LA MALADIE DE PARKINSON, PATHOLOGIE DÉROUTANTE
JE ME FORME
PRISE EN CHARGE
Maïtena Teknetzian* Pr Luc Defebvre**
*Dr en pharmacie, enseignante en Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi)
**responsable du service de neurologie et pathologie du mouvement, centre expert Parkinson, centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille (Nord).
Au deuxième rang des maladies neurodégénératives après la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson concerne, selon l’association France Parkinson, plus de 200 000 patients en France ; quelque 25 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. C’est la deuxième cause de handicap moteur chez le sujet âgé après les accidents vasculaires cérébraux.
La prévalence augmente avec l’âge et est supérieure chez l’homme par rapport à la femme. L’âge moyen d’apparition des troubles moteurs et du diagnostic est de 58 ans. Le diagnostic initial est difficile à établir. Il se fait en moyenne après 3 ans d’une évolution progressive. L’espérance de vie moyenne à partir du diagnostic est d’une douzaine d’années(1).
La maladie de Parkinson est liée à une dégénérescence prématurée, lente, progressive et définitive des neurones dopaminergiques du locus niger (ou substance noire, zone du mésencéphale qui doit son nom aux cellules riches en mélanine la constituant), impliqués dans le contrôle des mouvements (lire l’encadré « Rappel sur la dopamine » p. 15).
Au début de la pathologie, il y a un déséquilibre entre le système dopaminergique déficient et le système cholinergique fonctionnel (qui paraît donc hyperactif, ce qui explique certains troubles comme l’impériosité mictionnelle ou l’hypersialorrhée, par exemple).
Avec l’évolution de la maladie et l’extension des lésions à d’autres structures du mésencéphale et du cortex, d’autres systèmes de neurotransmission vont être touchés : les systèmes cholinergique, noradrénergique et sérotoninergique expliquant respectivement l’apparition de troubles cognitifs, de la marche et de l’humeur notamment.
L’étiologie exacte de la dégénérescence neuronale reste méconnue à ce jour. La maladie aurait une origine multifactorielle combinant des facteurs environnementaux (exposition répétée sur plusieurs années à certains pesticides ou herbicides – expliquant une forte prévalence en milieu rural – ou aux métaux lourds) et génétiques. Des formes héréditaires ont pu être isolées. Si les formes monogéniques au gène identifié ne concernent que 5 % des patients, la notion d’antécédents familiaux de la maladie de Parkinson est assez fréquente (16 à 36 % de forme non monogénique).
Les prodromes de la maladie peuvent être trompeurs et précèdent de plusieurs années les signes moteurs : perte d’odorat, cauchemars, syndrome dépressif, syndrome algique, apathie, fatigabilité, difficulté à se concentrer. Ils devront être recherchés lors de l’anamnèse.
Les symptômes moteurs, amenant à une consultation et au diagnostic, apparaissent lorsque 50 à 70 % des neurones dopaminergiques sont détruits. Le tremblement de repos n’est pas systématique, 36 % des parkinsoniens ne tremblent pas. Chez ceux qui tremblent, c’est souvent le premier symptôme. Lent et régulier, il survient au repos. Il disparaît lors des mouvements volontaires et pendant le sommeil, mais est majoré par l’émotion ou l’effort mental. Unilatéral ou asymétrique, il est parfois décrit comme une sensation de tremblement intérieur au début de la maladie. Il débute classiquement à l’extrémité distale des membres supérieurs et concerne surtout le pouce et l’index, évoquant un geste « d’émiettement du pain » ou « du semeur », mais aussi le poignet, donnant l’impression que le patient « bat le tambour ». Il peut toucher aussi le pied, les lèvres, le menton et épargne classiquement la tête.
L’akinésie, symptôme constant, est une réduction de la motricité automatique et volontaire, associant lenteur, rareté et diminution de l’amplitude des mouvements. Elle se traduit par une pauvreté de la gestualité spontanée, une amimie (réduction de la mobilité et de l’expression du visage), une micrographie (petite écriture). Le patient a du mal à effectuer des mouvements alternatifs rapides (comme battre une omelette). La marche se fait progressivement, à petits pas, avec une réduction voire la perte du ballant des bras.
