L'infirmière n° 027 du 01/12/2022

 

PERSONNES ÂGÉES

JE DÉCRYPTE

LE MOIS EN BREF

Lisette Gries  

Le ministère de la Santé a publié fin octobre un protocole de coopération entre médecins généralistes et infirmières libérales travaillant en équipe coordonnée. Objectif : faciliter le suivi des personnes âgées ou porteuses de handicap, qui ne peuvent pas se déplacer.

La problématique est connue : comment garantir un suivi optimal et limiter les complications, voire les hospitalisations, chez les personnes âgées ou porteuses de handicap, dans un contexte où l’accès aux soins se réduit ? Quand ces patients éprouvent des difficultés pour se déplacer et se rendre au cabinet de leur médecin traitant, le risque de retard dans la prise en soins est important.

Le ministère de la Santé vient de doter les professionnels de santé d’un nouvel outil, qui repose sur les compétences des infirmières libérales. Le nouveau protocole de coopération(1) entre les médecins traitants et les Idels, paru au Journal officiel du 27 octobre, propose, pour des situations précises, de déléguer à l’infirmière le suivi régulier des patients à domicile lors de visites mensu délégant elles dédiées. Ce suivi pourra s’ajouter aux actes de soins déjà assurés par les Idels, il ne s’y substitue pas.

TRAVAUX MENÉS PAR LA FCPTS

« L’objectif est vraiment de simplifier l’accès aux soins pour ces patients fragiles, en s’appuyant sur le regard et les compétences des infirmières, qui ont une expertise en coordination de proximité et une bonne connaissance du contexte de vie des patients », résume David Guillet, infirmier et président de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS). La FCPTS a travaillé pendant deux ans, à la suite d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), à l’élaboration de ce protocole. « Plusieurs porteurs de projet ont été retenus, dont la FCPTS, qui a piloté ces travaux. Nous avons planché en groupes thématiques sur les différentes dérogations, afin que la coopération sur le terrain puisse être fluide », poursuit-il.

Dans le détail, la dérogation peut s’appliquer dans onze cas : prévention de la déshydratation, prévention du risque de chute, diagnostic et prise en charge de la dénutrition, renouvellement et adaptation de posologie pour des antalgiques, des laxatifs, des dispositifs de compression veineuse, des topiques antifongiques, renouvellement des collyres et initiation en cas d’irritation oculaire, adaptation des diurétiques pour les personnes en insuffisance cardiaque et adaptation des traitements antivitamine K (AVK).

« Pour certaines de ces dérogations, les Idels ont déjà l’habitude d’agir en lien avec le médecin, mais à la marge du cadre légal. Le protocole offre alors un cadre sécurisé à une coopération qui existe déjà sur le terrain », remarque David Guillet. Le ministère de la Santé souligne l’intérêt et la pertinence de s’appuyer sur les compétences infirmières : « Il s’agit de limiter de potentielles aggravations de cas en facilitant leur repérage et en autorisant la mise en action d’initiatives correctrices. »

VISITES ET FORMATION COMMUNES

Ce protocole pourra être mis en œuvre par des professionnels impliqués dans une structure coordonnée : CPTS, maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), centre de santé ou équipe de soins primaires. « Il s’agit pour nous de nous assurer que la coordination entre les professionnels a déjà atteint un certain niveau de maturité », souligne-t-on au ministère. « C’est aussi une façon d’assurer la continuité des soins, en s’appuyant sur des équipes plus larges que des binômes. Ainsi, en cas de congé du délégué ou du délégant, le suivi peut quand même se faire », ajoute David Guillet.

Pour garantir la fluidité de la communication entre médecins et infirmières, le protocole pose un cadre précis. Les professionnels devront tous suivre une formation en commun, d’abord théorique, puis sur le terrain : les Idels seront ainsi invitées à accompagner le médecin traitant pendant deux demi-journées.

Au moment de l’inclusion du patient, médecin et infirmière feront une visite commune au domicile. Ce temps partagé sera l’occasion d’élaborer ensemble un plan de soins, qui guidera l’Idel dans ses décisions. « Nous avons mis au point des arbres décisionnels, qui structureront la délégation de compétences », détaille David Guillet. Une seconde visite commune est recommandée à 6 mois. Enfin, délégants et délégués devront garantir qu’ils disposent d’un système de communication partagé et sécurisé. Les deux parties s’engagent à transmettre rapidement à l’autre tous les éléments utiles au suivi.

Tout juste paru, le protocole « sera opérant au premier trimestre 2023 », prévoit David Guillet. D’ici là, un modèle économique aura été consolidé. « Les professionnels seront très vraisemblablement rémunérés au forfait annuel, selon des modalités encore en cours d’élaboration », confie-t-il. Affaire à suivre, donc…

Note

1. Le protocole détaillé est à lire sur https://solidarites-sante.gouv.fr/ (bit.ly/3O8pdWN, choisir « protocole de médecine générale »).