L’ACTE VACCINAL EN PRATIQUE - Ma revue n° 032 du 01/05/2023 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 032 du 01/05/2023

 

JE ME FORME

BONNES PRATIQUES

Sandra Jung-Fritsch  

cadre formatrice clinicienne, Ifsi Groupe hospitalier Saint-Vincent à Strasbourg.

Pour assurer l’efficacité et la sécurité du geste, l’acte vaccinal répond à un certain nombre d’exigences. Son déroulé pratique concerne les 15 vaccins éligibles à l’administration sans prescription. Il conviendra en outre de se référer aux mises à jour des résumés des caractéristiques des produits (RCP).

1. ENTRETIEN PRÉALABLE

• Vérifier l’identité et l’âge : 16 ans au minimum.

• Considérer l’éligibilité en lien avec le calendrier vaccinal.

• Deux vaccinations de ces vaccins sont possibles le même jour, une injection par deltoïde.

• Dépister une infection qui pourrait différer la vaccination (fièvre, par exemple) d’une à deux semaines.

• S’enquérir des antécédents de réaction allergique à l’ovalbumine (protéine d’œuf) ou à une vaccination antérieure.

• Informer la personne de l’acte et des possibles réactions systémiques et locales.

• Recueillir son consentement.

• Estimer la méthode d’injection dans le deltoïde adaptée au patient :

- la voie intramusculaire (IM) est la préférence, et s’appuie sur des critères d’efficacité et de tolérance ;

- la voie sous-cutanée (SC) peut être choisie en cas de trouble de l’hémostase inné ou acquis (traitement anticoagulant), bien que l’intérêt ne soit pas formellement démontré, ainsi que pour les personnes maigres.

2. MATÉRIEL

• Solution hydroalcoolique.

• Plateau de soins.

• Le vaccin, souvent conditionné en seringue préremplie avec une aiguille prémontée. Certains vaccins sont présentés en flacons, par exemple contre la rage.

• Antiseptique type alcool à 70 % vol., chlorhexidine alcoolique, etc.

• 1 paire de gants non stériles à usage unique (UU).

• 1 pack de 2 compresses stériles non tissées 5 × 5 cm ou 7,5 × 7,5 cm.

• 1 pansement individuel.

• Collecteur OCPT et sacs à élimination des déchets (Daom, Dasri).

• Avoir à disposition deux stylos auto-injecteurs d’adrénaline et connaître les protocoles d’utilisation.

3. DÉROULÉ

Après avoir rassemblé le matériel, installé le patient sur une chaise comportant un dossier, en cas de malaise vagal ou de choc anaphylactique, le soignant s’assoit sur un tabouret à roulettes, plus adapté à la prévention des troubles musculosquelettiques et plus confortable en cas d’injection en sous-cutané. Les roulettes permettent de déplacer le tabouret facilement selon le bras choisi par le patient et l’organisation du soin dans l’espace.

• Repérer le deltoïde (voir ci-dessus).

• Friction hydroalcoolique (FHA).

• Sortir le vaccin du réfrigérateur (pas d’intérêt à le réchauffer).

• Vérifier la date de péremption et l’intégrité de l’emballage.

• Ouvrir aseptiquement :

- l’emballage cartonné ;

- l’opercule plastique le cas échéant ;

- l’emballage du pansement individuel (plus aisé qu’avec les gants en fin de soin) ;

- le pack de 2 compresses stériles.

• Verser l’antiseptique sur une compresse, l’autre compresse reste sèche.

• Réaliser l’antisepsie de la peau du patient en « escargot en parachute », du centre vers la périphérie en tenant la compresse par les 4 coins sans toucher le cœur. Le risque infectieux existe pour tout acte avec effraction cutanée, et concerne aussi les petites injections.

• Respecter le temps de contact en fonction du produit, et vérifier qu’il ne persiste aucun excédant avant l’injection, au risque de faire pénétrer de l’antiseptique.

• FHA.

• Enfiler les gants à usage unique (UU) pour la prévention des accidents d’exposition au sang (AES, voir encadré « Gants et prévention des accidents d’exposition au sang » p. 23).

