ACCOMPAGNER LA MÉNOPAUSE
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FICHE DE SOINS
Nathalie Belin* Patrice Lopès**
*ancien chef de service de gynéco-obstétrique du CHU de Nantes, secrétaire général du groupe d’études sur la ménopause et le vieillissement hormonal (Gemvi) et membre du collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).
Consécutive à l’arrêt de l’activité ovarienne qui induit une insuffisance œstrogénique, la ménopause est définie par une aménorrhée d’un an au moins chez une femme autour de la cinquantaine. Avant 45 ans, on parle de ménopause anticipée.
Avant 40 ans, une aménorrhée associée à des critères biologiques précis (hormone de stimulation folliculaire ou FSH, œstradiol) définit l’insuffisance ovarienne précoce ou prématurée (IOP), autrefois nommée ménopause précoce, dont les causes peuvent être physiologiques mais aussi iatrogènes (chimiothérapie, etc.).
La préménopause (ou périménopause) est une période précédant la ménopause, qui dure parfois plusieurs années, et est caractérisée par une irrégularité des cycles avec des périodes d’hypoœstrogénie ou d’hyperœstrogénie relative alternant avec des périodes de normalité. En général, les cycles sont d’abord plus courts, puis s’allongent jusqu’à l’aménorrhée définitive.
Le déficit en œstrogènes a des répercussions à plus ou moins long terme.
Le syndrome climatérique associe des manifestations cliniques plus ou moins présentes selon les femmes. Les bouffées vasomotrices (ou bouffées de chaleur) en sont les plus fréquentes : de la simple rougeur de la face à une sensation de chaleur handicapante centrée sur le haut de la poitrine et le visage, elles durent quelques minutes et peuvent être suivies de frissons et d’un sentiment de grande fatigue ou d’anxiété. Lorsqu’elles sont à prédominance nocturne, elles entraînent des troubles du sommeil. Les autres signes du syndrome climatérique sont des troubles de l’humeur et du sommeil, une atrophie vulvovaginale et des signes urinaires - désignés sous le terme de syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGUM) -, ainsi que des douleurs articulaires touchant notamment les extrémités.
Redistribution des graisses de type androïde. L’hypoœstrogénie entraîne un excès de masse adipeuse au niveau abdominal. Une prise de poids progressive est souvent constatée.
Au niveau cutané, la peau perd de son élasticité, devient plus sèche et plus fine. Cheveux et ongles se fragilisent.
La diminution de la densité minérale osseuse peut conduire à une ostéoporose. Les facteurs de risque sont notamment une insuffisance ovarienne précoce, une faible masse adipeuse, la consommation de tabac et d’alcool, un déficit en calcium et vitamine D ou une corticothérapie au long cours.
L’incidence des pathologies cardiovasculaires et notamment des maladies coronariennes augmente.
La carence œstrogénique pourrait contribuer à une altération des fonctions cognitives et à la survenue de la maladie d’Alzheimer (mais aucune étude ne montre d’effet bénéfique du traitement hormonal de la ménopause, ou THM, en ce sens).
Une aménorrhée de plus d’un an chez une femme de plus de 45 ans signe le diagnostic de ménopause. L’interrogatoire ainsi que l’examen clinique (incluant examen mammaire, toucher pelvien) évaluent l’importance des troubles climatériques et recherchent des facteurs de risque cardiovasculaires (excès de poids, hypertension artérielle ou HTA, dyslipidémie, diabète de type 2, etc.), osseux (antécédents familiaux de fractures, faible poids, etc.) ou de cancers (antécédents personnels ou familiaux de cancers du sein, de l’utérus, etc.).
En cas d’hystérectomie ou avant 45 ans, des dosages biologiques établissent le diagnostic : taux d’œstradiol bas (< 20 pg/ml) et de FSH élevé (> 25-40 UI/l).
« Un test au progestatif est parfois proposé », indique le Pr Lopès. Il consiste à administrer un progestatif 10 jours par mois 3 mois de suite : en l’absence d’imprégnation œstrogénique, le test n’entraîne pas d’hémorragie de privation donc confirme que la ménopause est installée.