L’hypertonie extrapyramidale (augmentation du tonus musculaire) provoque douleurs et raideurs. Elle concerne généralement la colonne vertébrale et la nuque (expliquant la posture crispée, voûtée en avant avec la tête baissée), mais aussi les membres.
Ils apparaissent à des degrés variables et certains peuvent être aggravés par les traitements. Il s’agit de troubles très divers :
→ végétatifs (hypersialorrhée – majorée par la perte du mouvement automatique de déglutition –, hypersudation, urgence mictionnelle, constipation, hypotension orthostatique, etc.) ;
→ du sommeil (50 % des patients souffrent d’insomnie chronique) ;
→ de somnolence diurne ;
→ de fatigue ;
→ de douleurs ;
→ du comportement (troubles de l’humeur – anxiété et dépression concernent 50 % des patients –, apathie, hallucinations, parfois délire, troubles du contrôle des impulsions) ;
→ cognitifs.
Le diagnostic est essentiellement clinique et repose sur la présence de deux au moins des trois signes moteurs caractéristiques : akinésie et tremblement de repos et/ou hypertonie extrapyramidale. Le caractère unilatéral et asymétrique des symptômes est caractéristique.
Le diagnostic différentiel consiste à distinguer une véritable maladie de Parkinson d’un syndrome parkinsonien iatrogène (lire l’encadré « Syndromes parkinsoniens iatrogènes » p. 14) ou vasculaire, d’une démence à corps de Lewy (DCL), d’une paralysie supranucléaire progressive (dégénérescence du tronc cérébral avec signes parkinsoniens axiaux, instabilité posturale et ophtalmoplégie), ou d’une atrophie multisystématisée (maladie neurodégénérative avec symptômes parkinsoniens, cérébelleux et pyramidaux et dysautonomie constante), etc.
La réponse favorable aux antiparkinsoniens (notamment à la dopathérapie) pendant au moins 5 ans et l’apparition de mouvements involontaires (dyskinésies sous L-dopa) sont deux critères permettant de confirmer le diagnostic et d’exclure les autres syndromes parkinsoniens.
Les examens d’imagerie cérébrale peuvent être pratiqués au cas par cas : ils n’apportent pas de renseignements spécifiques d’une maladie de Parkinson mais permettent d’exclure certains syndromes parkinsoniens.
Les examens biologiques restent normaux.
Après l’apparition des signes moteurs, une fois le diagnostic posé et un traitement initié, la maladie évolue en trois phases à une vitesse variable d’un patient à l’autre.
Le traitement dopaminergique se stocke dans les neurones dopaminergiques dont il est libéré progressivement, ce qui permet d’assurer un contrôle satisfaisant des troubles moteurs. Cette phase d’équilibre dure en moyenne 5 à 8 ans.
La phase de complications motrices est liée à la pathologie qui s’aggrave mais aussi au traitement qui devient plus difficile à équilibrer et dontl’efficacité fluctue (on parle de fluctuations motrices d’efficacité). Du fait de la dégénérescence neuronale qui s’est aggravée, il y a de moins en moins de neurones dopaminergiques, les médicaments dopaminergiques y sont moins bien stockés, leur effet dure moins longtemps que pendant la « lune de miel » et les marges thérapeutiques deviennent étroites à ce stade de la maladie.
Le traitement peut ainsi induire des dyskinésies (mouvements anormaux involontaires et incontrôlés) s’observant quand les concentrationsplasmatiques de médicaments s’élèvent ou s’abaissent (en début de dose et en fin de dose) ou sont au maximum (aux pics de dose). Les fluctuations motrices sont aussi à l’origine d’akinésie de fin de dose ou matinale, ou de réapparition imprévisible de signes parkinsoniens comme « l’effet on/off » (passage en quelques secondes d’un état moteur autonome à un état parkinsonien sévère).
Cette phase avancée de la pathologie est marquée par un déclin moteur, cognitif et comportemental.
Les signes axiaux (perte d’équilibre, chutes, dysarthrie, troubles de la déglutition, etc.) et végétatifs sont de plus en plus présents.
Les troubles de la marche s’aggravent avec des problèmes de festination (raccourcissement soudain de la longueur du pas, pouvant déséquilibrer le haut du corps et provoquer une chute) et de freezing (blocage soudain des pieds au sol, avec piétinement sur place et difficulté pour démarrer la marche). Peu à peu, la marche peut devenir impossible.
