QUAND IL PREND DU GALON, LES PARAMÉDICAUX AUSSI - Ma revue n° 031 du 01/04/2023 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 031 du 01/04/2023

 

JE DIALOGUE

Laure Martin  

Infirmier de formation, Cyrille Maugé a gravi un à un les échelons du service de santé des armées (SSA). Sa nomination en novembre 2022 comme conseiller paramédical du directeur central du SSA signe une reconnaissance des paramédicaux au sein de l’institution militaire.

Pourquoi avoir rejoint l’armée ?

C. M. : J’ai suivi mes études d’infirmier dans le civil à Cherbourg (Normandie) et, par hasard, j’ai effectué la plupart de mes stages au centre hospitalier des armées (CHA) René Lebas, qui a depuis fermé. J’y ai découvert une ambiance de travail et une notion de cohésion d’équipe qui, par rapport au civil, m’ont beaucoup plus séduit et me correspondaient davantage. Les professionnels de santé, peu importe le métier exercé, forment un groupe uni au profit du patient. Au moment de mon service militaire, j’ai été affecté à ce même hôpital. Mon attirance pour ce secteur professionnel s’est alors confirmée. J’ai signé un contrat d’engagement au sein du service de santé des armées (SSA). J’ai été nommé en 1989 au service de réanimation de l’hôpital d’instruction des armées (HIA) Bégin, à Saint-Mandé (Val-de-Marne). L’affectation m’a été imposée, mais je ne l’ai pas vécue comme une contrainte pour autant. Il faut comprendre cette notion d’engagement au sens premier du terme. Nous nous engageons à servir l’institution, donc nous acceptons notre affectation sans nous poser de question.

Puis vous avez gravi les échelons…

C. M. : Il y a eu un moment clé : lorsque j’ai été envoyé en opération extérieure (Opex) pendant la guerre du Golfe en 1990. La personne que j’étais quand je suis revenu n’était plus la même que celle qui était partie. Cette expérience a été hors du commun. J’ai été confronté à de belles choses, mais aussi à des événements terribles, qui restent indicibles 32 ans plus tard. Ce type d’expérience nous unit encore plus entre militaires. Lorsqu’on dit appartenir à la famille « militaire », ce terme n’est pas à galvauder. Quoi qu’il en soit, cette expérience m’a transformé et projeté dans mon métier, sans que, dans un premier temps, je ne m’en rende nécessairement compte. Mais ma hiérarchie a perçu ce changement et m’a proposé d’exercer en tant que faisant-fonction cadre, avant de me former officiellement à ce poste et de m’affecter à l’HIA de Clermont-Tonnerre à Brest (Finistère). J’ai ensuite occupé plusieurs postes après avoir suivi les formations dédiées : cadre supérieur de santé, correspondant paramédical des infirmiers des forces armées du quart nord-ouest à la direction régionale du SSA et directeur des soins depuis 2012. J’ai exercé cette fonction à Clermont-Tonnerre, avant de devenir gestionnaire du personnel sous le statut des Militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (Mitha) au sein de la direction centrale du SSA. Ce dernier poste a apporté un changement notable à ma carrière, car il m’a permis de m’intéresser à la gestion des ressources humaines (RH). À l’époque, le SSA souhaitait que des paramédicaux gèrent la carrière des paramédicaux, car l’idée selon laquelle il fallait une connaissance des métiers pour une gestion RH optimale émergeait.

Votre poste actuel et votre nomination marquent-ils une reconnaissance des paramédicaux ?

C. M. : En effet. En 2021, je suis devenu l’adjoint au chef du Département d’accompagnement et de gestion des RH (DAGRH) du SSA, au Fort Neuf de Vincennes (Val-de-Marne). Je m’occupe des conditions de travail de tous les personnels du SSA, de la chancellerie (notations, récompenses, décorations), de la communication RH et je suis responsable de la cellule d’aide aux blessés et malades militaires du SSA aux Invalides à Paris (VIIe arrondissement). Les missions sont nombreuses, riches et variées. Ma nomination marque une avancée pour la profession soignante. Le directeur central actuel et ses prédécesseurs ont intégré l’importance du rôle des paramédicaux à tous les niveaux du SSA, essentiels à son fonctionnement.

Plus récemment, le directeur central a souhaité s’entourer d’un conseiller paramédical pour comprendre l’évolution des pratiques professionnelles et des statuts des paramédicaux. En tenant compte de mon parcours en HIA, sur le terrain, et de mon évolution professionnelle, il a décidé de me nommer à ce poste en parallèle de ma fonction au DAGRH.

