L'infirmière n° 031 du 01/04/2023

 

SOINS INFIRMIERS

JE DÉCRYPTE

CONGRÈS

Thierry Pennable  

La prise en charge des plaies s’enrichit chaque année de nouvelles techniques et thérapeutiques que les spécialistes ont présentées lors des « Journées 2023 Cicatrisations » à Paris en janvier dernier.

En préambule de la session « Quoi de neuf ? » des trois journées organisées par la Société française et francophone plaies et cicatrisations (SFFPC) du 15 au 17 janvier dernier à Paris, le docteur Franz Weber, du centre hospitalier universitaire (CHU) Sud Réunion, s’est demandé si l’évolution de la conscience écologique en population générale touchait aussi les soignants. Pour le spécialiste, également formateur en plaies et cicatrisation, le seul fait d’aborder ce thème marque déjà une innovation. Le secteur de la santé représente 8 % des émissions de gaz à effet de serre produites en France, dont 33 % concernent l’achat de médicaments et 21 % l’achat de dispositifs médicaux(1). Parmi les nouveautés qui vont dans le sens d’une santé décarbonée, le docteur Weber a souligné l’intérêt des indicateurs visuels pour faciliter le choix du bon moment pour le changement d’un pansement tel DuoDERM Signal de Convatec, ainsi que la limitation des prescriptions hospitalières exécutées en ville à une durée maximale de 7 jours au lieu d’un mois. Les boîtes de 16 pansements ne sont pas non plus adaptées à la prise en charge évolutive d’une plaie. Pour lui, « l’écologie dans le domaine de la santé va continuer à prendre de l’ampleur ».

QUELQUES NOUVEAUTÉS DANS LES PANSEMENTS

La session « Quoi de neuf ? » des journées a fait le tour des nouveautés 2022. Tout d’abord, les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) de décembre concernant les pansements pour plaies suturées, à la suite d’une intervention chirurgicale. Les experts de la HAS recommandent les pansements secs ou gras, ou des hydrocolloïdes sous forme de plaque mince. La HAS rappelle les précautions quant à l’usage abusif des antiseptiques, et renouvelle sa préconisation de nettoyer des plaies au savon doux ou au sérum physiologique. Christine Faure, pharmacienne au CHU de Montpellier (Hérault), « regrette l’absence des interfaces et des hydrocellulaires » dans la fiche de la HAS, et remarque que la notion de pansements complexes évoquée reste difficile à cerner. La pharmacienne a ensuite présenté quelques nouveautés de formes de pansements, de dimensions ou de présentations.

La forme adhésive de ConvaMax pansement superabsorbant adhésif (Convatec). Cet hydrocellulaire super absorbant est autoadhésif mais peut être maintenu par un pansement de fixation ou une bande de compression moyenne à modérée. Il est indiqué pour les plaies modérément à très exsudatives : ulcères de jambe, escarres, ulcères du pied diabétique, etc.

Aquacel Ag+ Extra (Convatec), pansement hydrofibre, est imprégné de 1,2 % d’argent ionique, agent antimicrobien, et de deux composants actifs sur le biofilm, le sel disodique d’acide éthylènediaminetétraacétique (EDTA) et le chlorure de benzéthonium. Il est indiqué pour le recouvrement des plaies exsudatives aiguës et chroniques : ulcères de jambe et du pied diabétique, escarres, plaies chirurgicales, brûlures du second degré, etc., mais n’est pas remboursé.

Sorbalgon Classic et Sorbalgon T Classic mèches (Hartmann), pansements alginate dans lesquels le polysorbate est remplacé par l’alginate de sodium, ce qui en fait des produits 100 % fibres d’alginate avec un risque de délitement diminué. Ils sont indiqués dans les plaies modérément à fortement exsudatives, superficielles et chroniques.

