LA VACCINATION SANS PRESCRIPTION MÉDICALE
JE ME FORME
PRISE EN CHARGE
Anne-Gaëlle Harlaut* Daniel Floret**
*professeur émérite de pédiatrie
**vice-président de la commission technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé (HAS)
De nouveaux textes, attendus courant 2023, devraient autoriser la vaccination des personnes par les infirmières dès l’âge de 2 ans sur la grande majorité des vaccins disponibles. En attendant, conformément aux premiers textes entrés en vigueur le 24 avril 2022(1), ces professionnels peuvent d’ores et déjà administrer 15 vaccins aux personnes de plus de 16 ans sans prescription médicale préalable, en plus de celui contre le Covid-19. Le point sur ces vaccins, les maladies ciblées et leur administration.
La vaccination permet de prévenir l’infection par certains virus ou bactéries en utilisant les capacités du système immunitaire : en introduisant dans l’organisme sain un germe rendu inoffensif ou une partie de ce germe, elle stimule une réponse spécifique qui permet d’éviter de contracter la maladie ou d’en faire une forme grave.
→ Le vaccin introduit dans l’organisme des substances issues d’un agent infectieux capables de stimuler le système immunitaire, dites « antigènes », ou le code génétique qui permet leur production (vaccin à ARNm). Ces antigènes activent les lignes de défense, notamment les lymphocytes B et T, qui produisent des anticorps et des cellules capables de détruire les cellules infectées pour éliminer l’agent infectieux reconnu comme corps étranger. Ils ne provoquent pas les symptômes potentiellement graves de la maladie : l’individu est protégé sans avoir payé le tribut de l’infection.
→ Des cellules immunitaires activées, dites « mémoire » vont persister plusieurs années dans l’organisme : c’est la mémoire immunitaire. Lors d’un contact ultérieur, elles reconnaissent l’agent infectieux et produisent sur un temps très court des anticorps spécifiques qui le neutralisent avant même que la maladie ne se déclare.
Certains vaccins nécessitent plusieurs doses pour obtenir une immunité suffisamment protectrice. Elles sont espacées de quatre semaines en moyenne pour laisser le temps aux lymphocytes de maturer et de s’activer.
L’immunité protectrice procurée par certains vaccins décline avec le temps, elle doit être entretenue par contacts réguliers avec le germe (personnes infectées) ou par des injections de rappel.
Certains virus, comme ceux de la grippe, mutant rapidement, la composition des vaccins doit s’adapter régulièrement. De plus, les vaccins antigrippaux ayant une faible capacité à provoquer une réponse immunitaire spécifique, un vaccin annuel est nécessaire pour se protéger.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la vaccination permet d’éviter 3,5 à 5 millions de décès par an dans le monde. Dans un but ultime, elle permet d’éradiquer des maladies, comme la variole au niveau mondial ou la poliomyélite en France. À l’échelle d’une population, ses bénéfices sont doubles :
→ Individuels. La personne vaccinée, en cas de contact avec l’agent infectieux, ne développera pas l’infection ou sa gravité sera atténuée.
→ Collectifs. La vaccination bloquant la multiplication de l’agent infectieux, la personne vaccinée est moins susceptible de le transmettre à l’entourage. La circulation du germe est freinée, protégeant ainsi les personnes non ou mal vaccinées (nourrissons, contre-indications, schéma vaccinal incomplet, notamment). Cette protection collective exige cependant d’atteindre un pourcentage minimal de personnes vaccinées encore appelé « seuil d’immunité collective ». Elle n’est par ailleurs possible que pour des maladies qui se transmettent de personne à personne, ce qui n’est pas le cas par exemple du tétanos (voir la fiche DTP p. 20) pour lequel la protection vaccinale n’est qu’individuelle.
Ils induisent une immunité protectrice forte qui nécessite peu d’injections. Ils sont contre-indiqués chez les patients immunodéprimés et par prudence chez la femme enceinte, en raison d’un risque théorique que le virus vivant puisse atteindre le fœtus. Ils ne font pas partie des vaccins prescrits par les infirmières.
