L'infirmière n° 031 du 01/04/2023

 

JE ME FORME

PRISE EN CHARGE

Thierry Pennable*   Muriel Salvat**   Stéphanie Jullien***  


*cardiologue coordinatrice du Réseau des insuffisants cardiaques de l’Isère (Resic38) au CHU de Grenoble (38)
**infirmière d’éducation thérapeutique auprès du Réseau d’insuffisance cardiaque (Resicard) à Paris

PATHOLOGIE

DÉFINITION

L’insuffisance cardiaque chronique désigne l’incapacité du muscle cardiaque à assurer normalement la propulsion du sang dans l’organisme. D’apparition progressive, cette incapacité est le plus souvent secondaire à une pathologie cardiaque préexistante. Les ventricules cardiaques ne pompent plus suffisamment de sang pour apporter assez d’oxygène et d’éléments nutritifs nécessaires au bon fonctionnement des organes :

→ l’insuffisance cardiaque gauche, la plus fréquente : le ventricule gauche est touché et le cœur n’éjecte plus suffisamment de sang vers les organes ;

→ l’insuffisance cardiaque droite : le ventricule droit est touché et le cœur ne propulse plus assez de sang dans les poumons ;

→ l’insuffisance cardiaque globale : les deux ventricules sont touchés.

CATÉGORIES DE PATIENTS

L’insuffisance concerne 2 à 3 % de la population générale et 10 % des personnes de plus de 75 ans. Trois grandes catégories de personnes peuvent être distinguées(1) :

→ les plus de 70 ans qui présentent une dysfonction cardiaque favorisée par l’hypertension artérielle, le diabète et l’obésité, et aggravée par les troubles du rythme cardiaque. C’est la catégorie la plus importante ;

→ les patients entre 45 et 70 ans qui ont fait un infarctus du myocarde étendu ;

→ les personnes de tout âge avec une cardiomyopathie soit familiale ou génétique, soit liée à une myocardite grave déclenchée par des toxiques (abus d’alcool par exemple).

TYPES D’INSUFFISANCE CARDIAQUE

Les différents types d’insuffisance cardiaque sont classés en fonction de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG), c’est-à-dire la proportion de sang éjectée à chaque battement du cœur. La FEVG mesure l’efficacité de pompage du cœur. Les valeurs normales de la FEVG, exprimées en pourcentages, sont comprises entre 55 et 70 %, le cœur ne se vidangeant pas complètement. Une FEVG inférieure à 55 % signe une insuffisance cardiaque qui est d’autant plus sévère que la FEVG est basse. Trois situations sont distinguées.

À FEVG RÉDUITE

L’insuffisance cardiaque à FEVG réduite (≤ 40 %) est encore appelée insuffisance cardiaque systolique. Le cœur se contracte moins vigoureusement et le ventricule gauche n’expulse plus suffisamment de sang à chaque contraction. Elle concerne environ 35 % des patients insuffisants cardiaques, souvent après des antécédents de maladie coronarienne (ex. : infarctus du myocarde).

À FEVG PRÉSERVÉE

L’insuffisance cardiaque à FEVG préservée (≥ 50 %) est encore appelée insuffisance cardiaque diastolique. Le ventricule gauche expulse suffisamment de sang mais se remplit difficilement après la contraction à cause d’une rigidité des parois par exemple. Vieillissement, hypertension artérielle et diabète font partie des causes d’insuffisance cardiaque diastolique.

À FEVG MOYENNEMENT RÉDUITE

L’insuffisance cardiaque à FEVG moyennement réduite (entre 41 et 49 %) est entre FEVG préservée et réduite. Elle concerne des patients au profil proche de ceux avec une FEVG réduite. Les deux profils de patients bénéficient de la même prise en charge.

PRINCIPALES CAUSES

LA CARDIOPATHIE ISCHÉMIQUE

C’est la première cause d’insuffisance cardiaque. Un rétrécissement des artères coronaires provoque une oxygénation insuffisante du cœur induisant :

→ un infarctus du myocarde qui crée une lésion irréversible au niveau du muscle cardiaque empêchant le cœur de fonctionner normalement ;

→ une angine de poitrine qui, lorsqu’elle est grave, peut se compliquer d’insuffisance cardiaque.

