Dans le cadre de leur exercice professionnel, les infirmières en pratique avancée (IPA) peuvent avoir de nombreux messages à transmettre. Ne serait-ce qu’expliquer leur métier, encore récent, aux autres professionnels de santé ou aux patients, ou encore affirmer leur leadership au sein d’une équipe. Pour y parvenir, elles peuvent avoir recours à l’art oratoire, une technique de prise de parole. « Cet art est souvent associé à une grande théâtralité, à de la grandiloquence », a souligné Marie-Sophie Ahmadi, professeure à l’École de l’art oratoire à Paris (VIII^e), lors de la sixième Journée nationale des IPA (Jnipa), le 10 novembre à Paris. Quel lien alors avec l’exercice infirmier ?

UNE DISCIPLINE D’INTERPRÈTE

Cette technique de prise de parole est avant tout une discipline d’interprète, qui repose sur deux usages. Tout d’abord, « une partie d’auteur qui, pour les orateurs, se traduit par le message, l’idée qu’ils veulent faire passer », précise Marie-Sophie Ahmadi. Pour les IPA, il peut s’agir d’exprimer leur point de vue dans les réunions d’équipes ou celles de concertation pluridisciplinaire (RCP). Le second usage repose sur l’incarnation ou l’interprétation, qui consiste à trouver les moyens de transmettre le message. « C’est le rôle de l’interprète, puisqu’il est vecteur de l’idée à faire passer », indique la professeure. Cela implique l’application de techniques à l’instar du chanteur, qui va effectuer ses gammes ou de la danseuse, qui va réaliser son travail à la barre. « La technique de l’art oratoire va permettre de trouver la meilleure façon d’exprimer le contenu », précise-t-elle.

Trois règles du jeu s’appliquent à tout interprète et orateur. La première : « Dès lors que vous parlez, la responsabilité de la perception de ce que vous voulez exprimer vous incombe, rapporte Marie-Sophie Ahmadi. Vous êtes l’unique responsable de l’idée. » Et d’ajouter : « On parle de contrat de la rampe, la rampe étant ce qui sépare la scène de la salle. La personne sur la scène doit travailler pour être claire dans le message qu’elle souhaite faire passer. » La deuxième règle du jeu repose sur le respect du masque, c’est-à-dire l’incarnation juste. « Le masque représente le symbole du personnage comme au théâtre, explique Marie-Sophie Ahmadi. Il s’agit de faire la distinction entre la personne en tant que telle et le personnage ou le rôle qu’elle incarne. » Il est donc possible d’être timide ou introverti dans sa vie personnelle. Néanmoins, dès lors que l’IPA incarne sa fonction, la personne qu’elle est personnellement ne doit pas contrecarrer la légitimité de celle qu’elle est professionnellement. Ainsi, lorsqu’une IPA va s’exprimer, elle va le faire au titre de sa fonction, de son rôle, qui se construit, comme pour tous les acteurs.

DES TECHNIQUES À MOBILISER

La troisième règle du jeu repose sur la manière de faire, l’obligation scénique. « Il faut aller produire le rôle et incarner la fonction, faire passer le sens », souligne-t-elle. Il existe des techniques pour se mobiliser, qui reposent, là aussi, sur trois éléments fondateurs. Le premier est la relation. « On s’exprime vis-à-vis de personnes auxquelles il faut savoir s’adapter, insiste Marie-Sophie Ahmadi. Cela passe par un organe de perception, le regard, qui doit être décidé. » Le deuxième élément fondateur est la posture, la verticalité. Il faut tenir son dos pour ainsi mieux respirer et se détendre, ce qui a une incidence sur la voix, troisième pilier de l’obligation scénique, qui doit être claire, comme l’explique Marie-Sophie Ahmadi : « Il est important de savoir la placer pour ainsi faire entendre les harmoniques, les intonations, qui font passer le sens de la phrase. »