→ Certains vaccins vivants contiennent l’agent infectieux vivant dont le pouvoir pathogène a été fortement diminué afin de provoquer une infection a minima, non dommageable : BCG contre la tuberculose, fièvre jaune, rougeoleoreillons-rubéole (ROR), varicelle, zona, etc.
→ Les vaccins vivants à vecteur viral utilisent un virus vivant inoffensif pour l’homme qui transporte un fragment du matériel génétique (acide nucléique) du germe ciblé : quand le virus se multiplie, il synthétise des antigènes de l’agent ciblé. Parmi ces vaccins : les vaccins anti-Covid-19 de Janssen et AstraZeneca (Jcovden, Vaxveria), actuellement non disponibles.
Sans risque infectieux, ces vaccins présentent néanmoins un pouvoir immunisant moindre.
Vaccins entiers. Ils contiennent le germe entier inactivé : vaccins contre l’hépatite A, la poliomyélite, la rage, l’encéphalite à tiques, le choléra…
Vaccins sous-unitaires. Ils contiennent des fragments antigéniques de différentes natures : une anatoxine (ex. : vaccins contre le tétanos ou la diphtérie), une protéine (ex. : hépatite B, méningocoque B, vaccins protéiques contre le Covid-19), l’enveloppe protéique virale (ex. : papillomavirus humain), des polysaccharides conjugués ou non à une protéine porteuse (pneumocoque, Haemophilus influenzae, méningocoque C, etc.). Entrent aussi dans cette catégorie les vaccins à acide nucléique (vaccins Comirnaty de Pfizer et Spikevax de Moderna anti-Covid-19, etc.) qui contiennent une petite partie de l’ARN du germe pathogène capable d’utiliser le matériel génétique des cellules humaines pour synthétiser des antigènes (mais qui ne s’intègrent pas dans l’ADN des cellules humaines !).
→ Des adjuvants sont généralement ajoutés aux vaccins inertes pour optimiser la réponse immunitaire et diminuer le nombre d’injections. Il s’agit le plus souvent de sels d’aluminium, parfois de squalène, de phospholipides, etc.
→ On retrouve également des conservateurs, des stabilisants et parfois, des éléments à l’état de trace liés au mode de fabrication comme des protéines d’œuf ou des antibiotiques qui peuvent justifier une contre-indication en cas d’allergie connue.
→ La majorité des vaccins est administrée par voie intramusculaire qui provoque moins d’effets indésirables locaux : dans la face antérolatérale de la cuisse chez les nourrissons, ou, à partir de 1 an, dans le muscle deltoïde (voir encadré p. 24).
→ La voie sous-cutanée peut être utilisée, notamment pour les vaccins vivants ou lorsque le patient est à risque de saignements (hémophiles, traitements anticoagulants).
→ La voie intradermique est réservée au BCG.
→ La voie muqueuse qui permet une réaction immunitaire locale et systémique est aujourd’hui réservée au vaccin oral contre les gastro-entérites à rotavirus et au vaccin grippal vivant administré par voie nasale.
Definitives. Elles sont rares, liées essentiellement à une allergie grave connue à l’un des constituants. Les vaccins vivants ne sont pas utilisés en cas d’immunosuppression et chez la femme enceinte (sauf en cas de risque infectieux important).
→ À noter : le médecin peut décider de contreindiquer les vaccins à ARNm contre le Covid-19 en cas de myocardite, myopéricardite ou de syndrome inflammatoire systémique survenu au cours d’une infection par le Sars-CoV2 ou d’une précédente vaccination.
Temporaires. Certaines situations peuvent nécessiter de repousser une vaccination afin de ne pas sursolliciter le système immunitaire : infection aiguë avec fièvre, traitement par produits sanguins et, pour le BCG, poussée aiguë de dermatose (ex. : eczéma).
Reactions locales au point d’injection. Œdème, érythème et douleurs passagères peuvent apparaître dans les heures suivant l’injection ou, pour le BCG, après quelques semaines. Ce sont les effets indésirables les plus fréquents, notamment avec les vaccins contenant des adjuvants et/ou injectés par voie sous-cutanée ou intradermique.