Des troubles cognitifs et démentiels apparaissent souvent précédés d’hallucinations visuelles, auditives ou sensorielles aggravées par les traitements.
La cause de la dégénérescence neuronale n’étant pas connue, il n’y a pas à ce jour de traitement curatif, mais uniquement des médicaments symptomatiques qui visent à corriger les troubles moteurs.
Ils ont pour objectif :
→ soit de diminuer l’hyperactivité cholinergique, en bloquant les récepteurs postsynaptiques cholinergiques avec des anticholinergiques. Particulièrement mal tolérés par des sujets âgés, ils sont peu utilisés dans les véritables maladies de Parkinson, mais plutôt chez des sujets jeunes, pour corriger des syndromes parkinsoniens induits par les neuroleptiques antipsychotiques ou en cas de tremblement de repos prédominant et gênant.
→ soit d’augmenter les transmissions dopaminergiques striatales en comblant le déficit en dopamine dans les fentes synaptiques (inhibiteurs de monoamine oxydase de type B ou Imao B, amantadine, dopathérapie) ou en stimulant les récepteurs postsynaptiques dopaminergiques (agonistes dopaminergiques).
La prise en charge vise aussi à corriger les troubles non moteurs.
Le bipéridène (Akineton), le trihexyphénidyle (Artane, Parkinane) et la tropatépine (Lepticur) possèdent un effet antiparkinsonien modéré. Ils agissent essentiellement sur le tremblement.
Mode d’action : ces molécules se fixent sur les récepteurs à l’acétylcholine et y exercent une action antagoniste.
Effets indésirables : atropiniques (sécheresse buccale, rétention urinaire, constipation, troubles visuels avec troubles de l’accommodation, sécheresse oculaire, mydriase avec un risque de glaucome par fermeture de l’angle, confusion et troubles mnésiques), risque d’aggravation d’une démence parkinsonienne.
La rasagiline et la sélégiline peuvent être utilisées en monothérapie en cas de gêne fonctionnelle minime ou associées à d’autres antiparkinsoniens. Le safinamide (non remboursé par la Sécurité sociale) est indiqué uniquement en association avec une dose stable de lévodopa.
Mode d’action : les Imao B inhibent la dégradation physiologique de la dopamine par la monoamine oxydase de type B et augmentent les concentrations en dopamine dans les fentes synaptiques.
Effets indésirables : risque de troubles du rythme cardiaque, d’élévation des transaminases, de troubles du comportement.
L’amantadine (Mantadix) est indiquée dans la maladie de Parkinson notamment pour le contrôle des dyskinésies.
Mode d’action : l’amantadine est un antigrippal au mécanisme d’action antiparkinsonienne mal élucidé, qui agirait en stimulant la libération, par les neurones présynaptiques, de dopamine dans les fentes synaptiques. Il a aussi une action antiglutamatergique qui contrôle les dyskinésies.
Effets indésirables : vertiges, insomnies, nervosité et, plus rarement, hallucinations, œdèmes des membres inférieurs et livedo reticularis (érythème d’origine vasculaire caractérisé par des marbrures en réseau de mailles bleutées ou violacées).
Ils sont à privilégier en cas de gêne fonctionnelle marquée chez le sujet de moins de 65 ans. Le piribédil (Trivastal) du fait d’une efficacité moindre est moins utilisé. La bromocriptine (Parlodel) se différencie des autres agonistes dopaminergiques par son noyau ergoté. Cela l’implique dans des effets indésirables et des interactions qui lui sont propres et explique qu’elle soit désormais peu prescrite.
Mode d’action : les agonistes dopaminergiques stimulent les récepteurs postsynaptiques de la dopamine. Leur mode d’action à libération prolongée permet une seule prise par jour.
Effets indésirables : nausées, vomissements, troubles psychiques (somnolence, accès brutaux de sommeil, confusion, hallucinations visuelles), troubles du contrôle des impulsions (jeux d’argent, hypersexualité, dépenses compulsives, troubles alimentaires), troubles moteurs (dyskinésie aux pics de dose ou akinésie en fin de dose), troubles cardiovasculaires (hypotension orthostatique, œdèmes de membres inférieurs et, dans le cas de la bromocriptine, risque de vasoconstriction, de fibrose pulmonaire ou rétropéritonéale ou de valvulopathie cardiaque), troubles oculaires avec le pramipexole, possible allongement de l’espace QT à l’électrocardiogramme (ECG) avec l’apomorphine.
