L'infirmière n° 033 du 01/06/2023

 

PRESTATAIRES DE SANTÉ À DOMICILE

VIE PRO

COORDINATION

Laure Martin  

De l’hôpital à la maison, les prestataires de santé à domicile interviennent dans la prise en charge des patients nécessitant des dispositifs médicaux spécifiques pour rester chez eux. Au sein de ces structures, les infirmières jouent un rôle clé.

Assurément, les domaines d’intervention des prestataires de santé à domicile (PSAD) sont variés : pathologies respiratoires (oxygénothérapie, ventilation mécanique, aérosolthérapie, apnée du sommeil), maladies chroniques (bronchopneumopathie chronique obstructive ou BPCO, sclérose latérale amyotrophique ou SLA, Parkinson) ou aiguës (perfusion). Leur activité, encadrée par la Liste des produits et prestations remboursables (LPPR), est déclenchée uniquement sur prescription médicale, généralement d’un médecin spécialiste, en ville ou hospitalier, leur demandant d’exécuter une prestation de la LPPR, en semaine et le week-end, au domicile d’un patient dépendant. Ils mettent ainsi en place un dispositif médical (DM) qui nécessite un paramétrage et des services indispensables pour le maintien à domicile. Dans cette prise en charge, les infirmiers tiennent un rôle de premier plan, car sur certains domaines, l’installation des DM et le suivi du patient requièrent obligatoirement leur intervention, et non celle des techniciens habituels. « Dans ce métier, nous devons en permanence garder un lien avec le patient et pour cette raison, nous travaillons de manière sectorisée », explique Thierry Guillaume, infirmier de formation, fondateur d’Experf et adhérent de la Fédération des PSAD (FEDEPSAD).

Dès lors qu’un PSAD est sollicité par un spécialiste, l’infirmière de la structure se rend à l’hôpital pour faire le point avec lui et échanger sur la prise en charge souhaitée. « Nous nous déplaçons afin de nous assurer de la faisabilité du suivi à domi cile, indique Charlotte Casetta, infirmière de coordination (Idec) Senior chez Medperf Dovixia, spécialisé dans les perfusions à domicile. Des critères doivent être respectés notamment l’autonomie du patient. »

UNE MISE EN PLACE RODÉE

Lorsque la prise en charge est confirmée, en fonction des secteurs d’intervention, le rôle de l’infirmier varie. À titre d’exemple, dans le domaine de la diabétologie, l’infirmière du PSAD forme le patient, à l’hôpital ou à son domicile, au fonctionnement de sa pompe à insuline. Le prescripteur peut imposer un modèle de pompe ou déléguer le choix au PSAD. « Dans ce deuxième cas, nous allons présenter les différents modèles au patient, tout en analysant ses besoins, ses difficultés par exemple un déficit visuel ou un problème de dextérité, afin de choisir le modèle adapté à sa situation », précise Françoise Laugel, infirmière conseil, responsable d’agence chez Asdia, qui intervient dans le champ de la perfusion et de la diabétologie.

En fonction des soins à dispenser à domicile, l’infirmière doit, par ailleurs, organiser la prise en charge avec une équipe de soins primaires. « Quand elle rencontre le patient, elle va alors l’interroger sur la présence ou non de professionnels libéraux à ses côtés » rapporte Thierry Guillaume. Si c’est le cas, elle prend contact avec le pharmacien d’officine afin de le prévenir de la sortie hospitalière du patient. Il peut ainsi prévoir les traitements. Elle va aussi solliciter l’infirmière libérale (Idel), car en aucun cas les PSAD ne réalisent des soins. L’infirmière planifie donc la réalisation de ces soins avec sa consœur libérale. « Nous nous assurons toujours que le cabinet infirmier est en mesure de prendre en charge le patient par rapport au traitement concerné, fait savoir Charlotte Casetta. Si le patient ne dispose pas d’infirmière libérale, ou si cette dernière ne souhaite pas assurer les soins, le PSAD peut trouver un cabinet via son réseau. »