Duramax S (Smith & Nephew), pansement hydrocellulaire superabsorbant en silicone, est composé de six couches de polypropylène et de fibres de cellulose dont une interface siliconée. Le noyau central absorbant contient un polymère superabsorbant qui assure l’absorption et la rétention de l’exsudat. Il peut être laissé en place jusqu’à 7 jours selon le niveau d’exsudat. Il est indiqué dans les plaies malodorantes avec exsudat modéré à important : ulcères du pied diabétique, ulcères de jambe veineux ou artériels, brûlures du premier et du second degré, etc.

Cosmopor silicone (Hartmann), hydrocellulaire à absorption importante, qui, à la différence du pansement sec bien connu Cosmopor E, est composé de fibres de polyacrylate qui lui confèrent une capacité d’absorption supérieure. Il est indiqué pour la protection des plaies aiguës, coupures, lacérations et abrasions, des plaies postopératoires et pour les plaies avec une production d’exsudats faible à modérée.

Ialuset Absorb Fine (IBSA, ex-Genevrier), pansement à l’acide hyaluronique qui a la particularité d’avoir une structure hydrocellulaire. Ce pansement d’absorption moyenne est composé de trois couches : une compresse absorbante avec une grille de polyester imprégnée, contenant 1 % d’acide hyaluronique, un support non tissé adhésif en polyester et un film adhésif en polyuréthane. Ce pansement qui maintient un environnement humide au contact de la plaie, est indiqué dans les ulcères de jambe, faiblement exsudatifs, de la phase de bourgeonnement à la phase d’épidermisation.

ATTENTION AUX BIOMÉDICAMENTS DANS L’INFECTION LOCALE

L’utilisation des biomédicaments est de plus en plus fréquente, a fait remarquer le docteur Anne Dompmartin, dermatologue au CHU de Caen (Calvados). Ils sont prescrits dans de nombreuses situations, par exemple en rhumatologie (polyarthrite…), dermatologie (psoriasis…) gastroentérologie (Crohn, rectocolite) ou en neurologie (migraine). S’il ne s’agit pas de traitements immunodéprimants comme la chimiothérapie anticancéreuse « classique », les biomédicaments sont immunomodulateurs. Ils agissent sur certaines cytokines et augmentent le risque infectieux. La spécialiste conseille de bien interroger les patients sur leurs traitements en cours car le statut immunitaire est essentiel pour la prise en charge de l’infection locale. Les patients ne pensent pas toujours à signaler les injections administrées toutes les deux, trois ou quatre semaines. Le docteur Dompmartin rappelle que pour prévenir une infection locale, voire systémique, il faut combattre les suintements importants de la plaie qui sont des « bouillons de culture », ainsi que la nécrose.

LES THÉRAPIES « PHYSIQUES »

Comme chaque année, le docteur Sylvie Meaume, dermatologue gériatre à l’unité de gériatrie plaies et cicatrisation de l’hôpital Rothschild à Paris, s’est penchée sur les évolutions en matière de technologies ou de stratégies. Les plaquettes autologues ne sont pas commercialisées en France, mais le système autologue ActiGraft est disponible. Cette autohémothérapie est réalisée à partir du sang total du patient prélevé par voie veineuse (2 tubes) et mélangé à une poudre de gluconate de calcium pour former un caillot qui, appliqué sur la plaie, optimise le potentiel de guérison de l’organisme. Le docteur Meaume a aussi évoqué le scanner Provizio, de la taille d’une télécommande, qui aide à identifier le risque accru d’escarres sur des zones anatomiques spécifiques du corps du patient cinq jours plus tôt que l’évaluation visuelle de la peau (rougeur), quelle que soit la couleur de la peau, sachant que les soins sont plus efficaces avant l’effraction cutanée. La spécialiste a aussi mentionné, parmi de nombreuses autres techniques, le sous-matelas de repositionnement automatique Turn’all (Arjo). Ce système de repositionnement anti-escarre soulage les soignants dans le retournement régulier des patients immobiles à risque d’escarre, à l’heure où de nombreux services manquent d’effectifs….

1. Décarboner la santé pour soigner durablement, The Shift Project, novembre 2021.

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