L'infirmière n° 034 du 01/07/2023

 

TABAGISME

JE DÉCRYPTE

SYSTÈME DE SANTÉ

Isabel Soubelet  

Selon les derniers chiffres publiés par Santé publique France, un quart des personnes de 18 à 75 ans déclare fumer quotidiennement, mais l’augmentation observée parmi les femmes entre 2019 et 2021 ne semble pas se poursuivre.

Santé publique France a publié le 31 mai dans son Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) les dernières estimations de la prévalence du tabagisme en France métropolitaine parmi les adultes âgés de 18 à 75 ans(1). Le jour de la publication n’a pas été choisi par hasard. En effet, c’est celui de la Journée mondiale sans tabac instituée en 1987 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, le tabac reste la première cause de mortalité évitable, avec 75 000 décès attribuables, soit 13 % de la mortalité dans l’Hexagone. Le tabac est aussi le premier facteur de risque de cancer. Dans le pays, le nombre de fumeurs se maintient à un niveau élevé, il est estimé à 15 millions dont 12 millions de fumeurs quotidiens. Le deuxième programme national de lutte contre le tabac (2018-2022) s’est néanmoins achevé avec des résultats positifs (baisse significative chez les jeunes de 17 ans en passant de 25,1 % en 2017 à 15,6 % en 2022)(2). Le troisième plan doit être présenté avant la fin de l’année. Une nécessité pour continuer à lutter contre les conséquences sanitaires et sociales du tabagisme, renforcer et déployer les efforts de prévention en proposant l’aide au sevrage tabagique de façon systématique dans les entreprises. Et en particulier celles des secteurs les plus impactés dont font partie les établissements hospitaliers et médico-sociaux, les maisons de santé et les cabinets de ville. Par ailleurs, arrêter de fumer nécessite un suivi et un accompagnement. Et les infirmiers jouent ici un rôle essentiel dans l’accompagnement psychologique et le suivi quotidien des fumeurs dans le sevrage tabagique.

STABILITÉ DE LA PRÉVALENCE DU TABAGISME

Après une baisse du tabagisme quotidien d’ampleur inédite entre 2016 et 2019 (de 29,4 % à 24 % en métropole), la prévalence s’est stabilisée. L’étude de Santé publique France menée dans un contexte post-crise liée au Covid-19 (conditions de travail dégradées, impacts sur la santé mentale, etc.) montre qu’en 2022 plus de trois personnes sur dix (31,8 %) déclarent fumer et un quart déclare fumer quotidiennement (24,5 %). Ces niveaux sont stables par rapport à 2021 et depuis 2019. Les différences constatées de longue date entre les hommes et les femmes perdurent. La prévalence du tabagisme est respectivement de 35,1 % chez les hommes et 28,8 % chez les femmes, et pour le tabagisme quotidien, les chiffres sont respectivement de 27,4 % et 21,7 %. Par ailleurs, l’étude pointe le fait que l’augmentation observée parmi les femmes entre 2019 et 2021 ne semble pas se poursuivre.

DES INÉGALITÉS SOCIALES TRÈS MARQUÉES

En revanche, les inégalités sociales, étudiées à partir des trois indicateurs que sont le diplôme, le revenu et la situation professionnelle, semblent marquer un rebond en matière de tabagisme. Ainsi, on constate que la prévalence du tabagisme quotidien parmi le tiers de la population dont les revenus sont les plus bas est de 33,6 % alors qu’elle s’élève à 20,9 % parmi les personnes aux revenus intermédiaires et à 21,4 % parmi celles aux revenus les plus élevés. Le niveau du tabagisme quotidien parmi les 18-64 ans atteint 42,3 % pour les personnes qui sont au chômage contre 26,1 % pour les actifs occupés. « La prévalence du tabagisme quotidien reste en 2022 nettement plus élevée lorsque le niveau de diplôme est plus faible, elle varie de 30,8 % parmi les personnes n’ayant aucun diplôme ou un diplôme inférieur au baccalauréat à 16,8 % parmi les titulaires d’un diplôme supérieur au baccalauréat, souligne Anne Pasquereau, chargée d’études et de recherches, unité addictions, Santé publique France. Un des résultats clé réside dans le rôle des inégalités sociales dans le tabagisme. Ces données vont permettre d’aider à cibler les populations qui fument le plus dans les politiques publiques. » Il ne reste plus qu’à découvrir très prochainement le contenu du futur programme national de lutte contre le tabac.

Note

1. https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/en-2022-la-france-compte-toujours-pres-de-12-millions-de-fumeurs-quotidiens. Les données utilisées proviennent d’une enquête téléphonique sur un échantillon aléatoire, menée entre mars et juillet 2022, comprenant au total 3 229 individus de 18-75 ans résidant en France métropolitaine.

2. « Usage de tabac chez les jeunes de 17 ans : résultats de l’enquête ESCAPAD », BEH 9-10, p. 166-9, 31 mai 2023.