L’objectif est de restaurer la qualité de vie lorsque les troubles du climatère sont gênants et de prévenir le risque cardiovasculaire et osseux.
Le traitement hormonal de la ménopause consiste en un apport d’œstrogènes par voie orale ou cutanée associé à un progestatif au moins 10 jours par mois chez les femmes non hystérectomisées. Ce dernier permet de pallier l’hypertrophie endométriale induite par l’œstrogène et associée à un risque de cancer de l’endomètre (voir tableau p. 28).
Les études françaises et internationales ont montré l’intérêt d’une administration percutanée (gel) ou transdermique (patch) de l’œstrogène car elle réduit le risque thromboembolique veineux par rapport à la voie orale. « La voie orale est néanmoins parfois préférée par certaines patientes pour sa facilité d’utilisation, d’autant qu’elle peut associer œstrogène et progestatif dans un même comprimé », souligne l’expert. Côté progestatifs, la préférence va à la progestérone micronisée ou à la dydrogestérone (isomère de la progestérone) qui sont associées à un moindre risque de cancer du sein que les progestatifs de synthèse.
Il existe par ailleurs un consensus international pour recommander de ne pas débuter un THM plus de 10 ans après le début de la ménopause en raison d’un risque accru d’accident coronarien et d’accident vasculaire cérébral.
Selon la HAS(1) et compte tenu de ses effets indésirables potentiels, le THM est recommandé uniquement :
→ chez les femmes se plaignant de symptômes climatériques gênant leur qualité de vie ;
→ en cas de risque élevé de fracture ostéoporotique chez une femme se plaignant de symptômes gênants et/ou chez celles présentant une intolérance ou une contre-indication aux antiostéoporotiques.
Toutefois, concernant la prévention des fractures ostéoporotiques, les dernières recommandations du Gemvi et du CNGOF publiées en 2021(2) diffèrent : elles proposent que le THM soit indiqué en 1re intention chez les femmes à risque en début de ménopause en raison d’un meilleur rapport bénéfice-risque comparé aux antiostéoporotiques, « ce qui rejoint les recommandations de nombreux autres pays », note le Pr Lopès.
Différents schémas, avec ou sans règles, sont proposés avec une efficacité équivalente.
La dose minimale efficace est recherchée pour la durée la plus courte possible. La HAS recommande de ne pas dépasser 5 ans de traitement.
La tibolone, un stéroïde de synthèse non remboursé (Livial), a une balance bénéfice-risque moins bien évaluée que celle du THM. Ses contre-indications sont les mêmes que celles du THM (voir tableau ci-dessous).
En cas de contre-indication au THM, certains traitements sont proposés hors AMM : « les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, la clonidine et la gabapentine ont fait la preuve d’une certaine efficacité », souligne le Pr Lopès.
Des solutions d’automédication sont disponibles et accessibles aux femmes qui ne souhaitent pas recourir au THM ou dont les symptômes ne justifient pas son instauration : phytoœstrogènes (lin, soja, trèfle rouge, houblon, etc., contre-indiqués en cas d’antécédents de cancer œstrogéno-dépendant) ou solutions non hormonales (bêta-alanine - médicament Abufène -, extraits de pollen - médicament Fémélis -, cimicifuga, etc.). En pratique, des études cliniques montrent l’intérêt notamment des isoflavones de soja et certaines suggèrent que le yoga, l’hypnose ou l’acupuncture pourraient être bénéfiques dans les bouffées de chaleur(3).
La prescription d’un bilan biologique (cholestérol, triglycérides, glycémie) est habituelle vers 45-50 ans, à répéter les années suivantes selon les facteurs de risque cardiovasculaires.
Avec ou sans THM, un suivi gynécologique annuel incluant une palpation des seins est recommandé. Les femmes sous THM y sont généralement davantage sensibilisées dans le cadre du suivi et de la réévaluation annuelle de leur traitement.
La poursuite de frottis cervico-utérins pour la réalisation du test HPV-HR (détection des virus HPV à haut risque afin de dépister le cancer du col de l’utérus) est recommandée tous les 5 ans jusqu’à l’âge de 65 ans. Le dépistage organisé du cancer du sein, avec réalisation d’une mammographie tous les 2 ans, est recommandé de 50 à 74 ans.
