Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu fin octobre un avis dressant un tableau très sombre sur l’état du système de santé et appelant à sa refondation sur des principes éthiques.
Tirer la sonnette d’alarme ». L’expression a été tellement utilisée à propos du système de santé que si celui-ci était un train, il serait arrêté en pleine voie depuis longtemps. Plutôt qu’une énième alerte, c’est donc un constat sans concession que livrent les sages du CCNE dans leur avis n° 140*, rendu public en octobre dernier et intitulé « Repenser le système de soins sur un fondement éthique ». Un titre programmatique : dans ce document, qui entend tirer les « leçons de la crise sanitaire et hospitalière », les auteurs avancent une solution originale à la situation de tension extrême dans laquelle se trouvent les établissements de santé : en recentrant la problématique sur l’éthique.
Le CCNE commence par dresser un diagnostic très sombre sur les déterminants de la crise actuelle. « Poids des contraintes budgétaires, augmentation de l’activité hospitalière, dégradation des conditions de travail des professionnels de santé (sous-effectifs chroniques, changements imprévus d’horaires, intensification des rythmes de travail, polyvalence exigée), et démographie médicale insuffisante en raison du numerus clausus depuis les années 1980 », énumèrent les auteurs. Ceux-ci pointent également la nouvelle gouvernance hospitalière qui veut gérer l’hôpital comme une entreprise, la tarification à l’activité (T2A) qui « privilégie les actes techniques au détriment d’actions essentielles mais consommatrices de temps », ou encore un système « fortement hiérarchisé autour de la figure du médecin », etc.
De ces facteurs naît, selon l’avis, une forme de « démoralisation » chez certains soignants, qui « vivent de plus en plus un décalage entre leurs pratiques perçues comme déshumanisées et les valeurs éthiques du soin ». Voilà qui provoquerait une « souffrance éthique résultant de la confrontation des soignants et des autres professionnels du secteur à des dilemmes éthiques souvent tus ».
Pour répondre à un constat malheureusement bien connu, le CCNE affirme dans son avis que « la réponse à la détresse des soignants comme à celle des usagers passe nécessairement par le positionnement de l’éthique comme fondement des actions à mener » et préconise « une rénovation profonde […] pour passer d’un système aujourd’hui en crise, largement basé sur la production de soins, à un système de santé fondé sur l’éthique et qui placerait la personne au cœur de ses préoccupations ». Reste à savoir comment effectuer le grand saut qui conduit des grands principes éthiques à leur transposition dans la dure réalité du terrain.
* À consulter sur www.ccne-ethique.fr/node/530.