L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE

Deuxième cause d’insuffisance cardiaque, une hypertension artérielle mal contrôlée fatigue le muscle cardiaque qui doit lutter contre une forte pression pour envoyer le sang dans les artères. Après s’être épaissi pour rester efficace dans un premier temps, le muscle cardiaque se fatigue, perd de sa force, ce qui conduit à une insuffisance cardiaque.

LES CARDIOMYOPATHIES

Ce sont des maladies qui affectent directement le muscle cardiaque et son fonctionnement. Elles sont caractérisées par une altération progressive de la structure et de la fonction des parois musculaires cardiaques. Les cardiomyopathies peuvent être dues à une infection (ex. : VIH/sida), des médicaments (ex. : chimiothérapies anticancéreuses), une radiothérapie thoracique (ex. : cancer du sein), une consommation excessive d’alcool ou de drogues, etc.

AUTRES CAUSES

→ Troubles du rythme et de la conduction cardiaque (ex. : fibrillation auriculaire) ;

→ anomalies des valves cardiaques qui altèrent la circulation du sang entre les oreillettes et les ventricules et entre les ventricules et les artères ;

→ maladies des poumons qui gênent la circulation du sang et fatiguent le ventricule droit (ex. : bronchopneumopathie chronique obstructive ou BPCO, embolie pulmonaire) ;

→ autres maladies avec un retentissement cardiaque (ex. : hyperthyroïdie, lupus).

PHYSIOPATHOLOGIE

L’insuffisance cardiaque chronique se développe de façon similaire quelle que soit la maladie causale. Face aux dysfonctionnements de la pompe cardiaque, l’organisme met en œuvre des mécanismes de régulation hormonaux, le cœur s’adapte, mais l’insuffisance cardiaque s’installe progressivement.

LES MÉCANISMES DE RÉGULATION HORMONAUX

→ Sécrétion d’adrénaline qui accélère le rythme cardiaque pour maintenir le débit cardiaque ;

→ augmentation de la sécrétion de rénine qui stimule la production d’angiotensine II, vasoconstrictrice, et d’aldostérone qui augmente la résorption d’eau et de sodium au niveau du rein et donc la rétention hydrosodée ;

→ sécrétion de peptide natriurétique de type B (BNP) qui a des effets vasodilatateurs et diurétiques et favorise l’excrétion sodée rénale.

L’ADAPTATION DU CŒUR

Pour maintenir une circulation sanguine suffisante :

→ la taille du ventricule défaillant augmente pour disposer de plus de sang à chaque contraction et maintenir un volume stable de sang éjecté ;

→ la dilatation du ventricule induit une plus forte tension sur ses parois qui s’épaississent ;

→ le cœur se contracte plus intensément pour maintenir une éjection du sang suffisante et plus fréquemment pour augmenter le volume de sang pompé.

L’INSUFFISANCE CARDIAQUE

Les mécanismes d’adaptation compensent les dysfonctionnements de la pompe cardiaque dans un premier temps, mais ils deviennent progressivement problématiques. Le cœur consomme plus d’énergie pour fonctionner et s’épuise. Les parois des ventricules deviennent trop épaisses et difficiles à oxygéner. Elles perdent progressivement de leur puissance. C’est le début de la « décompensation » qui amène à l’insuffisance cardiaque.

CONSÉQUENCES DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE

Lorsque le cœur dysfonctionne :

→ l’augmentation de la pression du sang dans le cœur se transmet au niveau des poumons et entraîne un essoufflement ;

→ le ralentissement de la circulation et du débit sanguin induit une stagnation et une accumulation du sang dans les vaisseaux qui provoque un passage de liquide vers les tissus à l’origine des œdèmes ;

→ la diminution du débit sanguin touche les reins qui éliminent moins de sel et d’eau dans les urines, ce qui aggrave les œdèmes et explique une prise de poids rapide. Elle touche aussi les muscles, d’où une fatigue à l’effort.