La dopathérapie est recommandée chez les sujets de plus de 65 ans en cas de gêne fonctionnelle marquée mais aussi chez des sujets plus jeunes, handicapés malgré un traitement par agonistes dopaminergiques ou si ces derniers sont mal tolérés.
Principe de la dopathérapie : la dopamine ne passant pas la barrière hémato-encéphalique (BHE) et étant en outre toxique sur le plan cardiaque et digestif, on ne peut l’utiliser comme médicament substitutif (voir (1) sur le schéma ci-dessus « Comment agissent les antiparkinsoniens dopaminergiques »). On utilise un précurseur de la dopamine, appelé lévodopa (ou L-dopa) qui franchit la BHE, parvient au locus niger (2), au niveau duquel elle est transformée en dopamine par la dopadécarboxylase ou DDC (3). Mais cette enzyme étant également présente en périphérie, pour éviter la transformation périphérique de la L-dopa en dopamine, on lui associe un inhibiteur de dopadécarboxylase ou IDDC (le bensérazide ou la carbidopa), ne passant pas lui-même la BHE et ne bloquant pas les conversions centrales en dopamine (4).
Effets indésirables : la dopathérapie expose au même type d’effets indésirables que les agonistes dopaminergiques avec en plus un risque de coloration brune des urines (car les métabolites de la dopamine sont noirs et éliminés principalement par voie urinaire). Cependant, la dopathérapie induit moins de troubles psychiques que les agonistes dopaminergiques mais elle expose plus au risque de fluctuations d’efficacité et de dyskinésies car sa demi-vie est plus courte.
Les inhibiteurs de catéchol-O-méthyltransférase (Icomt) sont indiqués en association à la dopathérapie chez des patients présentant des fluctuations motrices de fin de dose.
Mode d’action : ils inhibent l’enzyme dégradant la lévodopa en métabolites inactifs (voir (5) sur le schéma). Ils permettent d’augmenter les taux de lévodopa et de prolonger sa durée d’action.
Effets indésirables : diarrhées avec risque de perte de poids, coloration des urines (en rouge orangé avec l’entacapone et en jaune intense avec la tolcapone), atteinte hépatique avec la tolcapone.
En cas d’insuffisance des traitements, chez des patients parkinsoniens très gênés par des fluctuations motrices, peuvent être proposées l’administration de lévodopa/carbidopa par sonde entérale (Duodopa), l’utilisation d’apomorphine en administration par pompe sous-cutanée ou encore la stimulation électrique cérébrale (lire l’interview p. 16).
Le traitement des troubles non moteurs liés à la maladie mais aussi aux effets indésirables des traitements fait partie intégrante de la prise en charge du patient. Mais il peut s’avérer délicat du fait des potentielles interactions avec les antiparkinsoniens.
Les antiémétiques antagonistes dopaminergiques (métoclopramide – Primpéran – et métopimazine – Vogalène) sont absolument proscrits chez le patient parkinsonien : ils sont d’une part, susceptibles d’induire des troubles extrapyramidaux, des dyskinésies et d’exacerber les symptômes de la maladie de Parkinson, et d’autre part, leur association avec les antiparkinsoniens dopaminergiques est contre-indiquée (antagonisme réciproque).
Seule la dompéridone (Motilium) qui passe très difficilement la barrière hémato-encéphalique peut être utilisée chez le patient parkinsonien de façon transitoire, en l’absence de contre-indications cardiaques (risque d’allongement de l’espace QT à l’ECG et de troubles du rythme cardiaque).
Les hallucinations surviennent généralement après plusieurs années d’évolution de la maladie et concernent entre un quart et un tiers des patients. Il s’agit d’hallucinations visuelles (initialement sensation forte de présence ou impression de passage dans le champ visuel) à prédominance vespérale ou nocturne et mettant ensuite en scène des personnes ou des animaux.
