L'infirmière n° 031 du 01/04/2023

 

ESSAIS CLINIQUES

VIE PRO

COMPÉTENCES

Laure Martin  

Au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades, des infirmières formées aux essais cliniques participent à la mise en œuvre de protocoles de recherche auprès des patients. Une mission diversifiée dont l’objectif final est d’améliorer le bien-être des enfants.

Comme au sein de nombreux établissements hospitaliers, les équipes de l’hôpital Necker-Enfants malades (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) déploient des protocoles de recherche. Ces derniers sont à l’initiative d’un promoteur - qui peut être un laboratoire pharmaceutique - et servent à mener des essais cliniques permettant de tester de nouveaux traitements ou dispositifs médicaux. La mise en œuvre d’un protocole implique des investigateurs, à savoir des médecins mais aussi des infirmiers et techniciens de recherche clinique. « Ce rôle infirmier est vraiment méconnu », pointe du doigt Laure, infirmière de recherche clinique (IRC) au sein du centre d’investigation clinique (CIC) de l’hôpital. Aujourd’hui titulaire d’un diplôme interuniversitaire (DIU) Infirmier et technicien de recherche clinique qui lui permet de cumuler les deux fonctions, elle a découvert ce rôle alors qu’elle cherchait à changer d’exercice. Pour Kelly, c’est aussi le hasard qui l’a amenée à cette facette du métier. « À l’origine, je travaillais en gastro-entérologie-hépato-nutrition, rapporte-t-elle. Dans ce service, certains patients étaient inclus dans des protocoles de recherche, j’étais donc amenée à rencontrer les IRC. C’est en discutant avec l’une d’elles que j’ai été séduite par son travail. » En novembre 2019, un poste s’étant libéré, elle a candidaté pour rejoindre l’équipe où elle a appris ses missions par compagnonnage et dans le cadre du DIU Infirmier et technicien de recherche clinique.

CIC ET INSTITUT IMAGINE

L’hôpital Necker-Enfants malades a la particularité de disposer de son propre CIC et d’héberger l’Institut Imagine, premier pôle européen de recherche, de soins et d’enseignement sur les maladies génétiques. Infirmière de l’AP-HP, Kelly est d’ailleurs mise à disposition de l’Institut Imagine, avec deux autres infirmiers, afin de travailler à l’application des protocoles de recherche. La distinction entre les deux structures repose à la fois sur les thématiques de recherche - les investigateurs choisissent le CIC ou l’Institut Imagine en fonction de leur projet - et leur organisation. L’Institut Imagine ne dispose pas de lit d’hospitalisation. Les protocoles de recherche sont donc menés auprès des patients, dans les différents services, dès lors qu’ils viennent consulter leurs médecins référents. « Nous profitons de cette consultation pour effectuer les examens et/ou les prélèvements aux patients pour l’étude dans laquelle ils sont inclus, précise Kelly. C’est pour cette raison que nous sommes mobiles au sein de l’établissement. » L’institut se concentre principalement sur des protocoles de phase 3 (lire encadré ci-dessous) afin de mesurer l’efficacité des traitements.

De son côté, le CIC étant un hôpital de jour (HDJ), il peut hospitaliser ses patients, quatre à six d’entre eux étant pris en charge quotidiennement dans ce service dédié à la recherche. Il dispose de quatre lits, deux box de consultation, une pharmacie et une salle de jeux. Cinq IRC, deux médecins, huit techniciens en études cliniques (TEC) et deux chefs de projet y sont rattachés. « Nous prenons en charge toutes les pathologies pour des maladies rares, avec ou sans traitement, principalement des enfants en échec ou en errance thérapeutique », souligne Laure. L’équipement de la plateforme du CIC offre à l’équipe une approche suffisamment sécurisée pour les protocoles d’essais cliniques de phase 1.