• Vérifier l’aspect du vaccin. Par exemple limpide contre la grippe, mais ce n’est pas forcément le cas pour tous les autres vaccins. Le vaccin contre la rage reconstitué peut être légèrement opalescent, voire rouge violacé.

• Retourner délicatement à plusieurs reprises la seringue préremplie afin d’homogénéiser le produit.

• Retirer le capuchon protecteur de l’aiguille.

• Demander au patient de détendre son bras, par exemple de le laisser pendre.

• Inutile de purger la bulle. Les seringues préremplies présentent généralement une bulle d’air afin d’administrer la totalité du produit. L’air en fin d’injection permet de pousser le volume mort restant dans l’aiguille. La bulle doit être remontée préalablement du côté du piston (orienter la seringue en ce sens).

• Inutile de faire un retour veineux, qui augmenterait inutilement la douleur liée au geste. Les zones ainsi que les volumes injectés ne justifient pas cette pratique.

→ Mémo : vos deux mains sont toujours actives, une main tend ou pince la peau et l’autre pique !

• Utiliser un vocabulaire positif, ne pas utiliser de mot comme « Je vous pique », « Attention »…

DANS LE CAS D’UNE INJECTION EN INTRAMUSCULAIRE (IM)

• Étirer fermement la peau entre deux doigts. La peau tendue fermement a deux intérêts : atteindre le niveau musculaire et réduire la douleur lors de l’injection.

→ Memo : penser à une épilation peau tendue versus non tendue !

De plus, le contact appuyé des deux doigts focalise la perception sensorielle au détriment de la pénétration de l’aiguille !

• Piquer d’un mouvement sûr et rapide à 90° avec l’autre main, avec un recul d’1 cm environ.

DANS LE CAS D’UNE INJECTION EN SOUS-CUTANÉE (SC)

• Pincer la peau.

• Piquer à la base du pli d’un mouvement sûr et rapide à 45 degrés dans le sens du retour veineux (par principe, cependant peu d’importance pour ce type de petits volumes).

→ Vigilance : piquer bien parallèlement à vos doigts afin d’éviter un AES !

• Injecter à une vitesse raisonnable mais assez rapide : le volume doit être injecté le temps de compter environ jusqu’à 3.

• Retirer l’aiguille et l’évacuer dans le Dasri pour objets piquants coupants tranchants (OPCT). Organiser l’espace afin de ne pas passer au-dessus de votre 2e bras (risque d’AES).

• Simultanément, saisir la compresse sèche restant du pack de 2 afin de comprimer.

• Allonger la compression à 5 minutes si le patient est sous anticoagulant.

• Demander au patient de maintenir cette compresse.

• Saisir le pansement pré-ouvert et l’appliquer (le risque de saignement est faible).

• Inutile de masser la zone d’injection.

• Retirer et jeter les gants.

4. GÉRER LES EFFETS INDÉSIRABLES

LES EFFETS INDÉSIRABLES IMMÉDIATS

Garder le patient sous surveillance pendant 15 minutes.

• Réaction anaphylactique, très rare.

• Malaise vagal.

• Saignement, rare et peu abondant.

LES EFFETS INDÉSIRABLES RECONNUS

Informer le patient sur les effets indésirables possibles. L’information doit être utile, claire, adaptée et personnalisée, et ne doit pas être anxiogène.

Les effets sont généralement limités et de courte durée, de 24 à 72 heures.

On distingue suivant les vaccins :

- des effets locaux : rougeur, tuméfaction, douleur au point d’injection, etc. ;

- des effets généraux : fièvre, céphalées, etc.

EN CAS D’EFFET GRAVE OU INATTENDU

Informer notamment le patient de consulter en cas de signe d’infection locale (écoulement au point d’injection, œdème important et persistant, rougeur, etc.)

Le vaccin est soumis aux mêmes règles de pharmacovigilance que tout autre médicament. En cas d’effets indésirables susceptibles d’être dus au vaccin administré, le déclarer au centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

5. TRAÇABILITÉ

La traçabilité est une obligation légale, d’une utilité fondamentale notamment dans le suivi des schémas vaccinaux. La connaissance d’une vaccination préalable - ou non - est aussi très importante lors de l’établissement d’un diagnostic.

