L'infirmière n° 027 du 01/12/2022

 

ÉDITO

Hélène Trappo  

Rédactrice en chef de L’INFIRMIÈR.E

Il y a les bons et les mauvais indicateurs. Ceux d’abord qui vous renvoient, année après année, à des réalités toujours plus inacceptables. Il en est ainsi des violences au sein des établissements de santé. En novembre, deux documents ont rendu compte du quotidien des soignants régulièrement confrontés à l’agressivité des patients, voire à celle de leurs collègues. Le premier est une enquête du collectif « Santé en danger », portant sur 1 000 établissements, qui, bien que biaisée*, est alarmante. Près des deux tiers des répondants ont été victimes de violences externes, majoritairement sous la forme d’injures ou d’insultes, tandis que 16 % ont reçu des menaces de mort. Des résultats qui rejoignent ceux du rapport de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), rendu public peu après. Il relève une tendance à la hausse des agressions verbales qui l’emportent sur les violences physiques. Et si ce même rapport note une diminution des signalements, il n’y a hélas pas lieu de se réjouir. D’une part, rappelons-le, la déclaration des atteintes aux personnes n’est pas obligatoire, d’autre part, la période de référence 2020-2021 a été marquée par deux confinements, lors de la crise sanitaire, pouvant expliquer ce résultat. Enfin, les signalements ne sont que la partie émergée de l’iceberg, les victimes de violences éprouvant souvent des réticences au dépôt de plainte. L’enquête du collectif « Santé en danger » rapporte que moins de la moitié des victimes ont alerté leur hiérarchie et moins de 14 % connaissent l’ONVS !

Du rapport de l’observatoire ont émergé des propositions intéressantes, tout au moins sur le papier : notamment celle de développer une nouvelle compétence « de sécurité » des directeurs d’établissement, manière de professionnaliser davantage la lutte contre ces violences, et celle d’inscrire cette dernière dans « un projet de service ». Ce qui permettrait de s’emparer à l’échelle du collectif du problème plutôt que de le cantonner au rang du fait divers géré au coup par coup. L’enjeu est de taille car ces violences, qu’elles soient internes ou externes, affectent l’exercice même des professionnels de santé, le soin, et relèvent bien de la gestion des risques.

Puisque l’on parle de risques, passons aux indicateurs plus inspirants. Riche en productions, novembre est aussi marqué par la publication du bilan annuel de la Haute Autorité de santé (HAS) sur les événements indésirables associés à des soins (EIGS). Si la sous-déclaration reste importante, le nombre d’événements signalés a fait un bond entre 2021 et 2022 (lire p. 9). Une évolution révélatrice, pour l’autorité de santé, d’une certaine acculturation à la pratique de la déclaration et à l’analyse des risques, dans un objectif de partage d’expériences et d’amélioration de la qualité des soins. Dans un monde hospitalier en tension, où la démotivation galope, voilà un signal plutôt positif.

* « Violences sur les soignants : une enquête alarmante », sur espaceinfirmier.fr, 15/11/2022.