Ces hallucinations sont parfois difficiles à traiter. En effet, l’association de neuroleptiques antipsychotiques (antagonistes dopaminergiques) aux antiparkinsoniens dopaminergiques est déconseillée du fait d’un antagonisme réciproque et d’un risque d’aggravation du tableau parkinsonien par les neuroleptiques.
Seule la clozapine (Leponex) possède une autorisation de mise sur le marché dans le traitement des troubles psychotiques survenant au cours de l’évolution de la maladie de Parkinson. Du fait de sa faible affinité pour les récepteurs dopaminergiques nigrostriés, elle n’interagit pas avec les médicaments antiparkinsoniens. Mais elle expose au risque très rare d’agranulocytose, qui impose une surveillance biologique particulière (contrôle de la NFS avant mise sous traitement, puis hebdomadaire pendant les 18 premières semaines de traitement, puis mensuelle).
La prescription d’antidépresseurs chez le patient parkinsonien s’avère délicate du fait d’un risque élevé d’interactions entre les antidépresseurs et les antiparkinsoniens.
De façon générale, les inhibiteurs de recapture de sérotonine (citalopram – Seropram –, escitalopram – Seroplex –, paroxétine – Deroxat –, etc.) ou les antidépresseurs d’action duale (duloxétine – Cymbalta –, venlafaxine – Effexor –, etc.) inhibant la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline seront privilégiés, sauf si le patient est traité par Imao B. L’association de ces derniers à la fluvoxamine (Floxyfral) ou la fluoxétine (Prozac) est en effet contre-indiquée, en raison d’un risque de survenue de syndrome sérotoninergique (confusion, tremblements, hypertonie, diarrhées, hyperthermie, sueurs, frissons, tachycardie).
L’utilisation des antidépresseurs tricycliques (amitriptyline – Laroxyl –, clomipramine – Anafranil –, imipramine – Tofranil –, trimipramine – Surmontil, etc.) est limitée par le risque d’effets indésirables atropiniques (hypotension orthostatique, confusion, hallucinations), en particulier chez les sujets âgés et ceux traités par les antiparkinsoniens anticholinergiques (addition d’effets indésirables de même nature).
Les antidépresseurs Imao (iproniazide – Marsilid –, moclamine) sont contre-indiqués avec les Imao B et les Icomt (potentialisation d’effets vasopresseurs et risque de crise hypertensive).
Bien que n’étant plus remboursée depuis 2018, la rivastigmine (Exelon) est un anticholinestérasique qui bénéficie d’une indication spécifique dans les formes légères à modérées de démence chez les patients parkinsoniens.
Les antiparkinsoniens anticholinergiques sont à proscrire en cas de démence parkinsonienne en raison d’un risque d’aggravation du syndrome confusionnel.
20 à 50 % des patients atteints de la maladie de Parkinson sont concernés par l’hypotension orthostatique. Elle résulte d’une atteinte du système nerveux autonome et peut être majorée par les médicaments antiparkinsoniens (en se fixant sur les récepteurs dopaminergiques périphériques vasculaires, la dopamine et les agonistes dopaminergiques exercent une action vasodilatatrice, exposant à une hypotension orthostatique iatrogène).
Elle peut être prévenue par le port de bas de compression de classe II et/ou d’une ceinture de contention abdominale et si nécessaire, par l’instauration d’un traitement sympathomimétique, la midodrine (Gutron), indiquée dans l’hypotension orthostatique sévère survenant dans le cadre de maladies neurologiques dégénératives.
Six patients parkinsoniens sur dix souffrent de constipation. Celle-ci doit rapidement être prise en charge. En plus de l’adaptation du régime alimentaire, des laxatifs oraux doux (osmotiques ou de lest), ou occasionnellement des laxatifs rectaux, peuvent être utilisés.
L’usage des laxatifs lubrifiants (huile de paraffine) est contre-indiqué chez les patients souffrant de troubles de la déglutition (risque de pneumopathie lipoïde d’inhalation en cas de fausse-route).
Une activité physique adaptée (marche, natation, vélo, etc.) doit être encouragée. Elle permet d’entre-tenir les performances motrices, de stimuler le péristaltisme intestinal et d’améliorer les fonctions cardiaques, respiratoires et cognitives. Si le patient pratique un sport, il faut l’encourager à poursuivre cette activité selon les possibilités.