SYMPTÔMES

SYMPTOMATOLOGIE PROGRESSIVE

L’insuffisance cardiaque peut rester longtemps asymptomatique tant que les mécanismes d’adaptation compensent les dysfonctionnements cardiaques. Les symptômes apparaissent progressivement sur plusieurs jours, mois ou années. Les symptômes peuvent être perçus soudainement lorsqu’ils limitent une activité pour la première fois ou lorsqu’ils surviennent au repos.

QUATRE SIGNES D’ALERTE

Quatre symptômes doivent alerter et faire évoquer une insuffisance cardiaque. Ils sont réunis sous l’acronyme EPOF pour « essoufflement », « prise de poids », « œdèmes », « fatigue ». La présence d’un ou plusieurs de ces symptômes justifie une consultation chez le médecin traitant(2).

→ L’essoufflement ou dyspnée, premier symptôme de l’insuffisance cardiaque, est dû à l’engorgement de sang dans les poumons qui rend la respiration difficile. Inconfort respiratoire au début, cette difficulté évolue vers un véritable essoufflement à l’effort, puis pour des efforts minimes et progressivement au repos. Le fait d’être encore plus essoufflé en position allongée qu’assise est un signe d’aggravation majeure nécessitant une consultation d’urgence, voire un appel au 15(3).

→ La fatigue, deuxième symptôme de l’insuffisance cardiaque, est ressentie même pour un effort limité. Elle est due à un apport insuffisant en sucre et en oxygène aux muscles (énergie). La fatigue entraîne une diminution des efforts dans la vie quotidienne à l’origine d’une perte musculaire.

→ Les œdèmes sont le troisième signe alarmant. Ils apparaissent au niveau des membres inférieurs, des chevilles, des pieds ou des jambes.

→ Une prise de poids importante et rapide de l’ordre d’un kilo par jour est un signe particulièrement alarmant. Elle traduit une poussée d’insuffisance cardiaque.

LES SYMPTÔMES ASSOCIÉS

→ Palpitations ;

→ perte d’appétit ;

→ douleur au niveau du foie due à l’augmentation de volume du foie.

QUATRE STADES DE GRAVITÉ

Quatre stades d’insuffisance cardiaque sont distingués selon la gravité des symptômes par la New York Heart Association (NYHA) :

→ NYHA I : pas de limitation dans les activités physiques, même avec un effort important ;

→ NYHA II : légère limitation à l’activité physique ordinaire avec essoufflement, fatigue ou palpitations ;

→ NYHA III : limitation marquée à l’activité physique. Essoufflement, fatigue ou palpitations lors des efforts modestes sans symptôme au repos ;

→ NYHA IV : activité physique impossible sans symptômes, aussi présents au repos.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic réalisé par le cardiologue est basé sur l’association de symptômes (EPOF), d’une élévation du peptide natriurétique (BNP) et d’une anomalie cardiaque à l’échographie.

L’EXAMEN CLINIQUE

Basé sur les signes EPOF, il n’est pas toujours évident. Essoufflement, prise de poids rapide, œdèmes et fatigue impactant l’activité physique peuvent être difficiles à détecter chez des personnes souvent âgées de plus de 65 ans, présentant des comorbidités et une polymédication.

LE BILAN SANGUIN

Recherche de dyslipidémies (cholestérol et triglycérides), de la glycémie, des fonctions rénales, hépatiques…

→ Remarque : en présence de signes d’insuffisance cardiaque, une cardiopathie est recherchée par un électrocardiogramme (ECG), une radiographie de thorax ou le dosage de peptides natriurétiques (BNP ou NT-pro-BNP). Si l’ECG et/ou le dosage des BNP est normal, une insuffisance cardiaque est peu probable. Les taux de BNP ont aussi une valeur pronostique chez les patients, plus ils sont élevés, plus le risque de décès et d’hospitalisations itératives est accru.

LE BILAN CARDIAQUE

→ L’échodoppler cardiaque, ou échographie doppler, permet d’observer la taille des cavités cardiaques et l’épaisseur du muscle cardiaque, la capacité de pompage du cœur et le fonctionnement des valvules cardiaques ;

→ la radiographie thoracique renseigne sur la taille du cœur (volume augmenté ou cardiomégalie) et sur une éventuelle anomalie des poumons (épanchement pleural par exemple) ;

→ l’ECG peut montrer des anomalies (tachycardie, séquelles d’infarctus du myocarde) ;

→ l’imagerie par résonance magnétique ou IRM cardiaque renseigne sur la fonction cardiaque et sur le muscle cardiaque. Il contribue au diagnostic de la cause de l’insuffisance cardiaque ;

→ le scanner cardiaque montre l’aspect des vaisseaux et du cœur ;

→ autres examens possibles : scintigraphie cardiaque, cathétérisme cardiaque, coronarographie, etc.