UNE EXPERTISE DANS LES DISPOSITIFS MÉDICAUX

Les infirmières des PSAD endossent principalement un rôle technique. Pour être expertes des dispositifs médicaux utilisés, « elles bénéficient d’une période de formation, afin d’apprendre leur fonctionnement précis, le déroulement des suivis à domicile, la place des PSAD dans l’écosystème de santé ou encore la gestion administrative associée », énumère Thierry Guillaume. En fonction des entreprises, elles suivent un à deux mois de formation, en sachant qu’il est communément admis qu’il faut environ six mois pour que l’infirmière soit considérée comme totalement autonome. Les premiers temps, elle travaille toujours en binôme avant de devenir progressivement indépendante. « L’une de mes missions consiste en l’organisation de sessions de formation et d’intégration pour les professionnels du PSAD, indique Stéphane Guionneaud, infirmier de formation, aujourd’hui référent national dans le domaine de la perfusion chez Elivie. L’ensemble de nos infirmiers, diététiciens et techniciens suivent un parcours d’une semaine d’intégration afin d’aborder tous les aspects réglementaires de notre métier, la LPPR, et les obligations en termes de suivi, de livraison et d’astreinte. » Cette semaine permet aussi d’effectuer un focus par grandes familles de traitements. « Je travaille également en étroite collaboration avec des médecins hospitaliers et des laboratoires pharmaceutiques pour échanger sur des traitements spécifiques, leur adaptation et la formation des acteurs de soins à domicile notamment des infirmiers libéraux », précise-t-il.

Outre la formation de base, les infirmières suivent annuellement des formations continues pour se tenir à jour de l’évolution des DM. « Les dispositifs médicaux sont de plus en plus complexes, fait savoir Françoise Laugel. À titre d’exemple, les pompes à insuline peuvent aujourd’hui intégrer des algorithmes afin d’enregistrer toutes les données des patients et ainsi permettre une gestion optimale du traitement. Il est nécessaire que les infirmières soient correctement formées afin de répondre aux questions des patients. » De même que dans le domaine de la nutrition, l’intervention des IDE consiste à installer et expliquer le fonctionnement du matériel et les pompes au patient et à son infirmière libérale, « mais nous ne sommes en rien responsables des soins qu’elles dispensent », rappelle Charlotte Casetta.

UN INTERMÉDIAIRE AUSSI ENTRE LE PATIENT ET L’IDEL

Lors de la prise en charge, l’infirmier du PSAD assure un suivi régulier du patient à domicile. « Notre nomenclature impose des rythmes en fonction des pathologies », rapporte Thierry Guillaume. Pour un patient diabétique, l’infirmier du PSAD se rend à son domicile tous les 15 jours, puis tous les mois. Pour la perfusion, les visites des infirmiers ont lieu à J0 puis J14, J28, J56 et J84. « En réalité, nous nous adaptons aux besoins du patient, c’est un gage de qualité », estime Thierry Guillaume. Pour effectuer ce suivi, outre les visites prévues chez les patients, l’infirmier appelle régulièrement les infirmières libérales et les patients afin de s’assurer du bon déroulement de la prise en charge. « Notre objectif est d’évaluer le patient et d’effectuer des retours au prescripteur, indique Charlotte Casetta. Nous sommes les yeux et les oreilles de l’hôpital au domicile. La bonne coordination avec l’infirmier libéral est donc fondamentale. » Et d’ajouter : « En cas de problème dans la prise en charge, en raison de notre réactivité, nous pouvons éviter aux patients d’aller aux urgences. Le binôme infirmier du PSAD et infirmière libérale est fondamental car en fonction des problématiques rencontrées, chaque patient doit pouvoir être pris en charge dans les deux heures, insiste Thierry Guillaume. Nous ne pouvons pas laisser un patient démuni dans la durée. »

En étant en contact aussi bien avec le patient, qu’avec l’équipe de soins primaires et avec l’hôpital, les PSAD se situent à l’interface de la prise en charge, « ce qui est facilitant pour tous les acteurs concernés en sachant que notre finalité est de veiller à ce que le patient se sente bien dans son suivi et à domicile », conclut Thierry Guillaume.

Comment sont rémunérés les PSAD ?

La tarification des prestataires de santé à domicile (PSAD) est encadrée par la Liste des produits et prestations remboursables (LPPR), et inclut le dispositif médical, les consommables et le service. Le forfait, fixe, dépend de la prise en charge à assurer mais ne varie pas en fonction du nombre d’interventions à effectuer au domicile. La marge du PSAD repose donc sur sa gestion des stocks et les négociations avec les fabricants de matériels. « Financièrement, l’équilibre n’est pas facile à trouver car en 10 ans, l’État a baissé nos prix de 40 %, dénonce Thierry Guillaume, fondateur d’Experf et adhérent de la Fédération des PSAD. C’est incohérent car ils veulent un virage ambulatoire sans investir dans le domicile. »