La kinésithérapie est importante pour améliorer l’équilibre et la marche, la capacité musculaire, l’amplitude et la rapidité des mouvements. Au stade avancé de la maladie, elle vise à solliciter la motricité volontaire (préparation mentale, concentration et décomposition d’une tâche) et à maintenir l’autonomie du patient grâce à des exercices adaptés de coordination des mouvements et d’équilibre pour contrôler les chutes. Elle permet également d’agir sur les douleurs et de lutter contre les attitudes vicieuses liées à l’akinésie et à la rigidité et contre les troubles trophiques liés au decubitus, en phase de déclin.
Les séances d’orthophonie sont essentielles pour le contrôle de la dysarthrie.
Le régime alimentaire doit être varié et équilibré pour éviter une perte de poids (fréquente chez le parkinsonien). Enrichir l’alimentation en fibres (fruits, légumes verts) et assurer une hydratation suffisante pour prévenir les problèmes de constipation (au moins 1 litre d’eau/j).
En cas de nausées et de vomissements, mais aussi pour éviter la fatigue liée à la prise des repas, il est conseillé de fractionner ces derniers.
En cas de troubles de la déglutition, il faut veiller à la bonne posture du patient pendant les repas : la nuque doit être légèrement fléchie en avant (menton vers le sternum au moment de la déglutition) pour obturer les voies aériennes supérieures et éviter les fausses-routes. Les repas doivent être pris dans le calme, afin que le patient puisse se concentrer sur le contrôle de la déglutition. Privilégier les textures semi-solides, éviter les aliments secs comme les biscottes, épaissir les liquides avec des gélifiants (Magic Mix, Gelodiet, etc.), proposer de l’eau pétillante (qui stimule le réflexe de déglutition). Une prise en charge orthophonique peut être conseillée pour améliorer l’occlusion des lèvres, la propulsion linguale et la clôture laryngée.
Pour pallier les difficultés pratiques, il existe des couverts adaptés avec des gros manches (dont la préhension est plus facile) ou coudés (permettant de pourvoir à certaines limitations de mouvement) des verres alourdis (pour limiter les tremblements).
Privilégier des vêtements amples, faciles à enfiler et donnant de l’aisance lors des mouvements, ainsi que les fermetures Éclair ou les boutons-pression, plus faciles à manipuler que les boutonnières.
Choisir des chaussures adaptées (éviter les lacets qui, défaits, peuvent faire chuter) avec une semelle antidérapante.
Si besoin est, ne pas hésiter à prévoir des temps de repos après la toilette et l’habillage pour prévenir la fatigue du patient.
Le domicile sera réaménagé sur les conseils d’un ergothérapeute afin d’être sécurisé pour éviter les accidents : aménager la chambre de préférence en rez-de-chaussée ; réduire le mobilier pour ne pas encombrer la circulation ; sécuriser les escaliers (garde-corps, bandes antidérapantes sur les marches), les sanitaires et la salle de bain (réhausseur de toilettes, barres d’appui, siège de douche, pastilles ou tapis antidérapant, etc.) et l’environnement du lit (fixer les descentes de lit au sol pour éviter qu’elles ne glissent ou que le patient ne se prenne les pieds dedans, prévoir de larges interrupteurs à portée de main, etc.).
Pour prévenir l’hypotension orthostatique : assurer une hydratation suffisante, proscrire la consommation d’alcool, éviter les stations debout prolongées, conseiller des levers prudents décomposés en deux temps, redresser la tête de lit.
Les infirmières contribuent à l’éducation thérapeutique du patient et insistent notamment sur la nécessaire bonne observance du traitement. Les agonistes dopaminergiques et la dopathérapie ne doivent jamais être interrompus brutalement : le syndrome de sevrage susceptible de survenir est analogue au syndrome malin des neuroleptiques (hyperthermie, rigidité, troubles de la conscience).
Il est par ailleurs important de bien respecter les modalités de prise des antiparkinsoniens par rapport au repas ainsi que les horaires d’administration : une administration trop précoce par rapport à l’heure prescrite expose à un risque de surdosage et de dyskinésie, une administration trop tardive expose au risque de sous-dosage et d’akinésie.
Les infirmières aident les patients et leur entourage à repérer la survenue de mouvements anormaux ou de blocage. Il est important d’éduquer les patients à noter leur horaire de survenue et leur évolution pour aider le médecin à l’adaptation du traitement (adaptation des doses, meilleure répartition des prises dans la journée et/ou changement de forme galénique).