Reactions generales. Fièvre modérée (< 39 °C), fatigue, maux de tête et myalgies peuvent survenir dans les 48 heures après un vaccin inactivé et témoignent de l’activation immunitaire. Pour les vaccins vivants, elles peuvent apparaître après 1 à 2 semaines et s’accompagner d’une forme mineure de la maladie comme une légère éruption cutanée ou, pour le ROR, une parotidite.
Allergies. Bien plus rares, elles apparaissent rapidement, dans l’heure suivante, caractérisées par une urticaire, un œdème de Quincke ou exceptionnellement un choc anaphylactique. D’où la surveillance d’un patient après vaccination avec, à disposition, un antihistaminique H1 et de l’adrénaline.
Pharmacovigilance. Si des effets indésirables connus ou non apparaissent à la suite d’une vaccination et sont portés à leur connaissance, tous les professionnels de santé doivent enregistrer une déclaration sur le portail signalement-sante.gouv.fr.
→ La politique vaccinale est menée par le ministère de la Santé selon les avis de la commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé (HAS). Elle fixe les obligations, recommandations et les règles d’utilisation des vaccins selon la gravité et l’évolution épidémiologiques des infections en population générale et spécifique (femmes enceintes, immunodéprimés, professionnels, etc.). Les recommandations sont publiées chaque année sur le site sante.gouv.fr, celles concernant les voyageurs dans un Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) annuel.
→ L’objectif est d’obtenir une couverture vaccinale (proportion de personnes entièrement vaccinées sur le nombre total de celles qui devraient l’être à un moment donné) suffisante pour limiter ou stopper la circulation d’une infection et protéger l’ensemble de la population. Pour la majorité des vaccinations, cet objectif est de 95 % (75 % pour la grippe saisonnière).
→ Des recommandations spécifiques encadrent le rattrapage vaccinal en cas de statut incomplet ou inconnu, en population générale et chez les migrants : vaccins à privilégier pour débuter, modalités et intervalles d’injections multiples, etc. Des fiches pratiques sont disponibles sur le site hassante.fr, rubrique « vaccination ». D’autres, consultables dans le calendrier annuel des vaccinations et recommandations vaccinales (sante.gouv.fr), adaptent la stratégie pour pallier les ruptures d’approvisionnement.
1. Décret n° 2022-610 du 21 avril 2022 relatif aux compétences vaccinales des infirmiers et des pharmaciens d’officine.
Autant contracter la maladie, après on est protégé !
La maladie infectieuse peut en effet conférer une immunité spécifique mais elle expose à des risques de complications graves voire de mortalité d’où une balance bénéfices-risques en faveur de la vaccination.
L’aluminium provoque des maladies graves
Comme les autres adjuvants, l’aluminium est impliqué dans la survenue de la réaction locale temporaire (voir effets indésirables) mais à ce jour, malgré des décennies d’utilisation, aucune étude ne permet de les incriminer dans la survenue de maladies graves.
Inutile de se faire vacciner contre des maladies qui ont quasiment disparu en France !
Le fait que certaines maladies aient presque disparu en France ne veut pas dire qu’elles ne circulent plus du tout : si la couverture vaccinale baisse, elles risquent de réémerger. Par ailleurs, elles sont encore endémiques dans certains pays, la vaccination permet aux voyageurs de s’en protéger.
Si on oublie un rappel, il faut tout recommencer
Toutes les doses de vaccin reçues comptent indépendamment du délai écoulé depuis la dernière dose reçue, le schéma vaccinal doit être complété et non recommencé entièrement.
PUIS-JE CONSERVER MON VACCIN TOUTE LA JOURNÉE DANS UNE POCHETTE ISOTHERME ?
Les vaccins se conservent généralement au réfrigérateur entre 2 et 8 °C et l’efficacité des pochettes isothermes n’est pas établie, même munies d’un pack réfrigéré. La rupture du froid est sans conséquences durant 2 heures pour l’ensemble des vaccins, davantage pour certains. Au-delà de ce délai, le vaccin doit être conservé au réfrigérateur sur une clayette sans toucher les parois et non dans la porte ou dans le bac à légumes où la température est plus élevée.