Distinguer le vrai du faux. « Le THM constitue le traitement le plus efficace pour améliorer la qualité de vie des femmes qui souffrent de troubles climatériques et il protège de la perte osseuse », indique le Pr Lopes. « Les risques de cancers et les risques thromboemboliques et cardiovasculaires liés au THM ont été bien étudiés et on sait comment les minimiser » (principe du THM évoqué plus haut).
Rappeler les signes d’alerte. Tout saignement utérin, hors hémorragies de privation attendues, doit être signalé. S’il s’agit le plus souvent de spottings bénins liés à un début de prise du THM, il reste nécessaire d’éliminer une pathologie plus grave comme un cancer de l’utérus, des polypes ou un fibrome. Tout changement au niveau des seins (modification de forme, aspect du mamelon, rougeur, etc.) doit amener à consulter (suspicion d’une tumeur).
Plusieurs mesures sont préconisées : réduire la consommation de boissons ou d’aliments chauds ou épicés, de caféine et d’alcool, porter des vêtements légers, faciles à enlever, pratiquer une activité physique régulière, boire suffisamment, avoir à portée de main un spray d’eau thermale pour se rafraîchir, dormir dans une chambre fraîche, etc. Des études suggèrent un lien entre la perte de poids et la diminution des bouffées de chaleur.
Des conseils hygiénodiététiques doivent accompagner toute femme ménopausée afin de réduire le risque cardiovasculaire mais aussi les cancers dont certains sont favorisés par l’excès de poids, la consommation d’alcool, le tabac ou la sédentarité.
Activité physique régulière. Elle contribue à limiter les maladies cardiovasculaires, la prise de poids, certains cancers et l’ostéoporose en stimulant la formation du tissu osseux. Elle maintient également la masse musculaire, facteur de prévention des chutes et des fractures.
Prévention de la perte osseuse. Un apport de 1000 à 1200 mg par jour de calcium est recommandé. Chez les femmes à risque ostéoporotique, un apport d’au moins 800 UI par jour est recommandé et réduit le risque de fractures et de chutes(4).
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.
→ À la ménopause, la carence œstrogénique entraîne différents remaniements au niveau vaginal et vulvaire : la muqueuse vaginale perd de son épaisseur et de sa souplesse, les sécrétions vaginales diminuent, le microbiote vaginal se modifie (diminution des lactobacilles, ce qui induit une élévation du pH favorisant des infections). Le vagin participant au soutien de la vessie et de l’urètre, sa perte de tonicité influe sur ces organes sur lesquels des récepteurs aux œstrogènes sont également présents. Les troubles urinaires se manifestent par des envies fréquentes d’uriner car les muqueuses s’amincissent et s’irritent davantage, et parfois des infections urinaires. À la longue, le périnée perd de sa tonicité d’où un risque d’incontinence urinaire et de descente d’organes.
→ Les œstrogènes locaux (par voie vaginale : Physiogine, Trophicrème, Colpotrophine, Estring anneau vaginal, etc.) sont proposés chez les femmes dont les troubles climatériques ne justifient pas un traitement hormonal de la ménopause (THM) mais qui présentent des symptômes génito-urinaires non corrigés par les topiques lubrifiants et hydratants (Mucogyne, Replens, Hyalidra, Palomacare, etc.). Les doses nécessaires sont faibles et les effets indésirables sont moindres qu’avec la voie systémique, toutefois, un passage systémique existe et les contre-indications sont les mêmes que le THM.
• Âge moyen d’entrée en périménopause en France : 47,5 ans.
• Âge moyen d’entrée en ménopause : vers 50-51 ans.
• Bouffées de chaleur : 75 % des femmes environ en souffrent(1).
• Durée médiane des bouffées de chaleur liées à la ménopause : environ 7 ans(2).
Sources :
1. Groupe d’étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (Gemvi).
2. “Duration of menopausal vasomotor symptoms over the menopause transition”, JAMA Internal Medecine, 2015.