ÉVOLUTION

L’évolution de l’insuffisance cardiaque varie en fonction de la maladie causale. Les symptômes peuvent rester stables longtemps avant de s’aggraver. Des complications sont possibles, notamment l’insuffisance cardiaque aiguë ou l’œdème aigu pulmonaire. La mortalité reste élevée cinq ans après le diagnostic, de l’ordre de 31 à 50 % des patients, avec un meilleur pronostic quand l’insuffisance cardiaque n’est pas consécutive à un infarctus du myocarde.

Au stade 1 (NYHA I) : si les symptômes sont stables et contrôlés, un suivi semestriel chez le médecin traitant et annuel chez le cardiologue, incluant ECG et échocardiographie, permet de détecter une progression asymptomatique.

Aux stades plus avancés, le suivi est intensifié : mensuel chez le médecin généraliste si besoin et pluriannuel chez le cardiologue.

PRISE EN CHARGE

Une fois le diagnostic posé, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque vise à :

→ ralentir sa progression ;

→ améliorer les symptômes et la qualité de vie ;

→ réduire les complications, hospitalisations ou décès.

Le traitement à vie repose sur :

→ une adaptation des habitudes hygiénodiététiques à la maladie ;

→ un traitement médicamenteux.

Le recours à la pose d’un dispositif implantable cardiaque est possible en cas d’échec de cette prise en charge.

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX

Il consiste en :

→ des médicaments pour soulager les symptômes : diurétiques, nitrates ou digoxine ;

→ des médicaments pour contribuer à prolonger la survie.

SELON LA FEVG

La prise en charge en première ligne de l’insuffisance cardiaque à FEVG modérément réduite (entre 41 et 49 %) est la même que pour une FEVG diminuée (≤ 40 %) car elle permet de réduire la mortalité et les hospitalisations(4). Pour l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée (≥ 50 %), aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité sur la morbi-mortalité, mais les diurétiques réduisent les symptômes. Aujourd’hui les gliflozines sont prescrites parce qu’elles diminuent le risque d’hospitalisation. La Haute Autorité de santé (HAS) considère l’empagliflozine comme un traitement de première intention chez les patients à FEVG préservée(5).

POUR UNE FEVG ≤ 49%

Traitement symptomatique

Les diurétiques, en premier lieu les diurétiques de l’anse, sont utilisés pour améliorer les œdèmes périphériques et la congestion pulmonaire, la dyspnée, la tolérance à l’effort et la qualité de vie. Ils sont diminués voire arrêtés chez les patients asymptomatiques.

Mode d’action : les diurétiques de l’anse augmentent la diurèse en inhibant la réabsorption tubulaire du sodium, du potassium et du chlore.

Traitement de fond

Traitement de 1re ligne

Quatre classes thérapeutiques sont prescrites à la dose maximale tolérée (voir tableau) :

→ les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA), inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou association valsartan/sacubitril. Ils ont une action vasodilatatrice. Ils améliorent la fonction contractile et augmente le débit cardiaque ;

→ les bêtabloquants bloquent l’activation sympathique provoquée par la pathologie et diminuent la survenue de troubles du rythme ;

→ les antagonistes de l’aldostérone favorisent l’élimination urinaire d’eau et de sodium et la réabsorption de potassium ;

→ les inhibiteurs du SGLT2, ou gliflozines, réduisent la réabsorption rénale du glucose et favorisent son excrétion urinaire. Ils améliorent la glycémie (à jeun et postprandiale).

Traitement de 2e ligne

→ Les sartans en cas de contre-indication aux IEC et/ou à l’association valsartan/sacubitril ;

→ l’ivabradine chez les patients avec fréquence cardiaque > 70 battements par minute ou bpm au repos malgré le bêtabloquant ou en cas d’intolérance à ce dernier ;

→ la digoxine peut être prescrite en cas de symptômes persistants malgré un traitement de première ligne optimal ou chez les patients en fibrillation atriale.