LE DÉROULEMENT DES PROTOCOLES

Si l’organisation de chacune des deux structures leur est propre, la mise en œuvre des protocoles sur le terrain est sensiblement similaire. Dès lors qu’un protocole est élaboré, une étude de faisabilité est organisée afin de savoir si l’équipe peut la prendre en charge dans son intégralité. Si c’est le cas, l’inclusion des patients peut débuter. « Ils sont généralement orientés par les médecins, indique Laure. Nous les convoquons ou ils nous sollicitent d’eux-mêmes. Cependant, pour entrer dans un protocole de recherche, il faut remplir de multiples critères de sélection. » Au CIC comme à l’Institut Imagine, les TEC assurent un premier repérage (« screening ») des patients avec les médecins, afin de s’assurer du respect des critères d’inclusion propres à chaque protocole. Les patients et leurs parents doivent ensuite donner leur consentement, en sachant qu’ils peuvent le récuser à tout moment. « La mise en place du protocole est effectuée avec le promoteur, les investigateurs et tous les membres de l’équipe impliqués dont les IRC et les TEC », explique Kelly. Une phase qui consiste d’abord à échanger sur le protocole de recherche. L’IRC l’étudie et s’en imprègne en respectant minutieusement ses directives afin de mettre en évidence tout ce qui relève de son rôle propre. « Ce travail demande une grande rigueur car chaque protocole à ses exigences », ajoute-t-elle. Un voire deux infirmiers identifiés participent à ce travail. Les soins, les perfusions, les examens, les traitements à donner : tout est détaillé et recensé dans le document créé par les infirmiers. « Il nous permet de savoir exactement quel rôle nous avons à tenir dès lors qu’un patient, intégré au protocole, vient à l’hôpital », souligne l’infirmière. Ce document est préalablement validé par le promoteur, car il devient une source officielle dans le cadre de l’essai clinique.

Les IRC jouent ainsi un rôle à la fois dans le soin clinique et dans la recherche. Ils dispensent les soins aux patients tels que définis dans le protocole de l’étude, se forment aux différents matériels, aux logiciels spécifiques ainsi qu’à la réglementation encadrant la recherche clinique. L’IRC peut aussi être amené à sensibiliser et aider à la recherche dans les services de soins ou encore accompagner des IDE ayant un projet de recherche paramédical. « Ce qui nous différencie d’une IDE de soins, ce sont principalement les supports utilisés (protocole de l’étude, manuel pharmacie et manuel laboratoire), la manipulation des échantillons biologiques (centrifugation, envoi) et l’administration de traitements spécifiques », complète Kelly.

Les IRC ne sont pas affectées au suivi d’un seul protocole. Elles travaillent sur plusieurs d’entre eux, en parallèle, et se relaient auprès des patients.

AMÉLIORER LE BIEN-ÊTRE DES PATIENTS

Les patients intégrant un protocole de l’Institut Imagine sont généralement, dans un premier temps, hospitalisés. Ils sont ensuite suivis dans le cadre de l’étude, parallèlement à leurs soins courants dans les différents services de l’hôpital, le plus souvent en HDJ. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des protocoles. « En intégrant des essais cliniques, ils n’ont bien souvent plus besoin d’être hospitalisés pour suivre leur traitement », rapporte Kelly. À titre d’exemple, l’une de ses patientes de 15 ans, atteinte d’une néphropathie, bénéficiait d’un traitement avec du Plasma frais congelé (PFC), impliquant une chambre implantable, donc un risque infectieux, et une hospitalisation d’une durée comprise entre 24 et 48 heures. « Aujourd’hui, elle a intégré un protocole et son traitement prend maintenant une dizaine de minutes, toutes les deux semaines, avec une voie veineuse périphérique, poursuit l’IRC. Sa qualité de vie a considérablement été améliorée. Elle ne manque plus qu’une matinée d’école toutes les deux semaines désormais. » « Comme nous recevons principalement des enfants en échec ou en errance thérapeutique, les parents et les enfants mettent souvent beaucoup d’espoir dans les traitements, reconnaît Laure. Ils sont compliants au protocole car ils se disent que cela devrait participer à améliorer la qualité de vie de l’enfant, malgré les effets secondaires existants pour tous les traitements. »

Les 4 phases des essais cliniques

→ La phase 1 vise à étudier la tolérance au médicament et à définir la dose et la fréquence d’administration.

→ La phase 2 cherche à confirmer l’activité clinique préliminaire et/ou pharmacologique du médicament à la dose recommandée à l’issue de la phase 1.

→ La phase 3 consiste à comparer le nouveau médicament à un traitement standard afin de déterminer son efficacité.

→ La phase 4, post-Autorisation de mise sur le marché (AMM), cherche à identifier des effets secondaires, etc.

Un CIC mobile

Un centre d’investigation clinique (CIC) mobile a été ouvert en 2022, afin d’offrir un autre mode de prise en charge aux patients. « À Paris et en Île-de-France, nous effectuons certains soins à domicile, notamment pour les patients qui ne peuvent pas se déplacer à l’hôpital, explique Laure, infirmière en recherche clinique au CIC de l’hôpital Necker-Enfants malades. Nous proposons le CIC mobile pour leur bien-être et leur confort, afin qu’ils puissent bénéficier du traitement. » L’équipe fonctionne avec un planning sur la semaine, les visites étant programmées pour permettre une anticipation des soins.