Quel est votre rôle précisément ?

C. M. : Je conseille le directeur central sur l’existant et l’avenir pour les paramédicaux, en échangeant avec mon homologue au ministère de la Santé, Brigitte Feuillebois. Je suis aussi le représentant du ministre des Armées à l’Ordre national des infirmiers et le représentant du SSA au sein de la commission nationale de la certification périodique, ce qui me permet d’être au fait de toutes les évolutions pour la profession infirmière. Nous travaillons par exemple sur la mise en place de la pratique avancée au sein du SSA. J’interviens pour expliquer les avantages et les limites. Je suis convaincu que la création d’un corps dédié au sein du SSA permettrait de faire évoluer les pratiques sur le terrain, et surtout, qu’elle offrirait aux infirmiers la possibilité d’accéder à des grilles indiciaires plus intéressantes. Pour avancer en ce sens, le décret Mitha doit évoluer, ce qui est attendu pour 2023.

Nous travaillons aussi sur les protocoles de coopération afin de donner plus d’autonomie aux infirmiers, notamment à ceux en exercice isolé par exemple sur les bâtiments de la marine. Nous souhaitons également déployer une politique du haut encadrement militaire. Jusqu’à présent, seuls les praticiens étaient concernés. Aujourd’hui, le directeur central souhaite le proposer à des paramédicaux. Il concrétise leur place et la reconnaissance de leur action. Nous sommes donc en train de construire ce type de poste au sein du SSA. C’est valorisant et innovant pour les paramédicaux.

L’institution militaire est-elle avant-gardiste ?

C. M. : L’institution a parfois eu l’impression d’être en retard sur le monde civil alors même qu’aujourd’hui nos pratiques sont regardées comme précurseures. Nous souhaitons avant tout adapter les pratiques à notre exercice particulier. Certains protocoles de coopération sont consubstantiels de nos missions. Et si nous pouvons inspirer les autres, tant mieux. Il est vrai que par le passé, le monde militaire a déjà inspiré le civil. Par exemple, le principe des interventions en préhospitalier, au plus près du terrain avec le Samu, est l’héritier de la médecine militaire française « de l’avant » avec les infirmiers et les médecins au plus près des combats.

Le SSA est-il concerné par les problématiques d’attractivité du métier d’infirmier ?

C. M. : Nous avons deux types de recrutement. Tout d’abord au travers de notre propre institut de formation, l’école du personnel paramédical des armées (EPPA) située à Lyon (Rhône). À ce niveau, nous n’avons pas de problématique d’attractivité, car pour 120 places, nous avons 1 400 candidats en moyenne chaque année. En revanche, pour le recrutement « sur étagère », c’est-à-dire les candidatures spontanées d’infirmiers titulaires du diplôme d’État dans le civil qui souhaitent intégrer le SSA, nous rencontrons un peu plus de difficultés, mais nous parvenons à couvrir nos besoins. La problématique est davantage liée à une question de fidélisation. Le problème est multifactoriel et surtout en lien avec la nouvelle génération, qui ne s’interdit pas d’être mobile dans ses lieux d’exercice. Le choc générationnel est réel. Je ne le juge pas, mais cela impacte nos organisations.

POURQUOI LUI

Formé dans un Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) civil, Cyrille Maugé a été séduit, lors de ses stages, par l’état d’esprit militaire. Il intègre le service de santé des armées en 1989. 34 ans plus tard, il y exerce encore, racontant avec passion, les liens indéfectibles existant entre les militaires. Son poste d’adjoint au chef du département d’accompagnement et de gestion des RH ainsi que, récemment, sa nomination au poste de conseiller paramédical du directeur central du service de santé des armées représentent une réelle reconnaissance pour la profession infirmière.

BIO EXPRESS

1988 Diplôme d’État d’infirmier.

Juillet 1989 Contrat d’engagement au sein du service de santé des armées (SSA).

1990 Départ en opération extérieure pour la guerre du Golfe.

1997-1998 Formation à l’Institut de formation des cadres de santé de la Croix-Rouge.

2012 Formation à l’École des hautes études en santé publique pour devenir directeur des soins.

2021 Adjoint du chef du Département accompagnement et gestion des ressources humaines du SSA à Vincennes.

Novembre 2022 Nomination comme conseiller paramédical du directeur central du SSA.