TRAITEMENT NON MÉDICAMENTEUX

L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT (ETP)

« L’ETP est indispensable à une bonne prise en charge de la maladie, estime Stéphanie Jullien, infirmière d’éducation thérapeutique auprès du Réseau d’insuffisance cardiaque (Resicard) à Paris. Elle permet de fixer des objectifs atteignables avec le patient, compte tenu de ses priorités personnelles et des compétences qu’il nous paraît souhaitable qu’il acquière, sachant que le but n’est pas de gérer toutes les problématiques en même temps, mais de prioriser. »

LES MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES

« Certains patients ont déjà de bons réflexes mais l’insuffisance cardiaque par elle-même implique des adaptations diététiques, notamment sur la consommation de sel et les apports hydriques, souligne le docteur Muriel Salvat, cardiologue coordinatrice du Réseau des insuffisants cardiaques de l’Isère (Resic38). L’insuffisance cardiaque provoque un catabolisme important qui impose une attention particulière au risque important de dénutrition chez les patients qui ont un profil inflammatoire comparable à celui d’un patient avec un cancer. »

→ La consommation de sel ne devrait pas dépasser 5 g par jour mais une restriction stricte n’est pas recommandée à cause d’un risque d’hyponatrémie et de dénutrition, surtout chez les personnes âgées. Certains réseaux de santé proposent des consultations prises en charge avec une diététicienne.

→ Hydratation. Le patient peut boire régulièrement selon sa soif, sans excès, 1,5 à 2 litres par jour toutes boissons confondues, sauf recommandation médicale particulière. En cas de risque de déshydratation (fortes chaleurs, vomissements, etc.), un avis médical permet d’évaluer la nécessité d’ajuster le traitement et d’adapter les apports hydriques si besoin.

LA RÉADAPTATION CARDIAQUE

Elle est préconisée après une décompensation cardiaque ou à tous les stades d’une insuffisance cardiaque stabilisée, notamment après une chirurgie cardiaque ou en cas de sédentarité qui aboutirait à un déconditionnement à l’effort. La réadaptation cardiaque améliore les capacités à l’effort, la qualité de vie, diminue le risque d’hospitalisations et redonne confiance au patient. Elle mêle éducation thérapeutique, nutrition, activité physique, réentraînement à l’exercice, et permet parfois une optimisation des traitements médicamenteux.

L’ACTIVITÉ PHYSIQUE ADAPTÉE

L’activité physique pratiquée selon les capacités du patient a prouvé ses bénéfices sur la dyspnée, les capacités musculaires, et plus généralement sur l’évolution de la maladie. La prescription d’une activité physique adaptée prolonge la réadaptation cardiaque et améliore les résultats. L’objectif est une activité physique quotidienne en autonomie.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Les traitements chirurgicaux sont parfois indispensables pour traiter une insuffisance cardiaque. C’est le cas par exemple quand elle est causée par :

→ une malformation congénitale ou un défaut de fermeture d’une valvule cardiaque ;

→ une obstruction des artères coronaires (pose de stents ou pontage).

La pose d’un stimulateur cardiaque, un pacemaker, permet parfois de resynchroniser les contractions cardiaques. Par exemple lorsque les troubles du rythme résistent au traitement médicamenteux. Le stimulateur cardiaque a aussi une fonction de défibrillateur implantable en cas de fibrillation auriculaire ou de tachycardie ventriculaire.

La transplantation cardiaque est nécessaire dans les cas les plus graves.

VIE QUOTIDIENNE

Les quatre consignes à respecter en cas d’insuffisance ont été regroupées sous l’acronyme EPON pensé par Clémence Gualy, jeune femme atteinte d’insuffisance cardiaque, pour regrouper : « exercice physique », se « peser régulièrement », « observance des consultations et traitements », « ne pas trop saler ». Cette formule est devenue une référence, avec l’idée de « passer d’EPOF à EPON ».

