenne du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). J’ai renoncé à tout engagement syndical à l’échelon national, afin de ne pas donner de connotation politique à la FCPTS. En parallèle, je maintiens une activité d’Idel trois à quatre jours par semaine, volontairement, afin de soutenir mon discours : puisque je vante les mérites de l’activité coordonnée, je dois la vivre professionnellement et être au fait des réalités du terrain. Être seul dans ma voiture a été la plus grande difficulté que j’ai rencontrée lorsque j’ai commencé l’exercice libéral il y a 16 ans. C’est certainement ce qui m’a motivé à aller à la recherche des autres professionnels pour être rassembleur et travailler ensemble.

POURQUOI LUI

Infirmier libéral depuis 16 ans, David Guillet s’est rapidement engagé pour sa profession, que ce soit au sein du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) ou enfin de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS). La défense de sa profession, son ouverture aux autres professionnels de santé et son engagement pour l’attractivité des territoires le portent. Et ses pairs le lui rendent bien avec sa récente élection à la tête de la FCPTS.

BIO EXPRESS

1999 Obtention du diplôme d’État d’infirmier.

2006 Début de l’exercice libéral.

2010 Engagement au sein du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil).

2015 Président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) Infirmiers libéraux Pays de la Loire.

2017 Vice-président de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS).

2022 Président de la FCPTS.