Il est indispensable que les infirmières contrôlent la pression artérielle des patients, notamment en début de traitement ou lors des augmentations de doses, afin de déceler une éventuelle hypotension orthostatique (et si tel est le cas, donner des conseils adéquats, voir Prévention des chutes, plus haut, et alerter le médecin en vue d’une prescription de midodrine et/ou de bas de compression). Chez le patient traité par antihypertenseur, une réévaluation du traitement peut être nécessaire.
Du fait d’un risque de survenue de diarrhées fréquemment rapportées sous entacapone et tolcapone, le transit et le poids des patients traités par Icomt doivent être surveillés. Une perte de poids excessive et/ou la survenue de diarrhées persistantes impose une consultation médicale rapide car elles peuvent nécessiter l’interruption du traitement et dans ce cas, une adaptation des doses de lévodopa associée. Les injections d’apomorphine nécessitent de surveiller les points d’injection (risque de nodules sous-cutanés) et de varier les sites d’injection.
En raison d’un risque d’atteinte hépatique aiguë, rare, mais potentiellement létale, la fonction hépatique d’un patient traité par tolcapone doit être étroitement surveillée : dosage des transaminases toutes les deux semaines durant la première année de traitement, puis mensuel pendant six mois, puis tous les deux mois.
Rassurer les patients quant à la survenue d’une coloration inhabituelle des urines avec la dopathérapie et les Icomt : ce phénomène est sans incidence clinique et ne nécessite pas d’adaptation du traitement.
Les rassurer aussi quant aux troubles digestifs : les nausées et vomissements s’observent surtout en début de traitement et régressent généralement au bout de 6 à 8 semaines. Dans tous les cas, déconseiller l’automédication pour traiter cet effet indésirable du fait des interactions avec le métoclopramide et la métopimazine et des contre-indications liées à la dompéridone.
L’apparition d’une somnolence excessive et d’accès soudains de sommeil nécessite de déconseiller formellement la conduite automobile et impose une consultation médicale rapide en vue d’une adaptation du traitement.
L’apparition d’hallucinations, de jeux pathologiques, d’hypersexualité d’achats inconsidérés doit mener à une consultation médicale en vue d’une réduction de posologie, voire d’un remplacement d’un traitement agoniste dopaminergique par de la dopathérapie. La décision de prendre une mesure de protection financière du patient peut alors s’imposer, comme une éventuelle mise sous tutelle.
1. Source : http://www.orpha.net.
Certains médicaments peuvent induire un syndrome parkinsonien ou aggraver les signes cliniques moteurs d’une maladie de Parkinson. C’est particulièrement le cas des neuroleptiques, du fait de leur action antagoniste sur les récepteurs dopaminergiques nigrostriés. Ils exposent à une symptomatologie iatrogène extrapyramidale, réversible à leur arrêt. On estime que chez la personne âgée, 10 % des syndromes parkinsoniens sont iatrogènes.
Sont en cause non seulement les neuroleptiques antipsychotiques, mais également antiémétiques (métoclopramide, métopimazine), des neuroleptiques « cachés » comme la buspirone et la flunarizine qui possèdent en plus de leur action principale une activité antagoniste dopaminergique. D’autres médicaments peuvent être impliqués dans la survenue de troubles extrapyramidaux comme le lithium, l’amiodarone, l’acide valproïque ou la méthyldopa (antihypertenseur d’action centrale aux propriétés antidopaminergiques) entre autres.
La dopamine est une catécholamine synthétisée par les neurones de la substance noire et de l’aire tegmentale ventrale, qui projettent leurs axones vers le striatum, le cortex, le système limbique et l’hypothalamus.
Au niveau nigrostrié, la dopamine contrôle la motricité.
Au niveau du cortex associatif, elle contrôle les fonctions exécutives.
Au niveau mésolimbique, elle est impliquée dans les réactions comportementales liées à l’émotivité et à l’anxiété, certaines fonctions cognitives et les systèmes de récompense.
Au niveau tubéro-infundibulaire, elle inhibe la sécrétion hypophysaire de prolactine.