RÉFÉRENCES

Notes

1. Livre blanc « Plaidoyer pour une prise en charge de l’insuffisance cardiaque et des cardiomyopathies », Société française de cardiologie, 2021. Consultable en ligne : bit.ly/40MbQAF.

2. « Les symptômes, le diagnostic et l’évolution de l’insuffisance cardiaque », Assurance maladie, novembre 2022. bit.ly/3Kh51lc.

3. « L’insuffisance cardiaque », brochure de la Fédération française de cardiologie, août 2021, disponible en téléchargement : bit.ly/3TSmNOU.

4. « Recommandations ESC 2021 : Diagnostic et prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë et chronique », Société européenne de cardiologie, août 2021.

5. « Empagliflozine - Jardiance 10 mg, comprimé pelliculé - Nouvelle indication », Haute Autorité de santé, juin 2022. bit.ly/3ZujKh4.

Patient +

QUAND PEUT-ON PARLER D’INSUFFISANCE CARDIAQUE AIGUË ?

On parle d’insuffisance cardiaque aiguë lorsque le cœur est brutalement incapable d’assurer sa fonction de pompe sanguine. C’est le cas de l’infarctus du myocarde : un obstacle dans une artère coronaire prive spontanément le muscle cardiaque d’oxygène. L’insuffisance cardiaque aiguë peut aussi être due à l’aggravation d’une insuffisance cardiaque chronique qui devient trop sévère.

Patient +

QUELLE DIFFÉRENCE ENTRE INSUFFISANCES CARDIAQUES « SYSTOLIQUE » ET « DIASTOLIQUE » ?

L’insuffisance cardiaque est dite « systolique » quand la pompe cardiaque a moins de force et donc que la quantité de sang éjectée par le ventricule est diminuée. Elle est dite « diastolique » quand le cœur se remplit moins bien parce qu’il a du mal à bien se relaxer.

L’AVIS DE L’EXPERTE

Les infirmières ont un rôle majeur dans le dépistage

Dr Muriel Salvat, cardiologue coordinatrice du Réseau des insuffisants cardiaques de l’Isère (Resic38) au CHU de Grenoble (38).

Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque est-il compliqué ?

Le diagnostic est compliqué parce que les symptômes de l’insuffisance cardiaque ne sont pas spécifiques, il n’y a pas de signe pathognomonique(1). Or l’insuffisance cardiaque chronique touche de manière prédominante les personnes âgées qui s’adaptent à leurs symptômes. Essoufflées, elles marchent moins vite. Fatiguées, elles se reposent plus. Le diagnostic est souvent fait trop tardivement, à l’occasion d’une forme grave de l’insuffisance cardiaque qui est l’œdème aigu pulmonaire. Une complication grave et traumatisante qui pourrait être évitée lorsque les signes d’insuffisance cardiaque sont présents depuis plusieurs semaines.

L’infirmière peut-elle repérer des signes d’insuffisance cardiaque ?

Oui, les infirmières ont un rôle majeur dans le dépistage. Chez un patient insuffisant cardiaque connu, toute majoration des signes EPOF(2) doit être analysée. Le patient est toujours essoufflé, mais s’il est plus essoufflé, plus fatigué, qu’il fait plus d’œdèmes ou prend du poids rapidement, il faut faire attention. Une prise de 2 ou 3 kg signe déjà une décompensation avant que les œdèmes soient apparents. Au-delà des signes EPOF, tout changement de l’état clinique ou du comportement peut être un signe de décompensation. En population générale, l’infirmière peut remarquer un patient plus essoufflé ou plus fatigué que d’habitude, qui fait des œdèmes ou qui prend du poids rapidement, et contacter le médecin traitant en cas de doute. Une meilleure connaissance de l’insuffisance cardiaque permettrait à 31 à 50 % des personnes qui ne sont pas diagnostiquées de rentrer dans une filière active et d’avoir une prise en charge organisée.

1. Signe dont la présence indique une maladie donnée sans équivoque possible.

2. Signes EPOF : essoufflement, fatigue, œdèmes et prise de poids.

Savoir +

• Livre blanc « Plaidoyer pour une prise en charge de l’insuffisance cardiaque et des cardiomyopathies », Société française de cardiologie, 2021. Ce plaidoyer réalisé avec tous les acteurs de soins dont les infirmières et les médecins, les malades et les aidants, dresse un état des lieux sur la prise en charge des patients, des difficultés rencontrées, et propose des solutions pour optimiser qualité et espérance de vie. Consultable en ligne : bit.ly/40MbQAF.