• Inscrire :

- En version papier, dans le carnet de santé ou le carnet de vaccination ;

- Et/ou en version numérique, sur mesvaccins.net ou sur le dossier médical partagé sur Mon espace

Santé :

- la dénomination du vaccin administré,

- la date de l’injection,

- son numéro de lot,

- l’identité de l’infirmière.

• À défaut, délivrer à la personne vaccinée une attestation de vaccination qui comporte ces informations.

• Si la personne vaccinée n’a pas de dossier médical partagé, et avec son consentement, transmettre ces informations par messagerie sécurisée à son médecin traitant.

La vaccination est une occasion de s’inscrire dans une démarche éducative en participant à l’information sur les différents vaccins, et notamment sur les dates à venir pour des rappels.

RÉFÉRENCES

Sur Internet :

• Le site de la SF2H donne des informations sur l’hygiène en milieu de soins : www.sf2h.net. Consulter le guide sur les précautions standards via ce lien : bit.ly/3M9g1Ch.

• Le site dédié à la vaccination pour les professionnels : professionnels.vaccination-info-service.fr. Lien pour accéder à la page sur l’administration des vaccins : bit.ly/3AV8rVk.

• Cohen R., « Administration des vaccins par voie intramusculaire », Infovac, janvier-février 2021. Lien pour la télécharger : bit.ly/419O4hy.

• Le site du carnet de vaccination numérique : www.mesvaccins.net

• Le site pour signaler des événement sanitaire indésirables : https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/signalement-sante-gouv-fr.

Gants et prévention des accidents d’exposition au sang (AES)

Les gants à usage unique (UU) n’ont pas d’intérêt hygiénique au bénéfice du patient, mais un intérêt dans la prévention des accidents d’exposition au sang (AES). Aussi vous pourrez trouver certains documents qui ne les recommandent plus.

Notez cependant qu’en cas de piqûre accidentelle, les gants nettoient en partie l’aiguille avant de pénétrer la peau du soignant, et bouchent une part de la lumière de l’aiguille creuse. Ceci réduit une éventuelle contamination et séroconversion de l’infirmière par un potentiel inoculum. Ce qui n’exclue pas la déclaration et le suivi du protocole en cas de piqûre !

Bien entendu, les gants doivent être changés entre chaque patient (risque de contamination croisée) et à ce jour il n’existe pas de gants compatibles avec une friction hydroalcoolique ou FHA (ils deviennent poreux). Les précautions standards de la sf2h de 2017 s’appliquent (voir Références).

Comment repérer le deltoïde

• Demander le côté préféré du patient. S’il est droitier, proposer d’injecter à gauche (plus confortable en cas de réaction locale).

• Demander au patient de retirer la manche et non de la retrousser. Le deltoïde étant haut, il risque d’être recouvert par la manche, en plus de l’effet garrot.

• Le deltoïde se situe au tiers supérieur du bras, en forme de V, environ de la taille d’une paume de main. Si besoin, faire lever le bras à l’horizontal afin de repérer une protubérance, souvent très visible même chez les personnes peu musclées.

• Poser deux travers de doigt sous l’acromion.

• Pas de contre-indication (CI) à injecter dans un tatouage en intramusculaire (IM) et en sous-cutanée (SC) (la CI est la voie intradermique).

• Il n’est plus nécessaire de vacciner dans le bras opposé à celui du sein opéré, même s’il y a eu un curage ganglionnaire.

• Ne pas injecter du côté :

d’un lymphœdème ;

d’une hémiplégie ;

d’un accès vasculaire d’hémodialyse ou d’un cathéter central par voie périphérique ;

d’une atteinte cutanée : lésion, démangeaisons, etc. ;

de signe d’inflammation locale.

• Ne pas injecter dans la fesse : une injection intragraisseuse et non intramusculaire peut réduire l’efficacité de certains vaccins.