En périphérie, la dopamine est impliquée dans les processus de nausées/vomissements. En se fixant sur des récepteurs vasculaires, elle est aussi responsable de vasodilatation.
Pr Luc Defebvre, responsable du service de neurologieet pathologie du mouvement, centre expert Parkinson, CHU de Lille.
En quoi consistent concrètement les traitements de 2e ligne ?
Il existe trois traitements proposés aux patients très gênés par des fluctuations d’efficacité en dépit d’un traitement optimisé : le gel Duodopa, la pompe d’apomorphine et la stimulation électrique chronique des noyaux subthalamiques. Ces trois techniques sont présentées au patient, qui fait un choix éclairé du traitement. La première nécessite une intervention chirurgicale pour créer une stomie afin de mettre en place une sonde intrajéjunale reliée à une pompe à même de délivrer en continu un gel de lévodopa-carbidopa. Cette administration permet de s’affranchir du passage de l’estomac et d’assurer des taux réguliers de lévodopa dans le sang puis dans le cerveau. Généralement, avec cette méthode, le patient n’a plus besoin de traitement oral. La seconde consiste à administrer un agoniste dopaminergique en continu par voie sous-cutanée, les traitements oraux sont également diminués. La troisième consiste à implanter deux électrodes au niveau des noyaux subthalamiques. Celles-ci sont reliées à une pile rechargeable placée en position sous-costale. Cette technique permet aussi de diminuer les doses des autres médicaments. Elle est réservée aux patients de moins de 70 ans, alors que les deux autres peuvent s’adresser aux patients de plus de 70 ans.
Concernant l’administration du gel Duodopa et la pompe à apomorphine, quels sont les messages de vigilance à diffuser aux infirmières ?
Le recours au gel Duodopa nécessite une surveillance infirmière et de ce fait, la prescription de soins infirmiers à domicile. Les infirmiers doivent effectivement passer matin et soir au domicile du patient, au moins le premier mois, voire plus longtemps si le patient n’est pas autonome : il faut rincer la sonde, vérifier qu’il n’y a pas d’écoulement ni de déplacement (rechercher un enfouissement ou une extériorisation), s’assurer qu’il n’y a pas d’inflammation au niveau de la stomie. Il faut aussi donner des conseils au patient pour sa toilette : la sonde doit être déconnectée de la pompe le temps d’une douche, et la stomie obturée par un tampon obturateur. Le patient peut en général rester 15 à 30 minutes sans recevoir de gel, sans que cela ne se ressente sur son état moteur. Enfin, il faut savoir que ce traitement continu peut induire une carence en vitamine B12, les infirmiers doivent donc être vigilants quant aux signes évocateurs de neuropathie distale (comme des fourmillements ou une baisse de tonus musculaire dans les jambes). La survenue de tels signes doit être impérativement signalée au prescripteur. Concernant la pompe à apomorphine par voie sous-cutanée, les infirmiers interviennent pour mettre en place la pompe le matin, surveiller les éventuels effets secondaires (notamment une modification possible du comportement) et l’état cutané (risque de nodules sous-cutanés). Avec ces techniques, l’éducation thérapeutique du patient est essentielle pour permettre son autonomisation.
Je cote à la nomenclature
Il n’y a pas de cotation spécifique à la prise en charge des patients parkinsoniens. Néanmoins, on peut retenir certaines cotations, comme celles relatives à :
• l’élaboration du bilan de soins infirmiers (BSI) à domicile, nécessaire à la réalisation de soins infirmiers chez un patient dépendantdans le cadre de soins liés aux fonctions d’entretien et de continuitéde la vie (lire aussi l’article p. 10). La cotation relève de différents forfaitsselon les besoins des patients :
– charge en soins légère (BSA 13 €)
– charge en soins intermédiaire (BSB 18,20 €)
– charge en soins lourde (BSC 28,70 €).
• l’administration et la surveillance (avec établissement d’une fiche de surveillance) d’une thérapeutique orale à des patients présentant des troubles cognitifs (maladies neurodégénératives ou apparentées), en acte médical infirmier (AMI) – 1 et 2 – qui s’applique à chaque intervention à domicile et peut être complétée d’une majoration acte unique (MAU). À noter que la surveillance tensionnelle comme acte isolé n’est pasprise en charge par l’Assurance maladie.