• « Insuffisance cardiaque », dossier de l’Assurance maladie en ligne. La maladie, ses traitements, la vie au quotidien, ce dossier complet de l’Assurance maladie présente clairement les différents aspects d’un syndrome méconnu. Sur internet : www.ameli.fr (Assuré > Santé > Tous les thèmes de santé > Insuffisance cardiaque)

• « Insuffisance cardiaque - Ralentir son évolution par une surveillance médicale », Fédération française de cardiologie. Des explications synthétiques et accessibles des mécanismes de l’insuffisance cardiaque, de son traitement et de ses signes d’alerte. Pour les patients. Sur internet : www.fedecardio.org

• « Édition spéciale ESC 2021 du Journal du collège des cardiologues en formation (CCF) », octobre 2021. Le point sur les « Recommandations ESC 2021 : diagnostic et prise en charge de l’Insuffisance cardiaque aiguë et chronique » de la Société européenne de cardiologie. En ligne sur cardio-online.fr. bit.ly/43i7B1Z.

ÉCLAIRAGE

La chronicité est difficile à admettre

Stéphanie Jullien, infirmière d’éducation thérapeutique auprès du Réseau d’insuffisance cardiaque (Resicard) à Paris.

« Resicard est un réseau de santé ville-hôpital spécialisé dans l’insuffisance cardiaque. L’éducation thérapeutique est la porte d’entrée du suivi du patient insuffisant cardiaque dans le réseau. Les ateliers, collectifs ou individuels, abordent les médicaments et leur gestion, les mesures hygiénodiététiques, l’activité physique et plus largement le quotidien du patient insuffisant cardiaque. Chaque thématique comporte un volet connaissances et un volet compétences à acquérir par le patient. Nous avons conservé les ateliers en visio mis en place au moment du Covid, notamment pour les patients plus jeunes n’ayant pas le temps de venir en atelier présentiel de deux heures. Toutes les infirmières du réseau et les professionnels libéraux intervenants (diététiciens, pharmaciens, éducateurs activité physique adaptée ou APA, etc.) sont formés à l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Le programme ETP débute par l’atelier « Comprendre l’insuffisance cardiaque » parce que le diagnostic n’a pas toujours été clairement posé ou compris(1). Les patients restent souvent centrés sur l’affection qui a causé l’insuffisance cardiaque. Ils ne disent pas “j’ai une insuffisance cardiaque”, mais “j’ai fait un infarctus il y a 10 ans” ou “j’ai un problème de valves cardiaques”. Ils doivent faire le lien entre leurs antécédents qui deviennent l’étiologie de cette nouvelle maladie, à savoir l’insuffisance cardiaque. Les ateliers collectifs permettent aux patients de rencontrer des personnes qui partagent un quotidien semblable sans avoir la même histoire ni la même étiologie de la maladie, et des symptômes communs, notamment la fatigue, très handicapante au quotidien, qu’ils associent souvent à tort à l’âge. La chronicité de l’insuffisance cardiaque est difficile à admettre pour certains patients, nombreux sont ceux qui demandent à quel moment les médicaments seront arrêtés. Cette chronicité rejoint l’évolution naturelle de la maladie qui n’est pas facile à aborder parce qu’elle est très sombre(2). Il faut expliquer sans brusquer les patients que les hospitalisations itératives sont un marqueur de la gravité de la maladie, et que chaque décompensation cardiaque noircit le pronostic. Le lien doit être fait avec l’intérêt de bien gérer son insuffisance cardiaque car, pour changer ses habitudes, il faut avoir conscience du bénéfice attendu, à la fois pour le pronostic de sa maladie et surtout pour la qualité de vie. »

1. Seulement deux tiers des patients sont conscients de souffrir d’insuffisance cardiaque après une hospitalisation pour décompensation cardiaque (enquête IC-PS2, 2018).

2. Le taux de mortalité cinq ans après le diagnostic est de 31 à 50 %.